J'ai partagé avec des amis un moment délicieux grâce à Yolande Moreau et son dernier film La fiancée du poète où on retrouve certains de ses complices des Deschiens, (François Morel, Philippe Duquesne dans des seconds rôles) mais dans des rôles improbables Sergi Lopez et surtout William Sheller en abbé plus que border line.
Yolande est Mireille une femme tabassée par la vie (elle a fait de la prison et a été abandonnée par l'amour de sa vie). Elle revient dans la maision familiale sur les bords de la Meuse et sert les repas au restaurant des Beaux Arts de Charleville Mézières. Pour vivre et entretenir la grande maison elle loue des chambres à un trio de bras cassés et les quatre larrons s'entendent bien et se réconfortent. Il n'est pas possible d'aller au-delà de ce descriptif sans déflorer l'histoire et gâter sa dégustation. Tout en effet se déguste de cet univers foutraque, de cette histoire abracadantesque et particulièrement allusions littéraires, musiques spirituelles et photographie magique. Hommage à Irina Lubtchansky qui nous offre de pures merveilles et au montage qui autorise la lenteur. On sort du cinéma le coeur plein de la générosité qui imprègne chaque instant d'un film qui fait pourtant la part belle au mensonge, uniquement celui qui rend la vie plus belle. On peut écouter Yolande Moreau ici.
Autre film, autre histoire, autre leçon d'humanité "Second tour" de Dupontel. Au passage, j'aime bien les films d'acteurs qui se mettent en scène. Dupontel est un candidat à la présidence de la République en campagne à quelques jours de l'échéance. Par hasard, une journaliste placardisée pour cause d'insolence et mauvaise conduite (Cécile de France) est mobilisée avec son collègue (Nicolas Marié) pour suivre la campagne. Elle a une feuille de route avec les questions dont elle ne doit pas s'éloigner . Bien évidemment, elle va transgresser et découvrir le secret du candidat (qu'il ignore lui-même) et faire basculer une "campagne chiante" (sic) dans un tourbillon d'événements tous plus improbables. On connaît le peu de crédit que Dupontel accorde à la politique politicienne mais son film aborde de multiples questions de société de façon drôle, légère, poétique et cependant profonde. Il annonce la couleur : comme il est dit dans son introduction, la seule manière de renverser le système est d'en faire partie. Mais le système ne lésine pas sur les moyens de barrer la route à ceux qui tentent de le renverser. C'est tout le propos du film.
On peut rencontrer Dupontel qui se défend de toute intention moralisante. Il voulait créer une sorte de "roman de gare" dit-il. On souhaiterait que tous les auteurs de "roman de gare" aient son talent.
Ne pas oublier notre vieux Ken Loach (87 ans) et son vieux chène "The old oak", une taverne fréquentée par des vieux mâles radoteurs. Une histoire d'amitié entre un vieil homme. TJ Ballantyne [Dave Turner] le tenancier et une jeune femme syrienne immigrée Yara [Ebla Mari] . L'arrivée des immigrés dans le village défrise les habitants qui se sentent "envahis", alors même que le village est en perte de vitesse. La taverne elle-même est en mauvais état et son tenancier vieillisant sait qu'il ne pourra rien en tirer s'il cherche à la vendre. Evidemment une guerre sourde, à bas bruit va s'instaurer entre les deux communautés et Ken Loach filme au plus près les émois de ces "braves gens". Comme d'habitude, il met en scène la vie des gens pauvres, qui cherchent à s'en sortir par la solidarité, mais aussi qui développent des acrimonies à l'égard des étrangers. Scénario bien connu. Il en profite pour exposer dans l'arrière salle des photos des mineurs grévistes, dont les clients du pub ont fait partie et que la jeune photographe découvre avec émotion
Le film a été moins apprécié que les précédents, pourtant il est de la même veine, constat des dégats de la mondialisation et de la guerre qui ruinent les ouvriers au chômage et déversent sur les routes de l'exil les Syriens. On peut l'accuser d'angélisme, d'irréalisme, voire de mollesse ("un film morne" les Inrocks) . Pour ma part j'ai aimé la générosité opposée à la mesquinerie, la solidarité entre gens qui sont tous dans la dèche. La fin est un peu tire larmes, certes mais elle est aussi optimiste et en ces temps de déprime généralisée, ça fait du bien.
Enfin vu la série consacré à Agnès Varda sur Arte : "Sans toit ni loi" avec la jeune Sandrine Bonnaire (Mona) en vagabonde rebelle à toute obligation imposée, sale et joyeuse mais bien-sûr embarquée dans des plans dangereux et qui finit morte de froid dans un fossé. A l'opposé le film lumineux "L'une chante, l'autre pas" , deux films que j'avais appréciés. Le premier pour le jusqu'auboutisme du parti-pris et la manière de Varda. Elle suit son héroïne en même temps que les villageois et les marginaux que la jeune femme cotoient au cours de son errance qui témoignent du court moment où ils l'ont approchée. Le second parce qu'il décrit la vie de deux jeunes femmes dont l'amitié se scelle autour du drame de l'avortement subi avant la légalisation. Une ode à la sororité avant l'invention du terme sur un mode joyeux. J'avais oublié les chansons, je les ai ré écoutées avec plaisir.
Entre les deux, un documentaire "Viva Varda" ou Agnès se raconte au fil d'interviews collationnées et de témoignanges de ceux qui l'ont accompagnée dans sa quête d'images où fiction et documentaire s'entremèlent. Tous lui reconnaissent un tempérament autoritaire de celle qui sait où elle veut aller. Mais comme le dit l'un d'eux, "reprocherait-on à Godard ou à Truffaut leur autorité. Sa fin de vie est trufée de récompense, qu'elle reçoit avec malice et humour.Il ya aura eu un grand amour, Jacques Demy même s'il a été chahuté par les amours homosexuels de Demy. Deux enfants qui prolongent son oeuvre (photographe, plasticienne, réalisatrice et scénariste). Une belle vie de création.
8 commentaires:
" La fiancée du pirate" est un film "mignon" selon le point de vue d'une spectatrice amie...Ce film ne mérite pas plus que ce qualificatif. Yolande Moreau réunit du bon matériau , riche et prometteur mais elle n'arrive pas à bâtir une intrigue qui les lierait ensemble. Cela donne une comédie légère sans autre prétention qu'un moment de distraction pour une soirée pluvieuse...
Yolande Moreau, c'est quelqu'un ! Merci pour ce billet - je ne suis plus allée au cinéma depuis trop longtemps, mais j'aime suivre l'actualité du 7e art.
Revu "Sans toit ni loi" et sa fin terrible, Sandrine Bonnaire y est formidable, mais pour moi, ce drame est devenu plus difficile à encaisser qu'à l'époque où le film est sorti. J'ai manqué "L'une chante, l'autre pas", dommage. Vive le cinéma de Varda !
@P.V.La fiancée du pirate est un autre film. Mais si on parle du film de Yolande Moreau, mignon est un terme bizarre sauf si on considère que l'histoire de fraudeurs c'est "mignon. Bien sûr nulle violence et son histoire est un peu foutraque mais c'est ce qui en fait le charme. Un moment de plaisir, ça ne se refuse pas.
@Tania, oui Yolande Moreau est un personnage. Les drames sont plus difficiles à "encaisser" pour moi aussi désormais L'une chante, l'autre pas est visible sur Arte.tv. C'est un film joyeux et profond, comme je les aime, même s'il est un peu daté.
Il est bien que l'on rende hommage (y compris à la Cinémathèque de Paris) à Agnès Varda et Arte.tv fait un excellent travail : la série "Vietnam", et cette "Histoire de l'antisémitisme" - hélas très actuelle -devraient être vues par un large public...
@D.H.Aujourd'hui grande marche contre l'antisémitisme. A quand un appel contre l'anti confusion entre Musulmans et islamisme radical
Agnès Varda manque, comme manque Jane Birkin, Delphine Seyrig et bien d’autres. Seul espoir dans ce monde actuel bien triste, l’énergie des mouvements feminins, énergie porteuse d’une possibilité d’avenir autre que celui qui nous est programmé.
@Godart, pardon pour cette réponse tardive. Merci de créditer les mouvements féministes d'une possibilité de transformer le monde actuel mais hélas on voit partout s'installer des régimes réactionnaires et je crains qu'en partie ce soit le virilisme qui soit à l'oeuvre
Very nice posst
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