mercredi 6 octobre 2010

Vive la Retraite aux flambeaux *


Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais beaucoup de blogs ont cessé d'émettre. Pour ne citer que ceux que je fréquentais régulièrement Clopine, Dexter, Montaigne à Cheval, Manu Causse, se sont tus (momentanément ou pas ?) Cactus clignote de temps à autre.

Bertrand Redonnet, part s'occuper de la mise en scène d'un de ses textes, Georges Flipo n'écrit plus parce qu'il écrit (sic),

Stéphane Beau est encore fidèle au poste et pose une question qui me taraude aussi : pourquoi Nicolas Sarkozy inspire-t-il à ce point les auteurs de fictions ? En effet, que ne le laisse-t-on
dans l'ombre d'où il n'aurait jamais dû sortir.

Le manchot tire le rideau. Comme il laisse à consultation ses archives j'en ai récupéré une que je vous donne à savourer avec en préambule un extrait de l'ouvrage : J'ai remarqué très tôt, trop tôt peut-être, que le travail c'est surtout de la fatigue (...)




DANS LA GUEULE DE LA SERVITUDE

Edition originale



« Et c’est ici, je crois, que je devins dangereux pour les affameurs… »

Chapardeur, roulottier, casseur, flambeur, braqueur, titulaire de quelques séjours en prison et d’une balle dans le ventre, Alexandre Dumal, dans son récit autobiographique, narre avec beaucoup de limpidité la trajectoire d’un jeune homme qui ne veut pas travailler.

Les possédants et les curés seront fâchés que ce jeune homme subisse la prison avec équanimité et qu’elle lui serve de stage de formation pour de nouveaux méfaits.

Les téléspectateurs s’étonneront que la même paisible vaillance donne un ton de simple évidence au récit des exploits et mésaventures de l’auteur.

Et les romanciers seront secrètement outragés de voir que le bandit écrit mieux qu’eux.

Sans doute certains milieux veulent-ils bien accepter les invectives des délinquants d’autrefois, et même de tel criminel plus récent projeté à une raisonnable distance critique par les flics et leurs Manhurin. Mais quand l’auteur est contemporain, vivant, et dit de claires évidences, rien ne va plus. (Ainsi, au temps où Mesrine n’avait pas encore été exécuté sur la voie publique, avait-on généralement pu lire dans la presse que son autobiographie était mensongère et mal écrite.)

Alexandre Dumal, étant contemporain, pas encore trop criblé de balles à l’heure où j’écris ceci, et nullement porté à l’invective lyrique, sera peut-être taxé d’insignifiance par les feuillistes et le reste de la domesticité.

Et tout au contraire, en adoptant naturellement le ton de l’évidence limpide, il est tout à fait scandaleux. Notamment parce qu’il est ainsi de son temps, du nôtre.

Certes il y a une manière d’inscrire les individus dans la « sociologie » d’une période qui n’est que le honteux moyen de dissimuler leur vertu personnelle. Tout de même on rappellera que notre période est une période de pillage généralisé et notoire. Aux exactions sans frein des riches répondent la fauche des pauvres, la reprise collective encore timide pendant les manifestations de rue, les attaques de ce que les policiers appelaient voici quelques années les « nouveaux bandits » (mères de famille braquant les caisses des supermarchés, etc…) Le respect de la propriété privée s’est perdu. Elle n’est plus gardée que par la peur de la police.

Alexandre Dumal est de ce temps. Il a passé par les barricades de Mai 68, mais il avait fait son choix avant, il l’a maintenu après. Et il s’élève au-dessus de ce temps en ayant perdu le respect, mais aussi la peur. Je crois qu’on peut dire que la vertu principale d’Alexandre Dumal est le courage.

Parce qu’il avait le courage, son refus de la misère ordinaire –décidé dès l’enfance- l’a mené haut. Et la clarté de son livre vient de là : elle vient de haut. Pour savoir écrire, il faut savoir vivre.

Certains, qui ne savent ni lire, ni vivre, auront hâte d’oublier ce livre. Qu’ils se dépêchent ! car le refus qui habite ce texte n’a pas fini de revenir, lui aussi, dans la gueule de la servitude.

JEAN-PATRICK MANCHETTE.


Je sais, on pourrait considérer que moi aussi je ne fiche plus rien. Pas faux. (Merci au Manchot et à Manchette du coup de main, si je puis dire).


* Le titre, en hommage à Bernard Clavel qui vient de mourir et dont la disparition n'a semble-t-il guère ému les chroniqueurs.


Photo Retraite aux flambeaux au jardin d'état

J'ajoute ce jour 11/10 10 un lien vers un article d'Alain Sagault, Ah, les braves gens !

18 commentaires:

D. Hasselmann a dit…

Citer Manchette - alors que le polar se veut principalement suédois, ces temps-ci - est sympa.

Concernant la liste des blogs qui ferment, celle-ci est-elle close ?

Et puis, Bernard Clavel, même s'il n'était pas "germanopratin", comme tu l'as écrit, a quand même suscité un certain nombre d'articles ou d'images dans les médias.

Ses livres restent d'ailleurs toujours disponibles, notamment en poche.

Sophie K. a dit…

Nous sommes sur la même longueur d'ondes, encore une fois, chère Zoë... Alexandre Dumal (Père ? Fils ? Esprit ?) m'inspire, et Manchette ne s'oublie pas.
Oui, des blogs ferment... Je me disais récemment que leur unique moyen de se régénérer réside, non dans les commentaires (on se lasse, parfois, de commenter, et c'est normal), ni dans l'idée, au départ intéressante, des "Vases Communicants", mais dans la recherche, la discussion et l'échange, de post en post, même si ceux-ci ne sont pas forcément soulignés. Réfléchir ensemble, rebondir, se contrer, argumenter, pas forcément dans les comm's, donc, mais par posts interposés, réflexifs... Les blogs qui le font ne se portent pas si mal, je crois.

Anonyme a dit…

Toutafé...Ouaipsssss...
Hips...

Brrrroooo...


Pardon, j'me mouche!

Depluloin a dit…

Bon... voilà qui remonte le moral! Manchette, oui, il y a bien longtemps que je n'avais pas entendu son nom quelque part.)

Euh... je commente uniquement parce que j'ai entendu dire que si on ne venait pas régulièrement on se faisait engueuler par la patronne! Pas bon ça! ;)

Sophie K. a dit…

@ Anonyme : :0)))
Oui, bon, ça va. (J'ai que deux neurones, je sais, on me le serine, en ce moment.)
Pfffffffffff.

verroust patrick a dit…

Sophie K a raison . Mais ce n'est pas si facile que cela à réaliser, en particulier d'argumenter, de se contrer, d'échanger vraiment. Je crois me souvenir d'avoir lu un commentaire très lucide de Zoë sur le communautarisme blogueur , les visites courtoises, les encensements de circonstances.
Ce blog ci est tellement harmonieux, ce qui veut pas dire que les autres ne le sont pas, que je suis comme un amoureux qui préfère laisser un objet d'amour plutôt que d'en troubler l'agencement. Je regarde et me tais.
Tu vas des envieux , Zoë!

Zoë Lucider a dit…

@@DH, tant que LCC reste ouvert, tous les espoirs sont permis. Pour Clavel, j'imagine que classé dans les auteurs populaires, il ne suscite guère l'intérêt des "germanopratins en effet. Il a démissionné du jury Goncourt, j'aimerais bien savoir pourquoi.
@Sophie K, voilà qui me fait chaud au cœur. Cette activité du blogueur n'a de sens que si en effet elle enclenche chez le lecteur du désir: de comprendre, de chercher, de lire ou de relire, de dire ou de se taire. Les raisons pour fermer un blog sont toutes légitimes. Celles pour tenir bon, malgré le sentiment du dérisoire qui vient parfois titiller devant le clavier le sont tout autant.
@Anonyme, à vos souhaits!
@Depluloin, ah ah, vous craignez les foudres de la sorcière, hummm. J'adore vous lire, alors ne m'en privez pas.
@Sophie K, tu connais l'anonyme ? Dénonce-le! :-)
@VP, je suis très touchée, un signe d'amour, tout ce qu'on aime, nous pôvres zumains toujours affamés de douceurs. merci.

Cactus , ciné-chineur a dit…

je reviens donc !
Sissi

Anonyme a dit…

Franchement, jusqu'ici, je n'ai pas à me plaindre de cette activité très rémunératrice, sentimentalement parlant; après, se méfier tout de même des junk bonds.

Zoë Lucider a dit…

@Cactus, tu reviens pour sonner l'alarme, tu fais bien.
@Dom A, sauf quand la plateforme fait des misères...

Lavande a dit…

Le titre a un rapport avec les activités syndicales du moment?

Chr. Borhen a dit…

Tiens, puisqu'on en causait, Zoë, vous pouvez à présent rayer Le Chasse-clou, le blog de Dominique Hasselmann. Mais bon, je connais "un peu" le monsieur : il n'est pas prêt de s'enrayer - c'est bien là l'essentiel, non ?

Zoë Lucider a dit…

@Lavande, bien-sûr fine mouche.
@Chr B. j'ai vu en effet. Une sortie à la Clavel, pas Bernard mais Maurice. On espère que tel le Sphinx, le Chasse clou va renaître

la bacchante a dit…

Moi, le vent des blogs me manque...

Zoë Lucider a dit…

@la bacchante, oh! merci. Oui à moi aussi, il me manque. Je vais peut-être le reprendre mais sans me donner l'impératif hebdomadaire du dimanche soir.

L............................................uC a dit…

Ha ! Manchette ! Pourquoi a-t-il mourrruuuûûû ? quelle bête idée !!!... Comme Pluplu je reviens de loin (jeu de mot...Pluplu=Depluloin... Mouaarfff dirait-il s'il était là)... Il dort encore tu crois... En ce moment je ne sais pas ce qu'il a mais il regarde des films bizarre, tient des propos incohérent sur la pousse de petits pois et sa mère et continue d'écrire... Bizarre , non ?... Sinon c'est quand les flambeaux ? ça a l'air bien cette retraite ?

Zoë Lucider a dit…

@LUUUUUUUUUUUUUC! Olé! Te voilà de retour mon pompounet? Pluplu, oui il délire comme d'hab. Je lui ai versé un (non deux) petits verres pour le requinquer. Les flambeaux? En ce moment sont un peu vacillants, mais ça ira, ça ira!

bertfromsang a dit…

" pour savoir écrire, il faut savoir vivre." chouette, de retrouver ce papier de manchette sur dumal, qui me renvoie quinze années en arrière... qu'est-il donc devenu, le dumal ? à cette époque-là, un autre bandit qui écrit mieux que les romanciers fut publié chez plon, dans la collection "terre humaine" : claude lucas, et son fameux "suerte"...