"Ecrire. Verser avec rage toute la sincérité de soi sur le papier tentateur, si vite, si vite, que parfois la main lutte et renâcle, surmenée par le dieu impatient qui la guide... et retrouver, le lendemain, à la place du rameau d'or, miraculeusement éclos en une heure flamboyante, une ronce sèche, une fleur avortée". Colette La vagabonde .
Il y avait si longtemps que j'avais lu Colette, avec gourmandise et jubilation. J'avais seize ans et sa Claudine m'ouvrait des passages vers mes propres émois. J'avais par la suite lu le Blé en herbe, Chéri, et quelques autres mais j'étais plus âgée et en dépit de cette écriture foisonnante, sensuelle, attachée à restituer le goût et les odeurs des choses de la vie, je cessais de la lire. On lui rend hommage ces derniers temps à l'occasion du 150 ème anniversaire de sa naissance et j'ai eu envie de la relire.
La vagabonde est le roman d'une femme qui a dû trouver du travail pour vivre après son divorce. Elle pratique la pantomime dans un cabaret en compagnie d'un complice qui la bouscule avec tendresse et au milieu d'artistes qui sont tous comme elle dans la dèche. Renée, c'est son nom, ne veut plus entendre parler des hommes et lorsqu'un admirateur énamouré la poursuit, elle le dissuade jour après jour. Mais la tenacité de l'amoureux finit par la convaincre et elle s'abandonne au plaisir d'être aimée par un homme, fortuné de surcroit. Hélas, lorsque le bel amant veut devenir le vilain mari, l'attachement est au prix de la liberté et Renée choisit de rester vagabonde.
On sait que Colette a en effet travaillé dans des music halls après avoir divorcé de Willy. Non seulement celui-ci l'employait à écrire des livres qu'il signait de son nom mais collectionnait les conquêtes. La vagabonde décrit avec humour le petit peuple des coulisses avant son passage sur scène. Le roman est un témoignage de cette époque, entre les deux guerres où on aimait le caf' conc' et où le monde interlope se frottait aux bourgeois dans ces lieux de plaisir. Je vais poursuivre avec Le Pur et l'Impur méditation agréablement agrémenté d'exemples sur le plaisir amoureux . Mais auparavant j'ai d'autres livres à lire impérativement.
Le premier livre de Pauline Hillier. "A vivre couché". Je vais le lire à la suite de son dernier qui m' a beaucoup impressionnée et émue . À l'issue d'une manifestation, Pauline, jeune Française, est arrêtée et conduite à La Manouba, la prison pour femmes de Tunis.
C'est en effet une quintescence d'humanité qui habite ce livre. On y découvre des destins de femmes entravées qui n'ont souvent pas eu le choix de vivre en marge, de débrouille, de petits délits, voire de se débarrasser du monstre qui leur infligeait coups et humiliations. Le livre est tout sauf un long sanglot. Il est drôle et surtout pas manichéen et il donne à voir les conditions indignes dans lesquelles les femmes survivent et les formes de solidarité qui s'inventent pour y résister.
Comme chaque année, je suis allé marcher avec les femmes, le 8 mars. C'est une sorte de marronnier de ce blog. Chaque fois je capture quelques slogans qui m'amusent. Je zoome de façon à préserver le droit à l'image des porteuses de pancarte qui sont toutes de ravissantes jeunes femmes. Elles assurent la relève sont plus virulentes et assurées que nous pouvions l'être.
"Mélancolère", c'est un mot valise du poète Romain Noèl cité par Marielle Macé dans son ouvrage "Sidérer. Considérer. Il correspond bien à l'état d'esprit dans le quel je me sens actuellement;
Pour créer une autoroute, l'A69 devant relier Castres à Toulouse, ne présentant aucune utilité réelle, sauf celle d'implanter des péages sur un parcours dont il suffisait d'élargir la nationale actuelle qui ne croule pas sous le trafic, on abat des arbres un peu partout sur le parcours, on saccage des terres agricoles, on exproprie des gens. Ce projet vieux de 25 ans qui a été repoussé par plusieurs recours est imposé en force. A l'heure où il s'agit de sauvegarder tout ce qui peut lutter contre le réchauffement climatique, cette absurdité va se réaliser. Des activistes courageux jouent les écureuils dans les arbres pour freiner l'avancée des machines avant la date du 31 mars après laquelle il est interdit d'abattre les lieux de nidification des oiseaux. Ils sont bien entendu sous haute surveillance.
Je suis allée à leur rencontre samedi dernier. Il fallait se faufiller entre les camions bleu marine. Une fois dans le groupe, c'était joyeux mais rempli de "mélancolère". Où iront les oiseaux ensuite ? Et cette belle architecture lentement élaborée par la patience de la sève, sera déchiquetée en quelques minutes.
Je ne dirai rien des manifestations contre la réforme des retraites sauf peut-etre cela glané jeudi à Paris
Et pour conclure, cela, affiché dans un tiers-lieu proche de la Bastille où après une table ronde bien paisible, suivie d'un apéro dinatoire, nous sommes sortis environnés de camions de CRS et de BRAV-M
Chacune des bribes rassemblées ici mériterait un développement plus long, mais le blog n'est pas le lieu des approfondissements, c'est un calepin où on consigne de petites notes pour ne pas tout à fait oublier.
6 commentaires:
Relu "La Vagabonde" il y a quelques années. "Le pur et l'impur", je devrais le commander, je ne le trouve jamais en librairie. Je viens d'en lire quelques pages sur le site de Fayard.
"Mélancolère" est le mot que je retiendrai de vos notes du jour, c'est un mot pour notre temps qui voit trop souvent les ravages de projets indifférents à la protection de l'environnement et du vivant.
Je relis régulièrement des romans de Colette, toujours un plaisir des sens , oui, et un féminisme d'avant-garde qui a tout pour me plaire.
Vous parlez de féminisme, je suis âgée et "de mon temps" on manifestait pour l'égalité des lois. Ceci acquis, je suis ravie qu'en ce XXIº s les jeunes femmes revendiquent, avec véhémence (c'est la seule façon) toute le reste...et il y a encore du boulot.
Tant de luttes à mener, l'air, l'eau etc...connaissez-vous cette magnifique chanson de Stephan Eisher "Autour de ton cou"? https://youtu.be/rb4BtnTB0Uc
Merci pour tout, à bientôt.
Après le 38°5 , le 49°3, le Prez confiné à l’Élysée...
@Tania, oui le mot mélancolère est celui de nos temps ravagés par l'avidité de quelques uns au détriment de nous tous.
@Colo, Merci pour la découverte de la chanson de Stephan Eisher; Une amie m'écrivait hier qu'elle respire mal.
@P.V. si cette fièvre pouvait l'emporter!
J'adore la citation en introduction de ton article !
J'ai trouvé quant à moi, dans une boîte à livres, un livre de Colette en allemand qui s'intitule "Frauen" ("Femmes") et rassemblent de façon surprenante des extraits piochés dans "Les Vrilles de la Vigne", "La Fleur de l'Âge", "Noces" ainsi que "Prisons et Paradis". Ce sont à chaque fois des descriptions par Colette de femmes qu'elle a vraisemblablement connues et attentivement observées. C'est amusant comme concept d'avoir ainsi rassemblé ses portraits féminins dans un livre. On a, en condensé, la façon plutôt moqueuse bien qu'un brin affectueuse dont l'autrice perçoit les autres femmes.
"Mélancolère", oui, c'est quelque chose que l'on ressent presque continuellement dans ces temps de destruction du beau, du paisible et du réjouissant.
@Euterpe, je lis Sido en ce moment. Quelle écriture précise, sensuelle, élégante et quel bel hommage à sa mère. Je suppose que sa perception des femmes changerait si elle vivait à notre époque. Elle était tellement en avance de liberté!
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