J'en ai parlé dans le billet précédent, j'ai opté pour ce livre parmi ceux qui étaient proposés gracieusement par le bibliobus à Vaour.
Affaires de mœurs, scandales financiers, Brigades rouges, attentats à la bombe, enlèvement et
meurtre d’Aldo Moro, mort de Pasolini, intrigues au Vatican... Dessinant
le portrait infiniment romanesque de l’Italie entre 1959 et 1979, Dolce
Vita donne les clés de l'Italie d'aujourd'hui, la tragicomique époque Berlusconi. Le dernier Guépard, en la personne du prince Malo,
confesse son histoire douce-amère, celle d’une aristocratie décadente,
d'une fin de règne qui n'en finit plus, car un pays qui ne fait pas les
comptes avec son passé est un pays qui ne cesse de le payer.
Le livre décrit le basculement d'un monde où le goût et le plaisir de vivre n'étaient pas questionnés, ils relevaient d'une certaine innocence, après la guerre, on voulait croire qu'un monde neuf et juste allait naître. Mais "les années de plomb" vont semer la terreur, ou plutôt on va semer la terreur pour juguler ce qui émerge : l'émancipation féminine, l'aspiration sociale à plus de justice (le communisme est à son apogée en Italie). Les factions fascistes reconverties, augmentées de toutes sortes de mercenaires en lien avec les services secrets et la CIA, en complicité avec le pouvoir papal vont manipuler et instrumentaliser les mouvements d'extrême droite et d'extrême gauche.
On revisite l'Histoire italienne et même si on n'est pas très familier de ce qui a pu se passer à cette époque, on suit avec intérêt le déroulé de ces évènements où les attentats, les enlèvements, les assassinats se succèdent. Ceux qui cherchent à dévoiler les véritables responsables n'y parviennent pas pour cause de mort violente.
Le montage du livre est une succession de ces faits divers qui endeuillent régulièrement l'Italie et le tête à tête de Malo, aristocrate esthète et jouisseur qui a été mêlé de près ou de loin à l'Histoire avec son confesseur, Savério.
Particulièrement puissante est la transcription du massacre de Pasolini, puisqu'il est désormais avéré que la première version du crime (un giton qui aurait mal réagi aux propositions sexuelles de Pasolini) est peu crédible (Pino Pelosi est de constitution frêle, Pasolini est plutôt athlétique). Pasolini est réduit à un "grumeau de sang", il a été bastonné puis on lui a roulé dessus en voiture. De façon prémonitoire il avait écrit à Oriana Fallaci : "je suis un affreux matou qui mourra écrasé par une nuit noire dans une ruelle obscure". Malaise, pitié pour cet homme anéanti, vraisemblablement parce qu'il avait le projet de dénoncer les collusions entre mafia, politiques et papauté. Malaise, révolte pour Franca Rame, compagne de Dario Fo qui a été violée et a eu le courage de dénoncer ce viol dans un pays qui considère qu'une femme doit "rester près de la cheminée" si elle sort, elle doit s'attendre à ce genre de mésaventure.
Au final, on apprend ce que l'on sait désormais : le rôle de la loge P2 et pourquoi toute cette horreur débouche sur le berlusconcon = 90 procès pour -entre autres- faux bilan, subornation de témoins, corruption d'inspecteurs des finances, financement illicite de partis politiques, corruption de juges, etc. etc. sans compter les affaires d'abus de mineures, bref, inscrit à la loge P2 sous le numéro 1816. Il a accompli sa mission : endormir, anesthésier le peuple italien. Pendant ce temps là, les affaires se portent à merveille.
Le livre ouvre avec le scandale provoqué en février 1960 par la sortie du film de Fellini qui obtiendra pourtant en mai la Palme au festival de Cannes. Il s'achève avec l'assassinat d'Aldo Moro.
Simonetta Greggio est italienne mais vit depuis depuis plus de trente ans en France et écrit en français, un style fluide et poétique, qui souligne d'autant plus les horreurs qu'elle relate.
On a beau le savoir, cela reste désespérant de constater à quel point le pouvoir politique et les forces de l'argent sont étroitement mêlées et n'ont d'autre morale que celle de l'efficacité à éradiquer ce qui s'oppose à leur infernale domination.