mercredi 29 juin 2022

Quelques éclats de plaisir

 Ce post ne sera qu'une suite de photos. Je devrais retrouver un peu de temps bientôt mais ce n'est pas encore le cas. Alors, pour ne pas oublier, quelques éclats de ce dernier mois

Bordeaux 4 et 5 juin.

Le plus vieux pont de Bordeaux, le Pont de Pierre (1822) enjambe la Garonne, bien boueuse ce jour là.

Les tortues de la Place de la Victoire symbolisent la longévité du vin bordelais

Il faisait très chaud. Les enfants s'en donnaient à coeur joie et pataugeaient avec bonheur dans le miroir d'eau, tandis que des personnes plus âgées se rafraichissaient les pieds précautioneusement. 

Petite escapade à Royan 6 juin

Sur la plage de la Grande Côte, on n'évacue plus les bois flottés. Aussi des cabanes sont  parsemées au gré de la bonne volonté des architectes improvisés.   


 

Chaumont sur Loire 30è festival des jardins "Le jardin idéal" 17 -19 juin

La cour intérieure du Château


Nous avions programmé cette visite sans savoir (bien-sûr ) qu'elle aurait lieu pendant le pic caniculaire de ce mois de juin. Mais comme nous étions au milieu d'arbres gigantesques, de pièces d'eau et de verdure de toute espèce, nous n'en avons pas souffert. Sans compter les multiples salles et dépendances du château où des artistes étaient exposés. 43 jardins, merveilleux pour la plupart, 42 pièces -sculptures ou installations. 

Les quelques photos sélectionnées ne rendent que pauvrement compte de cette profusion

Les incroyables gunneras

Une oeuvre d'Eva Jospin 


Dans le château la bibliothèque cristallisé


Si vous en avez la possibilité, n'hésitez pas, c'est un pur bonheur. Toutes les infos ici 

lundi 30 mai 2022

Tribulations, suite

" Nous travaillons dans l'obscurité, nous faisons ce que nous pouvons,nous donnons ce que nous avons. Notre passion est notre tâche. Le reste relève de la folie de l'Art." 

Henri James cité par Denis Grozdanovitch, "Brefs aperçus sur l'éternel féminin". Un tel titre pourrait faire fuir la féministe de base. En réalité ce livre est une délicieuse collection de portraits de femmes et surtout de petites filles, en particulier Emilie, sa propre fille. Le livre regorge d'anecdotes puisqu'il est concu  à partir de notations que DG accumule dans ses carnets au gré de ses recontres ou des menues observations de la vie comme elle va.

Celle-ci par exemple : alors  qu'Emilie vient de répondre à son père "cest pas vrai" et qu'il lui demande la différence entre ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas, voici la théorie de la demoiselle :

" Eh bien !  La différence entre quelque chose qui est vrai et quelque chose qui ne l'est pas, est que ce qui n'est pas vrai ne bouge pas, tandis que ce qui est vrai remue tout le temps."  

Ces deux derniers mois j'ai encore beaucoup bougé : après Genève et Malaga,  Strasbourg, passage par Lyon et Paris au retour, puis il y a peu Barcelone et dans deux jours Bordeaux. Et comme ce n'est pas du tourisme (à part Malaga), je n'ai guère le temps de venir sous l'arbre, du moins mon arbre virtuel.

En voici un bien réel admiré au Jardin des Martels (j'y vais au moins une fois l'an, généralement pour le faire visiter à un.e ami.e).

  
Les personnes donnent la mesure de ce magnifique dont je ne suis pas parvenue à savoir le nom


 

Sculpture métallique de Pierre Treilhes

 


     
Pas toujours facile de cadrer correctement avec un simple smartphone 


De Strasbourg, je ne dirai rien. Il s'agissait de la Conférence organisée par la Commission européenne intitulée "L'économie sociale, le futur de l'Europe". Nous verrons si le plan présenté par Nicolas Schmit  produit quelque effet salutaire. Juste cette photo de Claude Alphandéry, un des pionniers, ancien résistant, membre du Comité National de la Résistance. Créateur du Labo de l'ESS. Il est intervenu en visio, il a (presque) 100 ans. Respect.    

Au retour de Strasbourg, je me suis arrêtée à Paris, le temps d'aller au Palais de Tokyo qui propose une exposition intitulée "Réclamer la terre"

"Réclamer la terre est une prise de conscience autant qu'un cri de ralliement. Quatorze artistes nous fony prendre conscience que nous ne sommes pas pas seulement "face au paysage " ni "sur terre"mais que nous faisons corps avec elle.

Parmi les artistes j'ai retenu Hélène Bertin. 

 
 

Elle a réuni 90 pièces issues de la collection de l'herbier de Lyon I. Ces agrandissements réalisés au XIXe siècle  servaient au cours de Botanique.
Autres installations
 



Il y avait un espace dédié à l'écoféminisme. En partant j'ai acheté un ouvrage recommandé par l'ami qui m'accompagnait ( qui grince un peu sur certaines allégations féministes, ça nous vaut quelques joutes amicales), un ouvrage d'homme donc, que je n'ai pas encore entamé : "Par delà nature et culture" Philippe Descola.   

Au retour, conviée par ma fillote dont c'est un favori, nous sommes allées à Tarbes (deux heures et demi de route...) assister au spectacle de James Thiérrée / Cie du Hanneton, Room. Après 20 ans de création, James Thiérrée veut "ouvrir la boite à outils, creuser en profondeur, densifier, magnifier, pour trouver de joyeuses pulsations". Opéra rock baroque, numéros de cirque, de danse, musique, presqu'aucun texte. (D)étonnant ! Et une soirée en tête à tête avec ma fille. Nous n'en avons pas si souvent l'occasion.


Barcelone. Nous avons travaillé dans un ancien couvent devenu une université (catholique, privée mais laïque selon mon amie Carmen qui avait mis une salle à disposition dans l'université où elle enseigne)

 

Juste en face se trouve la Maison  Dragon, une des fantaisies de Gaudi (voyez-vous ses deux yeux-fenêtres?)

 
Gaudi a sans doute inspiré cet architecte en herbe (ou peut-être un adulte cherchant quelque pièce pour manger) dont j'ai admiré l'oeuvre en me promenant le long de la plage après une journée bien remplie

Quand je suis revenue, les seringats étaient en fleurs et leur parfum ont embaumé ma nuit.

Bonheur du lit familier!

lundi 4 avril 2022

Un mois de tribulations

J'ai bougé tout ce mois de mars. Je laisse à Hélène Cixous le soin d'introduire un propos qui résonne pour moi en cette époque de folie guerrière. (Désolée, la capture de texte n'est pas fameuse)

 

Je ne pourrai livrer que des bribes. Chaque journée a été très riche .

Première étape, Genève. La seule fois où j'y étais  allée, j'avais la vingtaine et je rendais visite à une amie qui gagnait (bien) sa vie en servant des coupes de champagne dans une ambassade.

Cette fois, j'étais "en mission". Nous étions accueillis dans un immeuble géré par une coopérative. Chaque étage proposait une chambre pour les amis dont nous avons bénéficié. Au onzième étage on trouvait une grande terrasse utilisée pour les fêtes dont le point de vue permet d'apercevoir le gigantesque jet d'eau sur le lac Léman (140 m quand même). 

Le voici la nuit.

 Un panneau résume la philosophie de l'ensemble du batiment qui abrite outre des appartements, des locaux collectifs et de petites boutiques

 

Au retour, je suis allée suivre les jeunes femmes énervées de la marche du 8 mars à Toulouse. Les slogans évoluent au rythme de l'actualité

Séparer l'homme de l'artiste, oui mais à la hache

 

 



Une amie qui s'était installée à Malaga pour l'hiver m'a invitée à la rejoindre avant son départ pour Madagascar où elle va s'inventer une nouvelle vie. Une petite semaine hors du quotidien en Andalousie.

Hélas, le temps était très perturbé, averse boueuse, chargée de sable qui a maculé les façades et les chaussées. Ensuite il a fait un temps capricieux et plutôt frisquet. Le . Museo Carmen Thyssen nous abritera pour quelques heures délicieuses à écouter un concert de harpistes et à faire connaissance avec "l'une des plus importantes collections de peinture espagnole et andalouse du début du XIXe siècle au début du XXe siècle",

   

Fransisco Iturrino, Le bain

 

Fransisco Iturrino a été influencé par Cézanne et surtout Matisse. Ses toiles sont en décalage avec la tonalité souvent sombre et morbide des peintres exposés ( scènes de tauromachie, de guerre ). Cependant beaucoup de saisies de la vie quotidienne des Andalous au XIXème siècle avec un soin du détail des vêtements, des fleurs, des jardins, des personnages  et quelques très belles marines.

Je logeais chez une amie qui vit en Andalousie depuis plusieurs années et à Malaga depuis trois ans. Elle  a été professeure d'espagnol et connait bien l'histoire du pays et notamment de la période maure.

J'ai bénéficié ainsi de beaucoup d'anecdotes de la grande et petite Histoire

Elle m'a emmenée dans une petite église en m'intimant de fermer les yeux puis de les rouvrir une fois positionnée juste sous le Christ suspendu au plafond. Effarement garanti. Il est surnommé le Christ "au paquet", traduction littérale. Son "paquet" est en effet très apparent. Il semblerait que cette expression est utilisée couramment  pour désigner ce que nous nommons les "bijoux de famille". 

Le Christ "au paquet"
Le village de Frigiliana est un des plus jolis des environs de Malaga. Toutes les ruelles sont fleuries et pavées selon de multiples formes. 

une des rues de Frigiliana





On prépare la sortie des idoles pour la Semana Santa




cohabitation sans souci  
Gros plan sur une publicité pour le CBD, la nonne en tient entre ses mains en prière.
 

 
Puerto Banus Marina, le port de Marbella  qui accueille les yachts des milliardaires

A Malaga se trouvait un monstre, le Lady Moura qui avait appartenu  à un milliardaire saoudien, était à vendre  et a finalement été acheté  (cliquer sur le lien vaut son pesant d'or noir).


Le bon goût des riches. Un magasin de Puerto Banus Marina, Je ne livre pas ici les photos des vitrines de Gucci et autres Versace exposant des vêtements atrocement ridicules qui coûtent "un pognon de dingue". Juste une peut-être.
 

Je suis revenue chez moi et les fruitiers étaient en fleurs


Le lendemain (vendredi 1 avril, quel drôle de poisson), ils étaient sous la neige

Ce n'est pas une photo en noir et blanc mais la couleur de ce jour là

 Je finis de lire "Le naufrage des civilisations" d'Amin Maalouf et je note ceci : "Par désir de communiquer et de plaire, par mimétisme, par résignation ou par ignorance, nous nous laissons envahir. Nous cherchons rarement à faire le tri entre ce qui nous enrichit et ce qui nous dépouille, entre ce qui nous libère et ce qui nous asservit ".

dimanche 20 février 2022

Prendre soin des mots

En revenant sous l'arbre, il m'arrive d'aller au hasard lire les blogs apparemment désertés. J'y repêche parfois quelques pépites et les ramène à la surface du temps présent. Ainsi cet aphorisme publié par helenablue  le 4/08/2017

Tu me dis : le quotidien tue l’amour

Je te dis : l’amour fait vivre le quotidien

- Maram al Masri -

Vaste question ! De quel amour parle-t-on ? Un ami m'a souvent entretenue sur les définitions de l'amour dans la philosophie grecque. Platon distingue Eros, Philia et Agape qui pris dans cet ordre représenterait en quelque sorte une progression (ou une régression) du sentiment le plus exclusif au plus altruiste. En fait ces formes de relation à nos semblables ne sont pas distinctes ou intrinsèquement  hermétiques les unes aux autres.  Il y a de l'Eros dans la Philia et de la Philia dans l'Agape et la même personne peut nous inspirer tour à tour, le désir érotique, la complicité de l'amitié et la compassion de l'altruisme universel. C'est sans doute grâce à ces "glissements progressifs du désir" que l'amour peut enchanter le quotidien.

J'ai découvert par l'intermédiaire de Frédérique Martin qui signait son livre "La méthode Molotov" (voir post précedent) dans la librairie proche de chez moi (où j'achète exclusivement mes livres), un site de podcast consacré à l'exploration de "l'amour en occident". Je reprend à dessein ce titre de Denis de Rougemont qui m'avait fait si forte impression quand je l'ai lu il y a fort longtemps. Je le relirai peut-être si je parviens à le dénicher dans les piles qui patientent en attendant de retrouver un espace de stockage dédié. Le coeur sur la table, c'est sous cet intitulé que Victoire Tuaillon  publie une fois par semaine une analyse très pertinente et documentée, des relations amoureuses Le bandeau de présentation sur le site est explicite de l'intention :"Parce que s’aimer est l’une des façons de faire la révolution. Une fois par semaine, un  épisode pour réinventer nos relations amoureuses, nos liens avec nos ami·e·s, nos parent·e·s et nos amant·e·s.  Vous pouvez la rencontrer ici

Elle étudie et convoque pour ce faire des écrivains, des philosophes, des sociologues et observe comment l'éducation, les médias, l'art (essentiellement masculin) nous distillent les injonctions et les stéréotypes qui formatent nos dispositions à la rencontre et dans certains cas à l'épreuve de l'amour. Elle ponctue son exposé de témoignages recueillis en groupe ou en entretien individuel. La plupart des personnes sont jeunes, du moins entre la trentaine et au plus la cinquantaine. A la trentaine se pose la question de l'engagement ou du divorce si on s'aperçoit qu'on s'est fourvoyé.e dans l'affaire matrimoniale avec pour bagage, les histoires de Prince charmant que les contes, mais plus encore les  dessins animés de Disney nous ont imprimés dans l'imaginaire au temps de nos rêves d'enfants. Sois belle et tais-toi, sois fort et montre le sans douter. Belle comme les poupées de magasine pour l'une et fort comme Rambo pour l'autre. 


Je lis parallèlement "Le rire de la Méduse" d'Hélène Cixous, ouvrage fondateur que je n'avais jamais approché à ce jour . Et pourtant HC faisait partie de mon Panthéon en tant que figure de la rébellion féministe portée par la poésie. Son "rire" a fait le tour du monde et d'une certaine façon occulté les ouvrages antérieurs et les suivants. C'est elle qui le dit dans son introduction à la réédition (paru en 1975 et rééditée en 2010) : "la Méduse est allée beaucoup plus vite, beaucoup plus loin que mes textes de fiction et plus tard mon théâtre. Franchement, j'eus un agacement  (...) Mettez vous à ma place : une fille faite à la va-vite qui vous devance et vous retarde". Le texte est écrit pour faire advenir les femmes à l'écriture et déconstruire les structures "phallogocentriques"  qui aliènent aussi bien les femmes que les hommes. 

"Toute femme a connu le tourment de la venue à la parole orale, le coeur qui bat à se rompre, parfois la chute dans la perte de langage, le sol, la langue se dérobant, tant parler est pour la femme - je dirais même ouvrir la bouche-, en public, une témérité, une transgression. Double détresse, car même si elle trangresse, sa parole choit presque toujours dans la sourde oreille masculine, qui n'entend dans la langue que ce qui parle au masculin" 

Un extrait que j'ai sélectionné tant il me parle à moi qui ait dû lutter contre  ce tourment puisque mon activité professionnelle m'a conduite sur des estrades ou dans des colloques où je devais exprimer un point de vue que je savais être toujours un peu décalé face à un auditoire majoritairement masculin. Quand encore ces messieurs n'avaient pas rogné sur mon temps imparti m'obligeant à rétrécir mon propos jusqu'à l'absurde. Quant à la sourde oreille masculine, je continue à la constater. Quand l'assurance me fut venue (habitude et pas toujours), j'étais sidérée par l'absence de prise de parole des femmes dans les assemblées que je fréquentais. Les jeunes femmes semblent moins intimidées et encore n'est-ce évident qu'au sein de certains regroupements !



Interlude. Promenade au couchant avant de finaliser ce post


Il ne s'agit pas, bien-sûr de nier la parole masculine en retour. Je vais au contraire vous proposer de prendre connaissance de la pensée alerte et profonde d'un homme explicitant  le danger qui guette l'humanité, l'effondrement de la pensée et nous proposant de sortir de nos servitudes. 45 minutes d'intelligence et d'humanité. Merci Roland Gori   

Je concluerai donc en le citant, lui même citant beaucoup au cours de son entretien .

Nous avons à prendre soin des mots parce que les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d'eux comme le disait le poète René Char  

lundi 24 janvier 2022

Reconnaître son propre désir


 Mon dernier post date de novembre. Deux mois que je n'ai rien écrit sous l'arbre. Rien d'étonnant à cela, j'ai à nouveau déménagé mais pour revenir chez moi. Troisième épreuve de cartons et de charroi de meubles. J'ai laissé la petite maison à une Julie ravie de l'occasion, elle cherchait justement un lieu où s'installer. Je lui ai abandonné quelques unes de mes acquisitions dont je n'aurais su que faire chez moi déjà envahi de meubles. Un nouveau modus vivendi s'est mis en place avec mon partenaire. Les enfants sont ravis de voir leurs parents réconciliés. Je ne regrette pas cette parenthèse. Elle a permis de revoir un peu en profondeur les raisons de partager à nouveau cette grande maison où nous occupons chacun un espace personnel.

J'ai renoué avec bonheur avec les levers de soleil que je contemple au réveil douillettement sous ma couette,  et les couchers qui ont été somptueux. Hélas, il est arrivé une grosse vague de froid mais les poèles ajoutés au chauffage central nous offre la chaleur nécessaire pour combattre les -5° du petit matin.

De ma fenêtre le 6 janvier 2022
 

Depuis deux semaines, je replace les objets soit à la place qu'ils occupaient précédemment soit dans une nouvelle configuration, j'ai en effet remanié l'espace.

J’ai trop de livres et ne parviens pas à les sacrifier. Je vais pourtant devoir en éliminer.

Je suis comme tout à chacun fatiguée de cette pandémie, du cirque médiatique organisé, doublé désormais de la campagne pour l'élection présidentielle. J'évite le plus possible d'écouter les "nouvelles" qui n'en sont pas tellement c'est le même discours récurrent. 

Je suis allée rendre visite à mes amis à Anduze. Il faisait très froid et nous sommes peu sortis d'autant qu'ils travaillaient beaucoup pour préparer une expédition de leurs poteries à Boston. J'ai appris ainsi que les Américains sont très friands de leur production.

Nous avons  partagé quelques soirées télé (il faut que ce soit l'hiver et qu'il fasse froid). J'ai ainsi pu voir "12 years a slave, un film basé sur le récit de Solomon Northup, 
un Noir, charpentier et violoniste, qui vit en homme libre avec sa femme et ses deux enfants. Un jour il se fait gruger par deux faux artistes qui le droguent, le  kidnappent et le vendent auprès d'un propriétaire du Sud comme esclave. Le film montre la violence des traitements infligés aux Noirs quand ils avaient le malheur de tomber sur un maître cruel et cinglé. Mon ami protestait en disant que c'était largement exagéré. Me revenaient des récits que je lisais quand j'étais adolescente dont j'ai oublié et le titre et l'auteur, mais qui décrivaient ce type de réalité. Très jeune j'étais effarée de cette histoire de traite des Noirs

Revenue chez moi, j'ai regardé sur France 2 mardi soir un documentaire intitulé Noirs en France . Le documentaire, donne la parole aux Français noirs de tous âges et de tous horizons, connus ou inconnus du grand public. Raconté par l'écrivain Alain Mabanckou, ce documentaire retrace leurs histoires faites de préjugés et de stéréotypes, mais traversées aussi d’espoir et de fierté. Ces noirs en France construisent une histoire en constante.  transformation (présentation sur france.tv). A l'écoute des témoignages du racisme ordinaire, je ne pouvais m'empêcher de repenser au film et aux humiliations subies pendant des siècles dont la mémoire reste cuisante même quand on n'y a pas soi-même été exposé. Quand s'effacera-t-elle des mémoires et des comportements cette ignoble traite des humains ?  Tellement tragique l'expérience auprès des petites filles noires à qui on demande de choisir entre deux poupées, l'une blanche et l'autre  noire et qui choisissent  toutes   la blanche "parce qu'elle est plus jolie". Edifiant le témoignage de Laetitia Helouet  rapporteuse à la Cour des comptes : « Je ne m’appelle pas Aminata, et quand on me voit arriver avec ma collaboratrice, on pense tout de suite que la directrice générale, Laetitia, c’est forcément elle, Nathalie, blonde aux yeux bleus. ». Un documentaire sans pathos victimaire qui nous permet -si nous l'ignorions- de percevoir de quelle façon le préjugé reste puissant à l'égard des anciens colonisés et d'admirer la résilience des témoins .

Frédérique Martin fait partie de mes auteures favorites. Dans La méthode Molotov écrit à quatre mains avec sa complice Frédérique le Romancer, les 2Freds font un sort à toutes ces vilénies qui pourrissent la vie en dressant le portrait de deux vieilles rebelles qui accueillent une jeune femme que l'ingratitude de son sort de femme au foyer jette un jour, elle aussi dans la rébellion. Sa vie est totalement consacrée au bien être de son mari et ses enfants sans que ce don perpétuel ne soit payé d'un retour d'attention. Le bon patriarcat de base, c'est à dire pratiqué inconsciemment, "naturellement" avec l'assentiment de celle que manquer à son "devoir" immole sur l'autel de la culpabilité. Un jour Pétronille craque, monte dans sa voiture, roule la rage au cœur et tombe en panne d'essence et de portable au milieu de nulle part. Pas tout à fait nulle part, juste à proximité d'un refuge où Jeanne accueille les cabossés qui ont besoin d'un lieu où se régénérer et pour certains souffler, à l'abri après un long périple de fuite. La jeune femme (40 ans quand même, il est temps qu'elle réagisse) découvre apeurée / éberluée puis ravie qu'on peut vivre autrement. Les personnages sont puissants, le langage fleuri, les lieux hors du temps, bref tout est réuni pour la métamorphose de Pétronille. " La liberté commence quand on sait reconnaître son propre désir. " Les échanges entre Jeanne et La Molotov, ex stripteaseuse,  pétroleuse et toujours activiste sont un régal. La Molotov a choisi le refuge auprès de sa vieille amie et espère échapper à l'Ehpad. Mais Jeanne est fatiguée et veut vendre. La suite, allez la lire, vous ne regretterez pas  votre visite.  Je n'oublie pas que "En tant que lecteur, je sais que c'est à moi d'apporter les dernières finitions à ce que je lis, en l'associant à mon existence. (Erri de Luca? "Le Plus et le moins", Gallimard. Du monde entier

Revu le film de Xavier Dolan, "Juste la fin du monde". Troublant de revoir Gaspard Ulliel dans ce rôle où il vient annoncer sa mort prochaine à sa famille et ne parvient pas à trouver l'instant propice. J'ai surtout été frappée par le contraste entre la douceur du personnage incarné par Gaspard Ulliel et la violence de son frère que joue Vincent Cassel. On sent toute la hargne de celui qui n'est pas "le préféré" parce que l'autre a tous les talents et a négligé sa famille, avec le soupçon qu'il la méprise. On sent la blessure de celui pour qui ces derniers instants sont vraiment les derniers et qui repart sans avoir rien dit. D'autant plus troublant que c'est comme s'il venait de nous annoncer sa mort prochaine. Alors on a envie de dire comme François Morel : c'est injuste de mourir à 37 ans . 

 

Une douceur étincelante

 "C’est invraisemblable, insensé, et tellement douloureux de même penser écrire ces mots, écrit le cinéaste québécois. Ton rire discret, ton œil attentif. Ta cicatrice. Ton talent. Ton écoute. Tes murmures, ta gentillesse. Tous les traits de ta personne étaient en fait issus d’une douceur étincelante. C’est tout ton être qui a transformé ma vie, un être que j’aimais profondément, et que j’aimerai toujours. Je ne peux rien dire d’autre, je suis vidé, sonné par ton départ." Hommage de Xavier Nolan