Nous étions arrivées à Avignon dimanche 12, le lendemain nous apprenions que Benedetto venait de mourir. Je ne sais pourquoi, j'ai pensé à Ferré qui est mort un 14 juillet 1993, presqu'au même âge et deux mois avant ma maman (plus jeune elle, hélas). Je n'étais pas une intime de cet homme, mais il est vrai qu'en initiant avec Gérard Gélas et quelques autres le festival Off, pour faire la nique à l'officiel, il a créé une formidable caisse de résonance pour les arts vivants. J'y suis venue au joli temps de ma jeunesse, je fricotais alors avec des saltimbanques de tous poils, puis je suis restée très longtemps sans y venir, je n'habitais plus en France. Quand je suis revenue dans l'hexagone, j'ai eu des enfants et les tout petits dans la foule, je déteste, l'ai fait une fois, quelle fatigue et ça sélectionne un peu les spectacles dans la catégorie clown à tout prix.
Cela fait une dizaine d'années que j'y vais désormais plus ou moins longtemps. Mes amis comédiens se plaignent de l'investissement que cela représente, qu'ils ne sont pas toujours sûrs de rentabiliser. Pour ceux qui sont invités dans le In, c'est autre chose, tapis rouge et occasion de faire des liens et de vendre (une de mes étudiantes est devenue l'attachée de presse d'un groupe désormais reconnu mais que j'ai connu en guenilles).
Gérard Gélas fait bande à part. Ardent défenseur du Off, il réprouve l'explosion des salles aménagées et louées au prix fort pour le temps du Festival dont les propriétaires se foutent totalement de la qualité des spectacles accueillis. Gélas proposait Confidences à Allah interprété par la jeune et talentueuse Alice Bellaïdi, hélas complet sur plusieurs jours. Ce qui était encore possible il y a quelques années -choisir au pied levé- est devenu de plus en plus difficile. J'avais vu ainsi Ariane, une des pièces autobiographiques de Philippe Caubère au Théâtre du Chène noir.
Le théâtre des Carmes , du Chène noir, le Chien qui fume, les Lucioles et quelques autres sont des valeurs sûres de la programmation. J'aime bien Les Lucioles, proche des remparts et du rhône avec une terrasse ombragée où on déguste des tartes maison avant d'entrer. Vu Les folies de Lucien, sept zinzins qui se prennent pour des chefs d'œuvre, de Mona Lisa au penseur de Rodin en passant par la Vénus de Botticelli, le couple de Millet et le Cardinal de Philippe de Champaigne sous la houlette d'une infirmière hyper sexy et d'un psy plus frappé que ses malades. Ma fille me faisait la remarque très juste que désormais les pièces de théâtre incluent du chant voire de la danse, c'était le cas, mais les déjantés chantent, c'est bien connu.
Par pur hasard, au minuscule théâtre Le tremplin (porte bien son nom), situé à une minute de l'appartement de notre copine, nous avons (fifille and me) eu le plaisir d'un spectacle frais et naïf avec cependant des trouvailles épatantes de mise en scène : C'est nous les loups, une fable sur cette espèce qui a inspiré tant de contes, fables et autres mythes et une métaphore de la disparition du sauvage sous le béton. Jeune troupe (14 adolescents de 12 à 18 ans) mais belle énergie et joli sujet !
Ubu Roi (La cour du barouf) pour les filles qui ne connaissaient pas la pièce de Jarry. Une adaptation de Carlo Boso grand maitre de la Commedia dell'arte. Les acteurs braillards à souhait, trop peut-être. Parce que j'en ai vu moultes versions, je n'ai pas retrouvé la jubilation éprouvée en particulier la première fois (mais la troupe était composée alors en grande partie d'amis).
Pour rire de bon coeur, il y avait les Bataclowns (mais encore une fois, la clown est une amie, suis-je objective), le bocal est une métaphore sur l'enfermement, la liberté comme choix, option qui présente des risques. Peu de texte, mais un jeu relationnel entre les trois personnages d'une belle délicatesse
Autant je déteste "Le plus grand cabaret du monde" à cause de la personnalité de son présentateur autant j'aime les performances in vivo. La virtuosité des jongleurs, équilibristes et autres athlètes me fascine. leur art est la quintessence d'une philosophie que j'ai adoptée comme la base de mon art de vivre (ce qui ne signifie pas que j'y parvienne toujours) : le geste juste.
Photos Les arbres du jardin des Doms ZL
Buno