samedi 2 février 2013

Un jour d'entre les jours à l'IMA

 Photo ZL Jardin des Plantes 29/01/13.
Il y a quelques jours, j'étais (encore!) de passage à Paris. J'ai pu soustraire une journée à consacrer au seul plaisir de la ville. En traversant sous la pluie le jardin des Plantes, désert à part les joggers  qui suent sous les gouttes, j'ai croisé ce joli bronze ruisselant. J'allais en direction de l'Institut du Monde arabe à la rencontre des Mille et une nuit, et de la belle Shéhérazade.


Étonnant comme cet univers nous est familier, il a été pourvoyeur de tant d'images -voire de clichés- sur l'Orient, il a inspiré tellement de créateurs, il a habité notre imaginaire dès le plus jeune âge et alimenté nos fantasmes érotiques.
Le livre lui-même a eu un destin romanesque.  A l'origine mélange de contes transmis par la tradition orale, tardivement consigné par écrit dont Antoine Galland  entreprend de 1704 à 1717 la traduction et l'enrichissement.  Il ajoute en particulier les aventures de Sinbad, d'Aladin et d'Ali Baba, se transformant lui-même en Shéhérazade. Quand l'ouvrage est édité, il provoque un véritable engouement  et déclenche une chasse aux nouveaux contes.
Le recueil va susciter diverses traductions dont celle de Joseph Charles Mardrus. C'est celle que j'ai lue, dans la collection Bouquins chez Laffont, du temps où je vivais au Moyen Orient. Celle que la mère de Proust n'osait refuser à Marcel tout en lui suggérant de préférer celle de Balland, expurgée des détails trop précis des batifolages qui sont légion dans ces contes.
L'exposition se présente en plusieurs salles thématiques. On peut s'installer à l'écoute des contes. dans une atmosphère nocturne et des mises en décor un peu kitch pour certaines . La première salle présente de nombreuses éditions anciennes richement illustrées du livre. Les suivantes déclinent les thématiques importantes dans les contes. L'amour, la guerre, les mondes occultes...
On apprend ainsi que la langue arabe classique fournit une cinquantaine de termes pour traduire les émotions liées à l'état amoureux.
Je suis passée un peu vite, je l'avoue dans la partie dédiée à la guerre, les armes, les films qui  s'en inspirent.
En revanche j'ai contemplé la beauté du film d'animation  de Lotte Reiniger,   Les aventures du Prince Ahmed  (1926)

J'ai également été fascinée par un Méliès de 1905, le Palais des mille et une nuits. 
Sans oublier Pasolini 

Profusion de bijoux, ustensiles, instruments de musique, tentures, tapis .
Au nombre des peintures qui m'ont particulièrement séduite celle d' Etienne Dinet, "Esclave d'amour et lumière des yeux"


 


Les décors de Léon Bakst, ou encore (ci-dessus) de Jacques-Emile Blanche, Ida Runbinstein dans le rôle de Zobéide dans le ballet "Shéhérazadeé, musique de Rimsky-Korsakov
L'ensemble bien qu'inégal propose une riche palette de variations inspirées par la Sultane et son exploit de parvenir à sauver sa peau -et celle de toutes les vierges qui étaient sinon promises à l’immolation-  en tenant en haleine son sanguinaire de mari.

"Tout écrivain est Shéhérazade, tout écrivain a en lui une menace de mort". M. Butor, Entretiens avec Georges Chardonnier.


Voir aussi http://sexe.blog.lemonde.fr/2012/12/30/les-freres-musulmans-font-taire-scheherazade/


18 commentaires:

Nicolas a dit…

Hé ho ! Quand tu viens à Paris, tu pourrais passer.à la comète plutôt qu'aller voir des machins à moitié louches.

Sophie K. a dit…

(On s'est ratées, mais j'espère te voir la prochaine fois.)
Merci pour ce bel article ! :)

la bacchante a dit…

Si ils brûlent mille et une nuit, combien en restera-t-il?

la bacchante a dit…

nuitS

JEA a dit…

Selon un proverbe africain :
- "Marche sur une fourmi, et mille autres t'attaqueront..."
lequel pourrait être ainsi actualisé :
- " Tu détruis une nuit ? Mille autres obscurciront le chemin de ta barbarie..."

madame de Keravel a dit…

belle idée de visite pour un prochain passage à Paris !
tiens une image puisque tu as été sage :
http://album.aufeminin.com/album/see_137966_97/Tutus-et-tenues-de-scene.html#p97

patrick.verroust a dit…

la copulation et fornication obéissent aux lois de la physique des parties culs . Devant celles de l'ordre établi, Éros tique...
Je ne suis pas sur qu'un occidental puisse concevoir la sensualité orientale. Ce n'est pas par hasard si la Célestine de de Rojas fut un ouvrage fondamental de la littérature espagnole, les omeyyades ne laissèrent au chevalier franc, dévalué, que la "reconquista" des moulins à vent..

Tania a dit…

Voilà un billet et de belles illustrations qui donnent envie de replonger dans cet univers ! Merci aussi pour le dernier lien, un article très éclairant. Bon dimanche, Zoë.

Zoë Lucider a dit…

@Nicolas, la comète c'est pour la nuit, pas pour le jour :-)
@Sofka, suis allée voir tabou, ensuite. Beau film. Prochaine fois je te préviens avec un recommandé :-)
@la bacchante, autant et plus encore.
@JEA, tout à fait, leur barbarie ne peut être qu'éphémère, l'espérance est immortelle.
@Mâme K, grand merci pour ce lien qui ouvre une boite aux trésors.
@PV Shéhérazade est un personnage qui ne peut que déranger les "fous de Dieu".
@Tania, l'article est éclairant parce que très informé.

Dominique Hasselmann a dit…

Avec Jack Lang maintenant aux commandes, l'IMA devrait prendre une navigation plus hardie.

Merci pour l'article !

Depluloin a dit…


Superbe Zoë !! (Toujours à Paros, c'est écoeurant à la longue ! :)

Et puis ceci : un femme si belle soit elle qui m'empêche de dormir avec des histoires complètement folles.... :)

Zoë Lucider a dit…

@DH, j'aurais pensé à un grand lettré arabophone plutôt que Lang, mais je ne comprend certainement rien à la politique culturelle.
@Depluloin, vous oubliez qu'elle ne fait pas que raconter des histoires, elle illustre en payant de sa personne...

MakesmewonderHum a dit…

Aaaah! Si seulement il suffisait de raconter, aux intégristes, une histoire à chaque nuit pour qu'ils sursoient à jamais à leurs sombres desseins. Combien de crucifiées, lapidées, brûlées à l'acide (et j'en passe...) aurions-nous pu ainsi sauver?

Si une image vaut mille mots et que, dès maintenant, une histoire évite mille maux faudra songer à trouver un nouveau titre, genre:

"Pourquoi il y a toujours des barbus plus méchants que d'autres?"

Zoë Lucider a dit…

@MMWH, certes. En revanche, le pouvoir des mots reste irremplaçable. La preuve : les autodafés que tous les pouvoirs autoritaires déclenchent et tous les libelles qui finissent par avoir raison de cette folie.

Dominique Autrou a dit…

Ce Prince Ahmed a l'air d'un sacré coureur (de fond, de fond).
A propos je me demande combien de mots ont les fondamentalistes (pas seulement musulmans) pour dire leurs émois amoureux.

Zoë Lucider a dit…

@D.A, je n'ose pas me le demander. Vu chez Euterpe la bande annonce d'un film "Et maintenant on va où" : les femmes se liguent pour détourner les hommes de leur sempiternelle guerre en leur organisant une grande orgie pendant laquelle elles leur piquent les armes et vont les enterrer.

la Mère Castor a dit…

Voilà qui est passionnant, de quoi ajouter à mon envie de retourner à Paris (en visite, au bout de trois jours je suis épuisée) . Inépuisables mille et une nuits, merci pour ce billet et les pistes qu'il ouvre.

Zoë Lucider a dit…

@la Mère Castor, pas mieux, je suis morte au bout d'une journée mais j'aime quand même.