vendredi 22 mai 2009

Cartes postales rétroactives (7) Sydney.


Un de mes amis s'est installé au coeur du bush dans la région de New Castle en Australie. J'ai eu l'occasion de me rendre à Sydney et nous nous sommes retrouvés dans un restaurant italien. Voici un extrait de notre conversation (avril 1995). Elle me semble d'une grande actualité

- Je n’ai pas de gros besoins. Je mange ce que je cultive, je fabrique à peu près tout ce que j’utilise. C’est la satanée bagnole dont je suis dépendant. Je complète avec mon chanvre.

- ? ! ?

- Ben oui, ça te choque ? Tu ne crois pas que je vais me laisser impressionner par toutes ces conneries autour d’une plante aussi anodine. Je ne vois pas où est le crime, procurer du plaisir à des gens qui par ailleurs sont avocats, journalistes, médecins, toute la bonne bourgeoisie, tu peux me croire, et qui ont une vie tout à fait « honorable ». Une plante qui pousse naturellement autour de moi. Moi, je ne fume plus depuis longtemps, ni tabac, ni herbe, rien. Mais je n’oblige personne à faire mes choix et je serais idiot de me priver d’une source de revenu que je trouve aussi légitime que mon travail du bois. Elle est bonne mon herbe et je la vends un prix correct à des adultes qui l’utilisent pour eux-mêmes. A chacun ses choix. Je vis seul et c’est ce qui me plaît dans ce pays. On peut y être seul des jours et des jours sans risquer une rencontre.

- Tu es devenu bien misanthrope pour le voyageur impénitent que je connaissais, avide de rencontrer les humains de cette planète.

- Justement. Je me suis aperçu que je préférais la compagnie des arbres et desanimaux à celle des hommes.

- Pas ce cliché, s’il te plait !

- Je te fais grâce de mes années de pérégrinations du Pakistan à l’Inde, à l’Indonésie. J’ai fini par débarquer sur ce continent. Et à part pour quelques vrais potes, mes rapports avec les autres sont de commerce et ça me convient. Le reste du temps, je suis dans mes bois, je regarde la profusion qui m’entoure et j’en jouis intensément. Il y a des serpents, des varans, des lézards à collerette, des échidnés, des ornithorynques, des milliards d’insectes, d’oiseaux…

- C’est dans ton zoo que j’aurais dû approcher la faune et la flore australienne.

- Chiche ! Je t’emmène. Si nous partons maintenant, nous y sommes à minuit, je te balade toute la matinée demain matin et tu peux reprendre un train vers midi et être à temps à Sydney pour attraper ton avion.

- Ca me tente cette petite folie. Mais je ne crois pas que P.E apprécierait mon éclipse à la réunion demain matin. Dommage, j’aurais volontiers troqué «les essentielles mises au point» contre une promenade dans le bush. Tu vis dans l’illégalité, ça ne te gène pas ?

- L’illégalité ? Je les connais ceux qui fabriquent les lois. Qui pourrait me donner des leçons ? Les «chevaliers de l’industrie» ? Ceux qui prétendent que l’avenir de l’homme c’est de fabriquer toujours plus de cochonneries inutiles, du prêt à jeter en plastique, ensaché dans du plastique, glissé dans des boîtes de bouffe pour mieux la vendre à des gamins drogués de téloche. Des corn flakes bourrés de pesticides avec un petit mickey, du veau reconstitué avec un bon de réduction sur une moulinette à vent. Et plastique sur plastique nous refiler des aliments qui ne nourrissent que les comptes en banque et les décharges monstrueuses de détritus.

Qui d’autre ? Les héros de l’artillerie qui font leur beurre grâce à des saloperies de mines anti personnel ? Qui ? Les prédicateurs de la santé ? Ils feraient mieux de s’inquiéter de la prolifération du nucléaire, du mercure, du plomb, de l’amiante devant laquelle nous devons nous incliner. Ou encore les bénédictins du pastis qui ont envoyé dans le décor des générations et des générations. Je ne vends pas de la chimie reliée à des gangs. Je ne nourris aucun lucre. Je n’ai simplement pas l’esprit suffisamment tordu pour confondre une plante et toute la mythologie déraillante qui l’accompagne. Ce n’est pas de ma faute si les guerres de territoire et de religion ont banni certains produits et porté au pinacle d’autres, ni si le rêve est proscrit de nos sociétés soit disant bien pensantes. Je sais très bien que le trafic de drogue supporte le trafic d’armes, il faut bien qu’ils désignent leur miroir aux alouettes. En taxant le plaisir, comme d’habitude.

- Excuse-moi, je suis un peu perplexe.

- Moi, je n’ai pas envie de passer dans leur tourniquet. Ma vie est au bout de mes bras. Quand mes bras tomberont, je mourrai, c’est tout. En attendant, je me lève le matin, dans le concert des oiseaux et des insectes, je ne sais rien de ce que la journée va m’offrir. J’ai bien toujours mon petit programme, genre : aujourd’hui je défriche la parcelle du bas, ou je fends du bois toute la journée ou j’entame la table que Machin m’a demandée. Mais si plus fort et plus intéressant se présente, je prends : le passage d’un ami, les traces d’une bestiole que je n’ai encore jamais vue et que je piste pendant deux heures pour l’apercevoir. Certains jours je m’escrime au ciseau à bois pendant quinze heures, d’autres, je lis toute la journée. Et tu voudrais que j’échange ça pour m’inscrire sur la liste des «utiles », ceux qui rament dans le «bon sens » en courbant l’échine pour gratter de quoi remplir leur écuelle. Merci bien ! Je peux manger toute ma vie sans sortir de mes fourrés si j’y suis réduit. C’est pour ça que je suis venu m’installer ici, pour me créer un camp légitimement retranché. J’en ai marre de leur jeu de massacre. Ni envie de prendre des coups, ni d’en donner. Ca ne m’intéresse pas la bimbeloterie de leurs mâts de cocagne. Qu’on me foute la paix à tracer mes sillons, peinard, et à tarabuster mes souches ! Si ça les amuse les autres, les strass et les paillettes, les fontaines de champagne, les bolides qui se crachent à 200 à l’heure, la furie des cohues autour d’eux, les mendiants et les savants qui les servent, qu’ils continuent. Ca fait partie des pilules qui les consolent d’avoir à mourir un jour, chacun sa dope. Mais qu’ils laissent ceux, qui s’en foutent de ce cirque, vivre modestement et jouir autrement. Et qu’ils nous lâchent avec leur baratin. Les «lois économiques» ! Tout le monde le sait bien, c’est la plus redoutable des fausses religions, révélée par ceux qui tirent les marrons du feu, relayés par les compagnies du mensonge organisé qui lavent plus blanc la conscience du tiroir caisse. Qu’on arrête de nous présenter comme des demi-dieux des nababs prétentieux,. Ils devraient plutôt nous sembler grotesques, des obèses du fric puant la charogne de la misère et de la mort dont leur boursouflure se nourrit. Au mieux, on devrait en garder quelques-uns qu’on viendrait regarder se pavaner pour se rappeler que le ridicule a tué cette branche de la famille. L’homme libre doit mépriser ce fatras.

- Ouf ! Tu es radical !

- Radical ? Mais c’est ce que pensent les quatre cinquièmes de la planète. Et dans la culpabilité. On leur fait croire qu’ils sont exclus parce qu’ils se sont trompés de religion, alors que les grands prêtres du tout économique sont les vrais renégats.

- Je dois avouer que mon repli était motivé par une lassitude, un désir de mise à distance, toute petite, toute relative. J’avais le sentiment de me noyer, d’être sans cesse obligée d’agiter mon corps pour ne pas couler à pic. J’ai eu besoin de me satelliser pour regarder tout ça avec le bon recul. Illusion d’optique comme d’habitude. L’homme ne fait jamais que changer de focale. Toute vie n’a aucun sens, si ce n’est celui que nous voulons bien, jour après jour, lui accorder.

- Et alors ? As-tu l’impression d’avoir trouvé le lieu du sens pour toi ?

- Plutôt d’avoir tenu les rênes d’un chariot dont je continue d’ignorer la destination finale, si ceux qui tiennent les autres rênes ne les lâcheront pas, si je ne vais pas moi-même valdinguer dans le décor. La seule chose que j’essaie de faire, c’est de garder les yeux ouverts, le bras ferme et le réflexe frais, le plus longtemps possible. Mais je découvre la route au fur et à mesure.

- Et c’est bien ça qui est passionnant me dit Phil en me flattant tendrement l’omoplate.

Photos Retrouvailles à Sydney. ZL


mercredi 20 mai 2009

Les femmes sont au front.

Parce que le procès ubuesque qui est actuellement en cours à Rangoon remet en lumière le combat pour la liberté qu'une femme admirable mène depuis plus de vingt ans, j'ai eu envie de souligner que les héros de la résistance sont très souvent des héroïnes. J'en cite quelques unes ici mais elles sont emblématiques de beaucoup d'autres qui dans l'anonymat et à des niveaux plus modestes, avec opiniâtreté, refusent la soumission à la barbarie.



Aung San Suu Kyi, neuf prix nobel de la Paix réclament sa libération
On ne présente plus l'opposante à la junte militaire qui sévit en Birmanie. Fille du héros de l'indépendance birmane, assassiné peu avant la proclamation officielle en 1947, elle aurait dû devenir Premier Ministre en 1990 à la suite des élections qui avaient donné une majorité de 82% des suffrages à son parti "La ligue nationale pour la Démocratie. Assignée à résidence, elle subit actuellement un procès à huis clos qui s'est ouvert lundi 18 mai, dans une prison de Rangoun. Elle est jugée pour avoir laissé un ressortissant américain séjourner chez elle en violation des restrictions liées à son assignation à résidence. Elle encourt cinq ans de prison, ce qui l'exclurait du paysage politique pendant les élections controversées que la junte entend organiser en 2010. Sa période d'assignation à résidence expirait théoriquement le 27 mai. Les motifs et les conditions de la visite du ressortissant américain (il aurait nagé pendant deux heures alors qu'il est diabétique et en petite forme physique selon sa propre femme) sont extrêmement troubles et on ne peut que suspecter une machination pour entraver toute possibilité d'action de cette femme très populaire, qui n'a jamais abdiqué en dépit des conditions indignes qui lui sont faites par la junte.


.Vandana Shiva 2007 à Cologne


Vandana Shiva, fondatrice de la « Fondation de recherche pour la science, les technologies et les ressources naturelles » Navdanya, se bagarre pour préserver les savoir faire indigènes que la mondialisation menace de finir d'éradiquer après que le colonialisme anglais les a étouffés, marginalisés, criminalisés. Elle mène un combat pour le droit à la souveraineté alimentaire, l'accès universel à l'eau, la biodiversité et le contrôle paysan des semences. Elle est considérée comme une "écoféministe", terme désignant à la fois la défense du droit des femmes (en Inde on assassine encore les bébés féminins pour échapper à l'obligation de la dot ou on brule les brus pour renouveler le pactole avec une nouvelle épouse) et la sauvegarde du patrimoine naturel. Vandana Shiva fait œuvre gandhienne de conquête pour la dignité.




Une ministre de la culture qui démissionne pour retrouver sa liberté de parole, une femme qui est engagée dans la résistance altermondialiste, déploie des projets alternatifs d'économie et ose opposer au discours de Dakar un verbe fort et sans détour pour fustiger les propos humiliants et les mensonges qui continuent à propager une image distordue. Elle dénonce le viol de l'imaginaire perpétré de façon à continuer à entretenir les Africains dans une soumission aux paroles "d'experts"qui leur dictent leur conduite pour mieux masquer la spoliation d'un continent qui n'est pas pauvre mais au contraire riche et donc convoité et pillé.

Fichier:Taslima Nasrin.jpg

Taslima Nasreen fait l'objet de menaces de mort pour avoir dénoncé le sort fait aux femmes et aux minorités non islamistes dans son pays, le Bangla Desh, où sévit un islam intégriste. Sa tête est mise à prix et elle ne peut vivre dans son pays alors que toute son entreprise d'émancipation s'adresse en premier lieu aux femmes qui y subissent la ségrégation et les formes les plus arriérées d'inféodation.
Rigoberta Menchu se bagarrant pour la sauvegarde des peuples indigènes, la Kenyane Wangari Maathai, écologiste, prix Nobel 2004, menacée de mort pour son opposition au président kényan Mwai Kibaki, la liste est loin d'être exhaustive....
Courage les femmes !


mardi 19 mai 2009

Apocalypse végétale

la fprêt [web520]

L'énigme du dimanche (qui n'a pas mobilisé les foules!) trouve sa réponse ce jour. Le texte était extrait de Ruines-de-Rome paru en janvier 2002. Son auteur Pierre Senges né en 1968, publie chez Verticales (éditeur réputé à juste raison pour publier une littérature de recherche, des auteurs singuliers).

Un employé du cadastre, qu'une retraite sans flambeaux menace, met sa misanthropie ordinaire au service des plus noires prophéties: du jardinage considéré comme un des beaux-arts de l'Apocalypse. Feignant de cultiver son petit lopin de terre, ce paysan amateur et saboteur authentique couvre la ville de fleurs et d'arbrisseaux décoratifs. Et nul ne devine, derrière l'inoffensif passe-temps, un travail de sape qui dévaste les murs, soulève le goudron et fait retourner l'urbaine civilisation à ses friches premières. Semant sa mauvaise graine, il s'arme de patience et d'herbes folles. Il use du moindre prétexte végétal pour satisfaire ses cruautés drolatiques et laisser libre cours au chiendent de la rêverie, non sans nouer quelque idylle clandestine avec sa voisine de potager. Introduction de l'édition de poche Point Seuil 2004

Senges, je l'avais écouté au cours de Feuilles d'Automne, édition consacrée cette année à Lydie Salvayre qui l'avait invité à présenter son dernier livre. Il était passé à la question par Thierry Guichard du Matricule des anges. Entretien plein d'humour avec ce drôle de typequi avoue une passion d'encyclopédiste et se consacre à un métier de ciseleur de métaphores époustouflantes. Je reproduis la présentation de Guichard dans le MDA,n°092, avril 2008


Ébouriffant et drôle, le nouveau livre de Pierre Senges est à lui seul un festival de trouvailles littéraires.

Le nouveau livre de Pierre Senges est un mangeur de post-it. Chaque fois que vous tombez sur une phrase épatante, une métaphore juste et étonnante, une pensée roulée comme un mannequin dans un défilé de mode, vous annotez le livre ? Impossible ici, c'est un ouvrage déjà annoté que nous sert l'éditeur. Les annotations sont des aphorismes signés du grand maître allemand Georg Christoph Lichtenberg (1742-1799) dont la plupart sont si savoureux que vous voudrez aussi les noter. Alors le post-it s'impose. À raison d'un par page, ça fait vite beaucoup, CQFD.
Pierre Senges a imaginé ici qu'un certain Herman Sax, un siècle après la mort de Lichtenberg découvre que ses huit mille pensées sont en fait les fragments rescapés de la dispersion d'un seul et même roman.
Sa théorie est immédiatement reprise par une académie de tristes ratiocineurs suédois. Les Lichtenbergiens, bientôt, couvriront les membres de cette académie de leurs travaux, hypothèses, recherches. Il s'agit de prendre les fragments un à un et d'essayer de les assembler pour retrouver le corps du roman disparu. La tâche n'est pas aisée. Il convient, également, d'envisager toutes les causes possibles à l'éparpillement d'une oeuvre magistrale et là, les propositions ont de quoi provoquer le fou rire. Bien qu'une table des matières guide le lecteur, il reste difficile de résumer un tel livre. Pierre Senges s'en donne à coeur joie pour ressusciter les débats de l'époque et des époques suivantes, la naissance de sciences charlatanesques comme la physiognomonie inaugurée par un Lavater auquel son Lichtenberg adresse de savoureuses et rageuses missives. Il développe mille théories dont la plupart sont très romanesques, aborde une étude prolongée de l'hypocondrie, explore les milieux culturels d'Occident, pointe les éléments d'un art poétique fort séduisant. Surtout, il nous offre des propositions inédites, nous surprend prodigieusement, en une phrase ou en mille dans une symphonie de la langue : " imaginons un livre trouvé par hasard au sommet d'un arbre et lu sur la branche, ouvert d'une main, l'autre s'accrochant à une pomme ". Renversant, non ?

Fragments de Lichtenberg Verticales 633 p., 23,90 euros


Illustration : La Forêt Max Ernst

dimanche 17 mai 2009

Le vent des blogs 12. Enigmes à gogo.


Je ne sais qui en a lancé la vogue, le week-end, sur certains blogs c'est l'énigme. Peut-être à l'origine "les Papous dans la tête" l'émission de France Culture (dimanche 12H45-14h), culte pour certains : un texte est proposé et les éminents Papous doivent en deviner l'auteur."Les Papous dans la tête" réunissent des écrivains, des journalistes, des peintres et même une cantatrice. Leur empire s'arrête là où commence l'esprit de sérieux, car culture sans gaieté n'est qu'une ruine de l'âme. Dixit la fiche de présentation du Dictionnaire (ss dir Françoise Treussard, bien sûr)avec Eva Almassy, Jacques A. Bertrand, Patrick Besnier, François Caradec, Patrice Caumon, Jérôme Clément, Henri Cueco, Hélène Delavault, Patrice Delbourg, Lucas Fournier, Serge Joncour, Jacques Jouet, Hervé Le Tellier, Patrice Minet, Gérard Mordillat, Ricardo Mosner, Dominique Muller, Jean-Bernard Pouy, Jacques Vallet. Pour retrouver tous les rigolos qui jouent suivez le lien des liens.
Pour ma part j'en extraie Hervé Le Tellier dont le titre d'un des ouvrages m'enchante oulipiennement "Les amnésiques n'ont rien vécu d'inoubliable" (le Castor astral 1998). Les autres sont tous fort honorables. Découvrez Delbourg, Mordillat etc , si ce n'est déjà fait.

Sur ce concept j'ai pu répertorier au moins trois blogs qui pratiquent la religion de l'énigme. Il y en a sans doute beaucoup plus, mais il s'agit de ceux que j'ai croisés au fil de mes randonnées, relativement circonscrites (pas le temps de faire mieux).
Chantal Serrière, nous proposait cette semaine un texte d'Aminata Traore, haute et forte figure de l'altermondialisme, à partir d'un essai, l'Afrique humiliée. Ne jamais renoncer, tel est son viatique.
Paul Edel titillait ses habitués avec un texte de Gide. Evidemment si on visite à postériori, on n'a plus à concourir mais on peut toujours s'amuser des commentaires où les adeptes se chipotent sur les antériorités et les délicatesses du jeu qui consistent à ne pas dévoiler d'emblée (quand on est très fort et ils le sont) mais à glisser de fines allusions, indices pour les suivants et preuves pour l'antériorité dans la divination.
Chez les Libres, ils sont trois à se relayer pour animer le blog et singulièrement "l'énigme du samedi soir", laquelle comporte deux volets, accompagnés d'illustrations (généralement des peintures) dont il faut également découvrir les auteurs. Ce samedi Soded nous proposait une lettre d'Héloïse à Abélard, un tableau de Klimt (j'avais trouvé, même si venant trop tard, il était inutile de me manifester). En revanche le deuxième texte, aucune idée . L'amour de Petrarque pour Laure dans ses"Canzoniere". Eh oui, ça ne nous rajeunit pas.





Afin de renchérir sur cette excellente manie et exceptionnellement pour fêter un nouveau blog dans ma liste, en remplacement de celui dont on ne prononce pas le nom par crainte de ses particulièrement furieuses avanies, un extrait, dédié à Vinosse et à tous ceux qui fidèlement viennent s'enquérir des tribulations de ma caboche. Si vous trouvez, vous êtes très forts !

Tout bon pépiniériste doit savoir inséminer une fleur à l'aide de son propre pollen: un pollen à cueillir tôt le matin, quand la fleur est encore mâle, et à en saupoudrer son pistil, le soir, quand la fleur est devenue femelle (il s'agit donc d'espacer les visites, savoir jouer habilement de la répétition et de l'alternance); la réussite des opérations repose sur la précision des rendez- vous et sur la fidélité, bien qu'en·apparence passer d'un mâle à une femelle suppose la plus extrême des inconstances.



Spéciale dédicace donc à Vinosse, La Feuille charbinoise et Cactus pour leur amitié plantureuse.
Cactus était déjà au tableau d'honneur sur le dernier VDB mais cette semaine il cancanne de Cannes alors c'est la pointe extrème de l'actu.

A demain pour la solution. A moins que, chers intervenautes, vous n'ayez élucidé le mystère avant que je ne vous livre en pâture (excellente) l'écrivain qui a commis ces conseils étranges.

vendredi 15 mai 2009

Admirable tremblement du temps.

En hommage amical à Henri Zerdoun, en lui souhaitant de retrouver rapidement sa belle santé

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"Et bien sûr, il n'y a pas plus d'éternité qu'il n'y a de présent ponctuel. L'éternité est stabilisation de l'instant ou récurrence de l'instant dans le temps; et le présent est toujours saisi dans sa double marge, son double mouvement d'ailes du passé et de l'avenir : dire que je vois cette fleur, c'est dire que je me souviens d'elle et que je ne la vois plus. Mais si aucune parole ne saisit le présent, il y a une parole qui le poursuit, cherche la tangence. Et si les mots de l'éternité viennent du temps encore, ils s'efforcent d'échapper au temps du présent. Il y a un art qui vise le temps, un art qui cherche à l'exclure. "

Gaëtan Picon Admirable tremblement du temps, Les sentiers de la création, Skira, Genève, 1970


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"Car l'humanité ne veut pas se donner la peine de vivre, d'entrer dans ce coudoiement naturel des forces qui composent la réalité, afin d'en tirer un corps qu'aucune tempête ne pourra plus entamer. Elle a toujours mieux aimé se contenter tout simplement d'exister.
Quant à la vie, c'est dans le génie de l'artiste qu'elle a l'habitude d'aller la chercher."

Antonin Arthaud, Van Gogh, le suicidé de la société, K éditeur, Paris, 1947

Photos Henri Zerdoun, Des marches Intimes


mercredi 13 mai 2009

Qui connaît ce sujet

Cet arbre est une merveille, lorsque ses premières feuilles irradient une lumière d'or pur. Hélas cela ne dure pas. En partant ce matin, je m'étais promis de la capturer dans l'oeil électronique ce soir. Hélas je ne l'ai pas saisi au plus fort de son éclat, il tourne déjà au vert.

J'ai totalement oublié son nom et ne parvient pas à le retrouver. Sauriez vous m'aider o' vous qui habitez des espaces que vous avez colonisés grâce à l'implantation de sujets fidèles et constants, tels que lui qui chaque printemps déploie sa parure éblouissante. Merci d'avance.

mardi 12 mai 2009

Petit conte de la vie ordinaire. De l'impassible et de l'éructaction





Petit conte de la vie ordinaire.
J'étais en ma vingtième année et la muse d'un peintre plus agé de dix ans, qui m'apprenait la vie : rire et observer, tout en fréquentant des lieux de frayages abondamment peuplés à cette miraculeuse époque de semblables aussi jeunes et écervelés que je l'étais moi-même. Une charmante, un jour de mai nous invite à nous joindre à une fête, par elle organisée, quelque part dans la campagne riante et fleurie très au-delà des ceintures de la capitale. Une fête à la campagne en mai, ça ne se refuse pas, ne serait-ce que pour renouveler la qualité de l'inspiration. Rendus sur place grâce à je ne sais quelles tractations, nous honorons le buffet, dansons sur la pointe des pieds et finissons par nous ennuyer et décider d'allumer un feu (la nuit est fraîche) et de nous poster sous les étoiles pour deviser et échanger ce qui circule (paroles et autres drogues bénignes).
Un type passablement amochée de biture décide de s'en prendre aux "écroulés" et entreprend de les réveiller en bramant et en aspergeant les assis d'une eau dispersée de sa main en gouttelettes jetées au visage, en passant. Notre amie danoise (oui, la même pour les habitués, de passage en France), profondément choquée par le procédé, d'autant que l'impétrant a mis les pieds dans le plat au sens propre renversant nos réserves de victuailles, redresse les récipients en insultant le crétin en anglais. Mon ami la soutient d'un "Good, very good !". L'imbécile, humilié de la réaction très méprisante d'une femme qu'il ne peut décemment bastonner se retourne vers le mec qui s'est manifesté et lui dit "Tu me prends pour un idiot, tu crois que je ne comprend pas ? Je vais revenir et tu auras intérêt à la fermer". Il s'éloigne. La poignée de paisibles installés le cul dans l'herbe, commente en se marrant et croit l'incident clos.
Point du tout. L'absurde fait son retour, muni d'un seau d'eau puisé au puits, s'approche de mon compagnon et le lui renverse intégralement sur le corps. Mon héros retire sa veste, la tend vers le feu en lorgant l'imbécile au rictus haineux et lui rétorque "Ca va , tu es content ?". Hystérie absolue ! Il se met à hurler dans les aigus que non, qu'il ne devait rien dire, qu'il allait revenir avec un nouveau seau, qu'il le verserait pareillement et que cette fois il exigeait une acceptation absolue, signifiée par un silence de soumission.
La plaisanterie a assez duré. On le ceinture (ses propres comparses), on l'éloigne de force et pour ce qui nous concerne, nous continuons sous les étoiles.
Le bilan se solde de la façon suivante : une bagarre entre tarés imbibés à outrance, une jeune femme désespérée des dégâts commis par les brutes, un groupe de contemplateurs d'étoiles rejoint au fur et à mesure par l'ensemble des invités hormis les acharnés de la castagne, lesquels finissent par prendre la route et débarrasser les lieux mais ratent un mauvais virage et s'emplatent dans un mur, deux morts.
Cet évènement fut initiatique et il me revient en mémoire chaque fois que colère et demesure s'affichent sous mes yeux. J'ai gardé mon admiration à cet homme qui d'un air détaché et le sourire ironique aux lèvres suspendit au dessus du feu sa veste inondée et se refusa de sauter à la gorge de son agresseur au risque d'entacher une soirée d'amitié et de libations.