jeudi 4 juin 2009
Carte postale rétroactive (8). Il giardino dei Tarocchi
Nous avions passé une quinzaine de jours en vacances dans les Pouilles chez nos amis italiens : baignades matinales, repas délicieux préparés à tour de rôle (nous étions sept adultes et quatre adolescentes , mais elles comptaient pour du beurre question main à la pâte), siestes, promenades, musique, longues conversations à l'apéritif, diners prolongés arrosés de ces vins cuivrés du Sud. Au retour, après une halte à Rome, nous devions absolument aller à la rencontre du Jardin des Tarots. "Ma prof d'art plastique adooore Niki de Saint Phalle, elle m'a dit, tu vas en Italie ? Quelle chance!Tu dois absolument aller voir ce magnifique jardin". Elle n'avait pas eu à nous passer la plante des pieds au chalumeau notre fille, surtout moi. La Niki, je la kiffe depuis longtemps. Regardez cette merveille.
Je ne ferai pas le panégyrique de la dame mais je vous conseille de mieux la connaître si ce n'est pas encore fait. Juste rappeler qu'elle est autodidacte, n'a fait aucune école d'art même si elle a fait des études, a eu deux enfants, puis a divorcé du père de ses enfants pour vivre avec Tinguely une des grandes aventures amoureuses et artistiques du siècle précédent. Et surtout que cette grande artiste s"est préoccupée de défendre des orientations politiques telles que la défense des femmes, la lutte contre le sida, l'éducation des défavorisés et bien d'autres encore.
Ainsi, après nos retrouvailles avec Rome nous avons filé vers Grosseto aux alentours duquel se situe à Capalbio le Jardin des tarots. C'est extrèmement difficile de s'y rendre et jusqu'à sa lisière, il n'est pas fait mention de l'existence de ce lieu. A Grossetto où nous cherchions une indication, les gens en avaient vaguement entendu parler, mais ne savaient guère ou le situer. Les ressources internet actuelles n'existaient pas à l'époque, bref nous avons mis un temps certain à le découvrir, après un dépassement de cinquante kilomètres du point de bifurcation.
Que dit Niki de Saint Phalle
(...) Marella Agnelli Carlo et Nicola Caracciolo (...) liberté totale (...). Aussitôt que j'ai commencé le jardin, j'ai réalisé que ça serait une aventure périlleuse et que je rencontrerais un grand nombre d'épreuves sur mon chemin (ce jardin a été fait avec beaucoup de difficultés, d'amour, d'enthousiasme fou, d'obsession et plus important de tout, rien n'aurait pu m'arrêter".
La relative discrétion qui entoure ce chef d'oeuvre (inspiré de Gaudi mais aussi du Facteur Cheval deux maîtres chéris de Niki) évite l'invasion et on peut arpenter le lieu selon une logique qui appartient à chacun qui fera stationner à proximité du Soleil ou de la Lune ou s'attarder dans le ventre de l'Impératrice qui fut le logis de l'artiste pendant une partie des travaux. Le corps de la grande déesse, reine du ciel abrite un espace de vie entièrement décoré de miroirs colorés enrobant les commodités ordinaires d'une vie quotidienne.
"J'ai vécu pendant des années dans cette mère protectrice. Elle m'a servie comme centre pour mes rencontres avec l'équipe. C'est ici que nous buvions notre thé et café. Elle exerce sur tous une attraction fatale"
Les deux gamines (notre fille et son amie) étaient enthousiastes, riaient abondamment, montaient et descendaient les escaliers qui menaient d'un niveau à un autre et filaient sur les sentiers distribués entre les vingt deux monumentales figures du Tarot. Nous nous étions donné un rendez vous de secours pour ne pas entraver notre libre déambulation.
J'ai pour ma part stationné longuement devant la Justice réalisé par Tinguely.
"Jean Tinguely a piégé l'injustice à l'intérieur de la justice et a fermé la porte à clef" Ces mots sont gravés dans le sol jouxtant l'installation qui émet d'incessants grincements. La justice est une machinerie rouillée aux entrailles compliquées.
Vingt ans consacrés à l'édification de cette oeuvre collective car si Niki était l'architecte, elle a embarqué à ses côtés des ouvriers et des complices. Le jardin a ouvert le 15 mai 1998. Elle continuera a travailler à une multitude de projets jusqu'à sa mort en 2002. "Rester conscient de la mort est une manière de ne pas être pris par les vanités de la vie "dit-elle dans son commentaire de la carte n°XIII, qu'elle figure comme la cavalière d'un beau dextrier azur constellé d'or et d'argent.
Nous avons habité pendant quelques heures ce joyau, perdu au milieu de nulle part, niché au creux des collines de la Toscane, qui est comme l'extrême pointe d'un mirage. Le mur qui l'enclôt est aussi sobre et dépouillé que l'intérieur est exubérant et hénaurme. On le quitte à regret comme on le fait d'un rêve qui nous a visité avec douceur et force dans notre sommeil.
Le soir, nous dormions à Pise.
Illustrations tirées du livre dont la couverture présente l'impératrice, la pièce la plus monumentale de l'ensemble
mercredi 3 juin 2009
A celle qui est trop gaie
En décembre 1847, Baudelaire écrit à sa mère : «À partir du jour de l'an, je commence un nouveau métier - c'est-à-dire la création d'oeuvres d'imagination pure - le Roman.» Un projet qu'il a vite laissé tomber. En décembre 1861, au moment où il se présente à l'Académie française, Baudelaire revient à son idée de faire un roman, mais cette fois-ci un ouvrage de pure bouffonnerie, au sujet des humiliations subies pendant ses visites académiques. Il ne l'a jamais écrit. Mais ce roman existait dans les archives, comme une sculpture dans son bloc de marbre. Le voici, tissé avec les mots du poète, de ses amis, et des Immortels. Une nouvelle manière de lire l'oeuvre et une autre façon de comprendre deux institutions : l'Académie française, et Charles Baudelaire, auteur des Fleurs du mal, le livre le plus édité et le plus traduit au monde, hormis deux ou trois livres sacrés. Allen Weiss Le livre bouffon Seuil - avril 2009.
Quand j'ai découvert les Fleurs du mal à seize ans, ce poème me semblait le plus bel hommage qu'un homme eût pu me dédier. Seule la chute me chiffonnait un peu. J'étais si jeune!
A celle qui est trop gaie
Ta tête, ton geste, ton air
Sont beaux comme un beau paysage ;
Le rire joue en ton visage
Comme un vent frais dans un ciel clair.
Le passant chagrin que tu frôles
Est ébloui par la santé
Qui jaillit comme une clarté
De tes bras et de tes épaules.
Les retentissantes couleurs
Dont tu parsèmes tes toilettes
Jettent dans l'esprit des poètes
L'image d'un ballet de fleurs.
Ces robes folles sont l'emblème
De ton esprit bariolé ;
Folle dont je suis affolé,
Je te hais autant que je t'aime !
Quelquefois dans un beau jardin
Où je traînais mon atonie,
J'ai senti, comme une ironie,
Le soleil déchirer mon sein ;
Et le printemps et la verdure
Ont tant humilié mon coeur,
Que j'ai puni sur une fleur
L'insolence de la Nature.
Ainsi je voudrais, une nuit,
Quand l'heure des voluptés sonne,
Vers les trésors de ta personne,
Comme un lâche, ramper sans bruit,
Pour châtier ta chair joyeuse,
Pour meurtrir ton sein pardonné,
Et faire à ton flanc étonné
Une blessure large et creuse,
Et, vertigineuse douceur !
A travers ces lèvres nouvelles,
Plus éclatantes et plus belles,
T'infuser mon venin, ma soeur !
dimanche 31 mai 2009
Le vent des blogs 14. Soyez bref !
Je ne vais pas être trop longue, j'ai remarqué qu'il y a un certain ratio à respecter pour ne pas décourager le passant. On n'a pas que ça à faire, on a bien d'autres ergoteurs à visiter. Donc faites court et efficace. Allez, on va essayer.
pour ceux que ça intéresserait on trouve tous les détails ici. Juste un commentaire, les lieux sont en général aussi intéressants que ce qui s'y expose.
Je ferai peut-être un petit reportage si j'en trouve le temps (je serai à Carcassonne pour un colloque très sérieux Science, spiritualité, penser l'avenir dans sa dimension d'incertitude).
Autre happening, Orlando se produit à Toulouse au Théâtre du Pavé. C'est un trio déjanté et délicieux. Si vous ne me croyez pas allez sur leur site écouter quelques unes de leurs inventions sonores.
Fort différent et accessible à tous, le site d'un ami qui a fourni un très gros travail de recension des bidouillages qui, à l'insu de notre plein gré, nous mitonnent l'avenir au prétexte de fournir du grain à moudre à nos représentants. Ca s'appelle (OGRI) Observatoire géopolitique des réseaux d'influence et je vous livre des extraits du texte d'accompagnement fourni par son auteur en même temps que son feu vert pour la diffusion :
Pour animer et éclairer le débat bien morne sur les élections parlementaires européennes et comprendre comment les "sociétés discrètes" que sont les lobbies , les think tanks ou encore les fondations, agissent sur et au sein de nos institutions nationales ou multilatérales et notamment de l'Union Européenne. (...) Un site citoyen d’un nouveau genre, à vocation scientifique et philosophique, hors théorie du complot mais hors relativisme. (...)Une adresse de choix pour restaurer la conscience.
Lorsque je désire consulter quelques bons experts, je me tourne vers les éditions Agone. Ah, justement ils parlent eux aussi des think tank. C'est ça le malheur, c'est qu'on a tendance à s'en prendre à nos marionnettes mais les vrais démiurges sont planqués et autrement plus dangereux. Nos marionnettes quittent la scène, nous les congédions éventuellement. Eux sont immarcescibles, non qu'ils ne soient corrompus comme peut le laisser penser le terme mais ce sont eux qui sont à la tête du royaume et pour les dégommer, il faudrait décréter l'argent inutile, la fortune une vanité outrancière et l'excès de possession un attribut du diable. On n'y est pas, il y a du chemin. Passons.
Je vais aller vers plus de légèreté et me tourner vers les copines qui me font rire. La féekabossée (dont le site s'intitule la brune qui roule, ben oui, faut lui demander, moi je sais pas, d'autant qu'elle pose cette question essentielle "mais où se posaient les hirondelles avant l'invention du téléphone?"), elle est de retour après de longues semaines d'absence au prétexte de déménager. On s'y retrouve, les Loïs, Madame de K et autres fadas et on se marre. Idem chez Sophie K. qui nous a provoqués à la surenchère du ridicule qui ne tue pas sauf de rire. Il n'y a pas de mal à se faire du bien.
Bon, j'avais dit court, alors concluons avec deux sites où on trouve des merveilles. Carnets temporels dont on aurait envie de capturer les oeuvres pour s'en entourer dans sa petite pièce à songe. Jean Claude Belegou (que Clopine avait signalé à partir d'une mignonne endormie dans un pré) et que je recommande aux messieurs qui viennent sous l'arbre. Eux, j'en suis sûre, c'est un des modèles qu'ils accueilleraient avec bonne humeur dans leur boudoir.
Concluons en musique en empruntant au Blog Trotter une référence, par lui mise à disposition de nous autres, vagabonds de la toile qui faisons notre miel de tous ces butins. Vous devriez à cet instant quitter l'écran et vous mettre à danser.
vendredi 29 mai 2009
Vos gueules, les mouettes !
Pour certains le langage est le lieu du naufrage, pour d'autres il est une bouée.
Le bavardage, le murmure, le cri, l'homélie, la harangue, l'oraison.
La métaphore, l'antinomie, l'ambiguïté, l'oxymore, l'antiphrase.
La philosophie, les sciences, les concepts, le raisonnement, le paradoxe, le sacré.
Le politique, le social, le survivre, le faire mieux.
La musique, l'arabesque, la calligraphie, le jeu de facettes, l'imbrication des sens.
Être privé de terre n'est rien, être exclu du langage est la pire des infortunes.
Je n' ai jamais cessé d'être taraudée par tous les attentats commis en permanence qui privent les êtres humains de l'accès au langage et j'ai vécu obsédée par ces champs de bataille dont l'issue est de la faire boucler au camp adverse, de fermer les vannes de logorrhées jugées ineptes, profanes, voire hérétiques.
Au fond , le rêve de toute puissance c'est d'abasourdir au point de rendre muet.
Photo Traces d'humeurs humaines 28 mai 2009 . ZL
mercredi 27 mai 2009
Une nouvelle rhétorique : le storytelling
J'apprends à l'instant que Julien Coupat, entendu ce jour par le juge, devrait être relâché. Faut-il attribuer le dessillement d'une justice jusque là plutôt aveugle (pour ne pas dire bouchée) à l'influence de la publication dans le monde du 25 mai d'un entretien où il met particulièrement bien en lumière l'invention de l'ennemi, utilisée par tous les stratèges de la répression fomentant leurs mauvais coups en inventant à l'usage de l'opinion publique la justification des "mesures exceptionnelles " appelées à le devenir de moins en moins et à être d'autant mieux acceptées que la figure de l'ennemi rencontre les peurs enfouies.
Avec cette fable des "anarcho-autonomes", on a dessiné le profil de la menace auquel la ministre de l'intérieur s'est docilement employée, d'arrestations ciblées en rafles médiatiques, à donner un peu de chair et quelques visages. Quand on ne parvient plus à contenir ce qui déborde, on peut encore lui assigner une case et l'y incarcérer. Or celle de "casseur" où se croisent désormais pêle-mêle les ouvriers de Clairoix, les gamins de cités, les étudiants bloqueurs et les manifestants des contre-sommets, certes toujours efficace dans la gestion courante de la pacification sociale, permet de criminaliser des actes, non des existences. Et il est bien dans l'intention du nouveau pouvoir de s'attaquer à l'ennemi, en tant que tel, sans attendre qu'il s'exprime. Telle est la vocation des nouvelles catégories de la répression.
En même temps que la libération de Coupat, nous apprenons que les anarco-autonomes n'existent pas. Ouf, on respire !
Or le lien que je vous propose sur le site du monde conduit à un texte amputé. Comme je ne peux en restituer l'entièreté, je vous livre ce qui suit que j'ai pu recueillir à partir de la totalité de l'interview, parue dans la version papier semble-t-il et transmise ce matin par un ami.
La servitude est l'intolérable qui peut être infiniment tolérée. Parce que c'est une affaire de sensibilité et que cette sensibilité-là est immédiatement politique (non en ce qu'elle se demande "pour qui vais-je voter ?", mais "mon existence est-elle compatible avec cela ?"), c'est pour le pouvoir une question d'anesthésie à quoi il répond par l'administration de doses sans cesse plus massives de divertissement, de peur et de bêtise. Et là où l'anesthésie n'opère plus, cet ordre qui a réuni contre lui toutes les raisons de se révolter tente de nous en dissuader par une petite terreur ajustée.
Nous ne sommes, mes camarades et moi, qu'une variable de cet ajustement-là. On nous suspecte comme tant d'autres, comme tant de "jeunes", comme tant de "bandes", de nous désolidariser d'un monde qui s'effondre. Sur ce seul point, on ne ment pas. Heureusement, le ramassis d'escrocs, d'imposteurs, d'industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l'heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens dialectique. Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte. Chaque nouvelle "victoire" dont ils se flattent répand un peu plus vastement le désir de les voir à leur tour vaincus. Chaque manœuvre par quoi ils se figurent conforter leur pouvoir achève de le rendre haïssable. En d'autres termes : la situation est excellente. Ce n'est pas le moment de perdre courage.
Ceci est la conclusion, avouez que ce serait dommage de s'en priver, ce n'est pas le moment de perdre courage, dit-il et j'en suis bien d'accord.
Tout cela participe d'un nouveau sport rhétorique le storytelling ou l'art de raconter des craques pour faire avaler les pires nuisances à la plèbe et la manipuler dans le sens du poil, faire passer des mesures impopulaires (l'exemple le plus célèbre étant l'existence d'armes de destruction massive en Irak pour justifier ce que l'on sait). J'écoutais donc aujourd'hui Christian Salmon (Storytelling, La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits - éd. La Découverte - 236p., 18€) illustrer son propos en citant la formule moultes fois réitérée de Notre très haut justifiant les troupes envoyées en Afganistan comme suit "c'est un pays où on coupe la main d'une femme parce qu'elle met du vernis à ongles", ce qui est de pure invention (même si le sort des femmes afghanes n'est certes guère enviable).
Dans le style de mensonges éhontés suscités et encouragés par les pouvoirs, la minoration ou la déformation des mobilisations populaires. Le silence qui parle publie un texte intitulé Des sorcières à Seattle: comment nous avons bloqué l'OMC /Anomyme du XXIème siècle. La "sorcière" qui s'y exprime décrit dans le détail les formes d'organisation qui ont permis de résister par la non violence à l'assaut des brigades armées, diligentées pour juguler l'extraordinaire mobilisation contre le processus inaugural de l'OMC. Evènement considérable qui scelle l'avènement de la société civile internationale. Le caractère non violent de cette première avait été très préparé (formations à la non violence). Lorsqu’ils avaient affaire au gaz lacrymogène, aux jets de poivre, aux balles de caoutchouc et aux chevaux, chaque groupe pouvait évaluer sa propre capacité à résister à la brutalité. En conséquence, les fronts du blocus ont tenu face à une incroyable violence policière.
Et pourtant les médias ont placé la violence dans le camp des manifestants.
Comment accorder le moindre crédit aux discours des beaux parleurs, lorsqu'on sait à quel point ils ne sont qu'une collection de chimères et de billevesées.
dimanche 24 mai 2009
Vent des blogs 13. Ni héros, ni martyr.
J'ai eu un week-end partagé entre le soutien à une association revendiquant la mise en œuvre de l'Utopie (tout un programme... flou), et l'éradication des malheureuses indésirables qui ont la mauvaise idée de coloniser quelques rosiers ou autres sujets ayant quartier libre eux. Donc orties, viornes et autres pestes dont une horreur de couvre sol à fleur jaune dont j'ignore le nom mais qui supplante si on n'y prend garde absolument tout ! Sans parler des luzernes. Bref, vous vous en foutez, je le comprend, mais ça explique mon extrème flemme ce soir pour me pencher sur les merveilles de la blogosphère.
Si vous tenez absolument aux découvertes y'en a un qui ne fait que ça, son site est une longue suite de sites, on peut y piocher si on a faim. Il commente de temps à autre, vous l'avez croisé ici ou là, en une étrange bouillie d'annonces qui renvoient à son répertoire. En cherchant à retrouver son site je suis tombé sur celui de Totem, qui reprenait dans un billet dissertant sur la blogosphère le titre du site "bloguer or not bloguer".(L'article date de 2007). Pas trop actif mais semble reprendre vie (18 mai ). Encouragements.
On déplore la disparition de Kamizole, du moins le Lait d'Beu affiche "n'est plus actif". C'était un incident technique, il semble se prolonger. Qu'elle se signale au moins.
Idem notre Cactus, parti visiter les vedettes à Cannes et soudain arrêt de l'image et du son. Le blog est là en revanche mais inanimé. Cactus, on s'inquiète. (Au passage, la palme à Haneke, mouais).
Découverte au travers des Lettres libres, Sophie K, qui partage un site avec une belle palette de talents. Strictement confidentiel ne l'est pas plus que d'autres et pas moins. On y présente l'ordre de chevalerie des Ni Ni (référence obligatoire). Voici la façon dont on s'adresse au manant :
Honorables Correspondants,
Admirables Canailles,
Gens de chair et de plumes,
Vieux potes de la meilleure soupe,
Autre découverte "le silence qui parle" annonce la tenue du Festival social de la culture antifasciste Bologne /29-90-31 mai & 1er-2 juin 2009. En réponse à mon commentaire, j'ai eu droit à ce lien sur un extrait de Michel Foucault dont je garde la phrase qui suit :
* N’imaginez pas qu’il faille être triste pour être militant, même si la chose qu’on combat est abominable. C’est le lien du désir à la réalité (et non sa fuite dans les formes de la représentation) qui possède une force révolutionnaire."
Dans le genre abominable on a la junte militaire birmane. Pour ceux qui l'auraient zappé, j'en parlais mercredi, Loïs de Murphy aujourd'hui, Aung San Suu Kyi est en danger, plus qu'elle ne l'a jamais été. Jane Birkin a entrepris une campagne pour provoquer la mise sous séquestre, au profit de la population birmane, des sommes faramineuses versées par Total à la Junte. S'il veut faire l'intéressant Sarko, voilà un bon chantier, Total c'est une entreprise française non?
Pour finir, un appel d'Alex Türk dont Claude-Marie Vadrot se fait l'écho dans son blog (Politis)
« Plus aucun secteur d’activité, plus aucune parcelle de notre vie individuelle et collective, n’échappe désormais au développement et à la pression des technologies nouvelles de l’information. Dès lors, plus aucun aspect de la vie en société n’échappe à la réflexion et à l’action de notre commission. C’est dire combien je mesure le poids de nos responsabilités, mais aussi l’intensité des attentes de nos concitoyens et l’exigence de la demande des pouvoirs publics.
Ma foi, il semblerait que cet homme, président de la CNIL, très conscient des enjeux du développement de la surveillance et des intrusions dans la vie de chacun d'entre nous permises par la technologie, cet homme donc, dénonce l'incurie des moyens pour assurer la mission à lui confiée. Dans ces conditions on osera avancer qu'elle va finir par être confisquée.
Camarades italiens, je vous emprunte les termes de Pasolini que vous citez en exergue de la présentation du colloque antifasciste "“L’Italie pourrit dans un bien-être qui n’est qu’égoïsme, stupidité, inculture, ragots, moralisme, contrainte, conformisme : contribuer de quelque façon que ce soit à cette pourriture est, maintenant, le fascisme.” Pier Paolo Pasolini / Vie Nuove n°36 / 1962.
Quarante ans plus tard n'est-ce pas cela qui vient et non l'insurrection ?
Photo Cadaques. ZL
vendredi 22 mai 2009
Cartes postales rétroactives (7) Sydney.
Un de mes amis s'est installé au coeur du bush dans la région de New Castle en Australie. J'ai eu l'occasion de me rendre à Sydney et nous nous sommes retrouvés dans un restaurant italien. Voici un extrait de notre conversation (avril 1995). Elle me semble d'une grande actualité
- Je n’ai pas de gros besoins. Je mange ce que je cultive, je fabrique à peu près tout ce que j’utilise. C’est la satanée bagnole dont je suis dépendant. Je complète avec mon chanvre.
- ? ! ?
- Ben oui, ça te choque ? Tu ne crois pas que je vais me laisser impressionner par toutes ces conneries autour d’une plante aussi anodine. Je ne vois pas où est le crime, procurer du plaisir à des gens qui par ailleurs sont avocats, journalistes, médecins, toute la bonne bourgeoisie, tu peux me croire, et qui ont une vie tout à fait « honorable ». Une plante qui pousse naturellement autour de moi. Moi, je ne fume plus depuis longtemps, ni tabac, ni herbe, rien. Mais je n’oblige personne à faire mes choix et je serais idiot de me priver d’une source de revenu que je trouve aussi légitime que mon travail du bois. Elle est bonne mon herbe et je la vends un prix correct à des adultes qui l’utilisent pour eux-mêmes. A chacun ses choix. Je vis seul et c’est ce qui me plaît dans ce pays. On peut y être seul des jours et des jours sans risquer une rencontre.
- Tu es devenu bien misanthrope pour le voyageur impénitent que je connaissais, avide de rencontrer les humains de cette planète.
- Justement. Je me suis aperçu que je préférais la compagnie des arbres et desanimaux à celle des hommes.
- Pas ce cliché, s’il te plait !
- Je te fais grâce de mes années de pérégrinations du Pakistan à l’Inde, à l’Indonésie. J’ai fini par débarquer sur ce continent. Et à part pour quelques vrais potes, mes rapports avec les autres sont de commerce et ça me convient. Le reste du temps, je suis dans mes bois, je regarde la profusion qui m’entoure et j’en jouis intensément. Il y a des serpents, des varans, des lézards à collerette, des échidnés, des ornithorynques, des milliards d’insectes, d’oiseaux…
- C’est dans ton zoo que j’aurais dû approcher la faune et la flore australienne.
- Chiche ! Je t’emmène. Si nous partons maintenant, nous y sommes à minuit, je te balade toute la matinée demain matin et tu peux reprendre un train vers midi et être à temps à Sydney pour attraper ton avion.
- Ca me tente cette petite folie. Mais je ne crois pas que P.E apprécierait mon éclipse à la réunion demain matin. Dommage, j’aurais volontiers troqué «les essentielles mises au point» contre une promenade dans le bush. Tu vis dans l’illégalité, ça ne te gène pas ?
- L’illégalité ? Je les connais ceux qui fabriquent les lois. Qui pourrait me donner des leçons ? Les «chevaliers de l’industrie» ? Ceux qui prétendent que l’avenir de l’homme c’est de fabriquer toujours plus de cochonneries inutiles, du prêt à jeter en plastique, ensaché dans du plastique, glissé dans des boîtes de bouffe pour mieux la vendre à des gamins drogués de téloche. Des corn flakes bourrés de pesticides avec un petit mickey, du veau reconstitué avec un bon de réduction sur une moulinette à vent. Et plastique sur plastique nous refiler des aliments qui ne nourrissent que les comptes en banque et les décharges monstrueuses de détritus.
Qui d’autre ? Les héros de l’artillerie qui font leur beurre grâce à des saloperies de mines anti personnel ? Qui ? Les prédicateurs de la santé ? Ils feraient mieux de s’inquiéter de la prolifération du nucléaire, du mercure, du plomb, de l’amiante devant laquelle nous devons nous incliner. Ou encore les bénédictins du pastis qui ont envoyé dans le décor des générations et des générations. Je ne vends pas de la chimie reliée à des gangs. Je ne nourris aucun lucre. Je n’ai simplement pas l’esprit suffisamment tordu pour confondre une plante et toute la mythologie déraillante qui l’accompagne. Ce n’est pas de ma faute si les guerres de territoire et de religion ont banni certains produits et porté au pinacle d’autres, ni si le rêve est proscrit de nos sociétés soit disant bien pensantes. Je sais très bien que le trafic de drogue supporte le trafic d’armes, il faut bien qu’ils désignent leur miroir aux alouettes. En taxant le plaisir, comme d’habitude.
- Excuse-moi, je suis un peu perplexe.
- Moi, je n’ai pas envie de passer dans leur tourniquet. Ma vie est au bout de mes bras. Quand mes bras tomberont, je mourrai, c’est tout. En attendant, je me lève le matin, dans le concert des oiseaux et des insectes, je ne sais rien de ce que la journée va m’offrir. J’ai bien toujours mon petit programme, genre : aujourd’hui je défriche la parcelle du bas, ou je fends du bois toute la journée ou j’entame la table que Machin m’a demandée. Mais si plus fort et plus intéressant se présente, je prends : le passage d’un ami, les traces d’une bestiole que je n’ai encore jamais vue et que je piste pendant deux heures pour l’apercevoir. Certains jours je m’escrime au ciseau à bois pendant quinze heures, d’autres, je lis toute la journée. Et tu voudrais que j’échange ça pour m’inscrire sur la liste des «utiles », ceux qui rament dans le «bon sens » en courbant l’échine pour gratter de quoi remplir leur écuelle. Merci bien ! Je peux manger toute ma vie sans sortir de mes fourrés si j’y suis réduit. C’est pour ça que je suis venu m’installer ici, pour me créer un camp légitimement retranché. J’en ai marre de leur jeu de massacre. Ni envie de prendre des coups, ni d’en donner. Ca ne m’intéresse pas la bimbeloterie de leurs mâts de cocagne. Qu’on me foute la paix à tracer mes sillons, peinard, et à tarabuster mes souches ! Si ça les amuse les autres, les strass et les paillettes, les fontaines de champagne, les bolides qui se crachent à 200 à l’heure, la furie des cohues autour d’eux, les mendiants et les savants qui les servent, qu’ils continuent. Ca fait partie des pilules qui les consolent d’avoir à mourir un jour, chacun sa dope. Mais qu’ils laissent ceux, qui s’en foutent de ce cirque, vivre modestement et jouir autrement. Et qu’ils nous lâchent avec leur baratin. Les «lois économiques» ! Tout le monde le sait bien, c’est la plus redoutable des fausses religions, révélée par ceux qui tirent les marrons du feu, relayés par les compagnies du mensonge organisé qui lavent plus blanc la conscience du tiroir caisse. Qu’on arrête de nous présenter comme des demi-dieux des nababs prétentieux,. Ils devraient plutôt nous sembler grotesques, des obèses du fric puant la charogne de la misère et de la mort dont leur boursouflure se nourrit. Au mieux, on devrait en garder quelques-uns qu’on viendrait regarder se pavaner pour se rappeler que le ridicule a tué cette branche de la famille. L’homme libre doit mépriser ce fatras.
- Ouf ! Tu es radical !
- Radical ? Mais c’est ce que pensent les quatre cinquièmes de la planète. Et dans la culpabilité. On leur fait croire qu’ils sont exclus parce qu’ils se sont trompés de religion, alors que les grands prêtres du tout économique sont les vrais renégats.
- Je dois avouer que mon repli était motivé par une lassitude, un désir de mise à distance, toute petite, toute relative. J’avais le sentiment de me noyer, d’être sans cesse obligée d’agiter mon corps pour ne pas couler à pic. J’ai eu besoin de me satelliser pour regarder tout ça avec le bon recul. Illusion d’optique comme d’habitude. L’homme ne fait jamais que changer de focale. Toute vie n’a aucun sens, si ce n’est celui que nous voulons bien, jour après jour, lui accorder.
- Et alors ? As-tu l’impression d’avoir trouvé le lieu du sens pour toi ?
- Plutôt d’avoir tenu les rênes d’un chariot dont je continue d’ignorer la destination finale, si ceux qui tiennent les autres rênes ne les lâcheront pas, si je ne vais pas moi-même valdinguer dans le décor. La seule chose que j’essaie de faire, c’est de garder les yeux ouverts, le bras ferme et le réflexe frais, le plus longtemps possible. Mais je découvre la route au fur et à mesure.
- Et c’est bien ça qui est passionnant me dit Phil en me flattant tendrement l’omoplate.
Photos Retrouvailles à Sydney. ZL