
Depuis deux jours je suis attelée à un ménage géant : redonner un coup de peinture dans ma chambre et pour cela évacuer tous les bouquins qui s'y empilent puis les réinstaller après une séance "d'épuration" consistant à rapatrier ceux qui n'ont pas vocation à demeurer à portée de mes oreillers mais dans mon bureau ou sur les rayonnages plus génériques. Ensuite donner un semblant d'ordre à ces élus. S'apercevoir du nombre de ceux qui attendent patiemment sous la poussière qu'on veuille bien consolider cet élan qui nous avait porté à les acquérir. Il y en a trop!
Le piège dans ce genre d'entreprise, c'est de s'interrompre pour feuilleter. Je n'ai pu m'empêcher de lire quelques pages du gros Léautaud, (le gros c'est pas lui, chétif et mal nourri), son Journal littéraire, 894 pages, 927 avec l'index, au Mercure de France et encore n'est-ce qu'une sélection.

J'avais collé des post-it, aussi me suis-je intéressée à ce qui avait retenu mon attention à l'époque où je l'avais élu livre de chevet. Voici ce qu'il écrivait le samedi 30 juin 1945
"L'Assemblée Consultative s'est émue (langage parlementaire) et a demandé des explications au gouvernement au sujet des nombreuses installations militaires disséminées sur le territoire français. Il n'est pas difficile d'en deviner les raisons: en vue d'un grabuge révolutionnaire possible, même quelque peu probable. C'est un propos que je tiens souvent : nous ne connaissons pas le Général De Gaulle. (...), ce n'est certes pas un "révolutionnaire" à la mode du jour. Les gens qui comptent sur lui auront des surprises. N'est-ce pas déjà merveilleux d'adresse d'avoir institué une assemblée qui n'est que consultative, c'est à dire sans pouvoir? Il est seulement dommage, et c'est un point qu'on ne s'explique pas, ou alors par des raisons peu en sa faveur, qu'il tolère la justice arbitraire de ce moment, avec ses crimes. La politique, de quelque sorte qu'elle soit, de quelque côté qu'elle soit, comporte décidément des compromis fâcheux".
Ensuite, c'est Cioran qui m'a tiré l'oeil avec ceci, extrait de ses "Entretiens avec Sylvie Jaudeau, paru chez Corti :
"La lucidité grâce au vide qu'elle laisse entrevoir, se convertit en connaissnce. Elle est alors mystique sans absolu. La lucidité extrême est le dernier degré de la conscience ; elle vous donne le sentiment d'avoir épuisé l'univers, de lui avoir survécu".
En fait, actuellement je lis "Fils unique" de Stéphane Audeguy, une biographie totalement inventée du frère de Jean-Jacques Rousseau, mystérieusement disparu et qu'Audeguy se plait à faire traverser le XVIIIème siècle, survivre à son frère, rencontrer Sade à La Bastille et assister au virage de la Révolution en Terreur, le tout écrit dans une langue qui n'a rien à envier aux auteurs du siècle des lumières. Un délice d'humour et une mine de croquis historiquement documentés. J'avais aimé La théorie des nuages et le Petit éloge de la douceur. Audeguy sera à Lagrasse dans quelques jours, j'y serais dès demain soir.
Comme je suis dans une période de rangement, j'ai retrouvé dans un brouillon, deux adresses de site que je destinais sans doute à un Vent des blogs. Ce n'est pas parce que je n'alimente plus une telle rubrique que je ne vais pas vous recommander le blog d'Angèle Paoli et particulièrement ses reportages photos de son beau pays, la Corse. De même pour l'article d'Hélenablue sur Maria Elena Vieira da Silva .
That's all, folks.