Ce soir j'avais prévu d'aller écouter Irakli Khutsichvili,dont j'aime la musique, mélange de jazz et d'influences d'Europe de l'Est. Il est géorgien et je l'ai déjà entendu en concert : puissant. Je suis restée installée devant mon ordi, flemme de prendre la voiture. Je suis casanière entre deux expéditions. Ainsi j'ai pu rendre visite à ce blog trop négligé.
La semaine dernière, j'étais à Paris pour différents motifs (une réunion de travail, la COP 21, un hommage à une amie morte récemment ). Après la réunion (productive mais épuisante), je suis allée voir "Demain", ce film qui requinque parce qu'il est porté par des jeunes gens bourrés d'optimisme, partis à la recherche de ce qui s'invente sur la planète pour déjouer les effets délétères d'un vieux monde de "l'ubris" qui va à sa perte -et à la nôtre si nous n'y prenons garde-. Dans tous les domaines des gens imaginatifs, plein d'énergie, inventent les solutions de l'avenir
Je suis allée au 104 où se tenait la ZAC, écouter Naomi Klein expliquer comment les traités que les fadas de l'accaparement des ressources espèrent imposer aux peuples de la planète sont une des menaces majeures sur le climat puisqu'ils permettraient aux multinationales de saccager sans frein les terres, l'eau, l'air et tout ce qui est encore potentiellement générateur de profit. Trois mille personnes dans ce bel espace, beaucoup de jeunes gens que les questions climatiques concernent au premier chef. Là encore, humour, créativité, talent. Allons, il y a de l'espoir.
Je n'ai pas pu rester le samedi (pris le train de retour très tôt, je devais accueillir quelqu'un chez moi) et je l'ai regretté, j'aurais beaucoup aimé participer à la farandole de la ligne rouge.
Je ne commenterai pas ici les résultats des négociations, vous en avez été largement informés, je crois.
Photos Patricia Tutoy
Vu le film de Nanni Moretti, Mia Madre, bel hommage à la (sa) mère traité avec subtilité grâce à l'alternance entre les scènes de tournage -la fille, Margherita Buy est réalisatrice- et celles où elle retrouve son frère (Nanni lui-même, calme et pondéré à rebours de ses rôles antérieurs) à l'hôpital où la mère décline. Il y a un propos universel, à la fois sur la douleur, la panique éprouvées à la perspective de la perte d'un être cher et l'obligation de faire face aux obligations professionnelles, en l'occurrence le tournage d'un film dont l'acteur John Turturro est un cabot incapable d'apprendre son texte, mythomane et capricieux. Réflexion sur l'art, sur l'amour filial, sur la vieillesse, la transmission (les scènes de complicité entre la petite fille et la grand-mère sont poignantes quand on sait qu'elles sont les ultimes moments de partage). Le contrepoint drôlatique de l'acteur absurde permet d'éviter l'excès de pathos de la mort annoncée.
Vu également, Back Home, du Norvégien Joachim Trier avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne. au cinéma Le Méliès, (occasion de découvrir le nouveau cinéma -très bien- après avoir souvent fréquenté l'ancien quand j'habitais Montreuil), "Back Home" est une œuvre soyeuse qu’on laisse s’installer, comme une
petite sonate entêtante : et puis, peu à peu, la poésie des regards, les
couleurs de la vie, la mélodie de la mémoire triomphent. Une question,
cependant : à la suite des attentats récents ,
le titre original du film, "Plus fort que les bombes", a été changé en
"Back Home". Le premier titre était plus beau. Et, aujourd’hui, aurait
eu valeur d’affirmation. (Obs culture)
Dans un dossier de Politis intitulé "Contre les idées qui enferment, la France qu'on aime"
Patrick Chamoiseau, sous le titre que je lui ai emprunté pour ce billet,
nous invite, pour faire face aux défis actuels, à retrouver le sens de la
beauté du monde. "Car la beauté ne délivre jamais d'appartenance,
elle initie à la relation, à cette capacité de vivre le divers en soi et
dans ses appartenances. Diviser les appartenances en Etats-nations ou
en langues orgueilleuses n'a plus tellement de sens. La
multi-citoyenneté, la multi-nationalité, le multi-transculturel, le
multi-translinguistique reflètent plus les expériences des individus
contemporains que la mono-appartenance obsessionnelle. Dès lors "l'arbre
généalogique" est devenu moins pertinent que "l'arbre relationnel",
qui, lui, peut contenir plusieurs langues, plusieurs fraternités, des
familles de rencontre, des lieux, des musiques, des poèmes, des saveurs,
une fluidité très riche quid déjoue les territorialisations et les
cartes d'identité. Essayez de dresser votre "arbre relationnel", et vous
serez surpris de la densité des rhizomes et des magnétismes qui vous
relient à la totalité du monde".
Nous sommes tissés de toutes ces trames que nous enroulons dans notre psyché, les livres, les films, les discours, les musiques. Mon "arbre relationnel se sera enrichi en quelques jours des imaginaires géorgien, italien, norvégien, créole et de celui de tous ces humains qui s'échinent à redonner au monde quelques bonnes raisons de persister à croire en l'humanité. Merci à eux.