J'ai entamé la lecture d'un livre glané à Lagrasse après avoir écouté son auteur sur l'insularité de l'écrivain.
Jean Pierre Martin "a cru entendre, dans les romans de voix , les échos d'une amplification ambiante, de cet assourdissement du monde où se mèlent bruit médiatique, rythmes nouveaux et murmure des conversations". Il s'intéresse à "La bande sonore" (José Corti 1998) d'écrivains tels que Beckett, Céline, Duras, Genet, Perec, Pinget, Queneau, Sarraute, Sartre.
Je commence donc et je trouve dans l'intro ce qui suit (20)
L'hypertrophie de la voix narcissique dans un monde de haut-parleurs multiplie les méfaits du fou narcissiste, constatés par Gadda, dans la "prétendue civilisation contemporaine":
"il exhibe voix et chants, pour étourdir les gens au travail par la radio, pour magnifier son Je dans la voix et le vacarme. la voix exerce un attrait puissant [...], et pèse gravement, pour ainsi dire, sur l'ovaire des gens: c'est un moyen de conquête, un instrument du pouvoir. C'est la sensuelle façon d'appâter les benêts en matière d'éloquence politique et parfois dans l'art oratoire sacré ou dans celui du barreau. Par dessus la voix des mâles, des femelles, des castrats, des millions de "philophoniques" du globe ont installé cette niaiserie fructueuse qu'est pour leurs oreilles le chant appollinien ou éronien.[...] Bref, le Je phallus ne peut ignorer la voix (229) *
La logosphère vend de la voix comme du sexe. Elle permet le règne publicitaire et la pornographie. Le phonotexte est un phonosexe. Il érotise la parole, à la façon dont le ton de la voix érotise le discours politique. le phonotexte prétend voler le feu qu'il y a dans la voix. Il sait en tout cas que ce feu n'est pas ailleurs que dans la voix. Notre langue le reconnaît, ce feu : elle parle d'une extinction de voix. **
Si l'envie m'est venue de partager cet extrait c'est qu'en allant sur le site de Didier Goux (que je vais rayer de ma liste, je suis naîve et n'avait pas encore compris d'où me venait la fascination- malaise pour ce monsieur), dans son billet de ce jour intitulé sobrement Petits délires racistes matutinaux il vante les mérites d'une très jeune femme qui, se gargarisant d'appartenir à la réacosphère, débagoule d'incroyables stupidités larmoyantes pour défendre sa belle France peuplée du vrai peuple méritant qui se lève tôt.
Y'a des baffes qui se perdent !
*.Carlo Emilio Gadda, Eros et Priape, Christian Bourgois, 1990, trad G. Clerico..
** un ex-conseiller en communication de Le Pen rapporte ce propos chez l'allumeur de haine : "Quand j'ai une extinction de voix, je ne peux plus penser"
Pour rigoler (jaune) le discours du petit monsieur en illus
Photo http://caes.loria.fr/Mediatheque/images/DVDsmall/dictateur.jpg