lundi 1 décembre 2008
La feuille d'automne emportée par le vent
Week end à Montauban. Cette année, Lettres d'automne a donné carte blanche à Lydie Salvayre. Je ne peux manquer ce rendez-vous. C'est que je l'aime Lydie. Bien-sûr, je suis toujours un peu déçue. Elle m'accueille avec gentillesse mais très vite deux puis trois puis beaucoup d'autres s'agglutinent et bien-sûr elle leur répond et le charmant tête-à-tête que j'espère toujours un peu, sans grande illusion certes, et pourtant un réel espoir, ne prend jamais place. Et j'hésite entre la crainte d'être inopportune et le désir d'appartenir à son premier cercle. Je ne pratique cette forme d'insistance avec nul autre. Je ne cours jamais les signatures et ne cherche à m'approcher d'aucune célébrité, la célébrité n'étant pas le motif. Lydie c'est différent. J'aurais d'ailleurs bien préféré l'approcher d'autre façon, la connaître depuis l'école ou l'avoir rencontrée au cours d'une aventure insolite ou être sa voisine. Parce que si c'est l'écrivain qui m'a séduite, c'est sa personne que j'ai d'emblée reconnue comme une frangine et que j'ai cherché à approcher davantage. Pour elle j'appartiens sans doute au nombre de ses fidèles lectrices qui se trouvent au rendez-vous des signatures, avec qui elle a prolongé un peu l'échange, au delà du raisonnable pense-t-elle peut-être. Il faut se protéger de ces adiposités d'âmes excessives, portées à l'idolâtrie, trop promptes à vous demander en mariage d'amitié.
Quelques belles émotions pendant ces deux journées.
L'échange farci d'humour entre Pierre Senges , "l'encyclopédiste fictionnel" et Thierry Guichard , le passionné directeur du Matricule des anges.
Denise Epstein, tendrement sollicité par Lydie, nous décrivant en détail l'histoire d'une vie brisée par l'Histoire et la chiennerie immonde de la Shoah, résistant vaillamment (la force de vie vous habite en dépit des coups mortels qui vous sont portés) à la disparition de toute sa famille, sa mère Irène Nemirovsky disparue la première suivie du père, des oncles, des tantes. Denise, fillette choyée et surprotégée n'a que 13 ans et sa soeur cinq. La traque des fillettes, les justes et les moins justes qui ont assuré la survie et l'éducation des orphelines. L'espoir sans cesse déçu, mais qui ne veut pas s'éteindre, de retrouver les siens après l'ouverture des camps. L'horreur et la douleur d'imaginer les souffrances endurées. Les phobies, traces des traumas infligés. Le choix de donner la vie , malgré tout, pour refaire racine, pour démentir l'éradication. Un parcours d'employée, militante modeste et anonyme, une vie simple et debout, qui bascule quand le roman inachevé de sa mère dont elle avait préservé le manuscrit , exhumé après soixante ans de confinement dans la valise que lui avait confié son père, recopié au prix de deux ans d'efforts et d'épisodes douloureux, est édité par Denoël, reçoit le prix Renaudot à titre posthume et entame un périple autour du monde et Denise dans le même temps. A 75 ans Denise se trouve propulsée sur des estrades, est accueillie dans les palaces, se voir même dotée d'un "escort boy" à New York. "Rien n'est jamais joué, dit Lydie, jusqu'au bout le miracle peut surgir, c'est cela que tu nous transmets" . Oui et Denise s'emploie désormais à transmettre, enfin sereine.
Didier Sandre me donnant à redécouvrir le texte de la Méthode Mila, et particulièrement les apostrophes à Monsieur Descartes qui nous a obscurci l'entendement avec son Discours d'où le corps est expurgé, oblitération détestable qui invalide tout. Lumineux Didier Sandre, économe et prodigue, élégant jusque dans l'usage des insanités dont Lydie aime émailler sa langue par ailleurs précieuse et érudite. Prodigieux. Lydie très émue aurait souhaité échapper au commentaire qui devait suivre et que je n'ai pu écouter, je reprenais la route, mais en avais-je bien envie.
Voilà donc un petit morceau d'anthologie ajouté à nos précédents partages. J'ai glané son dernier opus intitulé "Petit traité d'éducation lubrique". Je ne saurais trop le conseiller à tous ceux qui ont la chair triste et plus encore à ceux qui n'aiment rien tant que s'esclaffer.
vendredi 28 novembre 2008
Risquer ma "Voisine" ?
"Rares sont les très belles femmes qui vivent comme si elles ne l’étaient pas, dans l’insouciance parfaite de cette beauté, exerçant des professions et se livrant à des activités où cette beauté n’est aucunement engagée. Ignorerait-elle, celle-là, à quel point elle est belle ? se demande-t-on. Est-il possible qu’on ne le lui ait jamais fait remarquer ? Qu’elle n’ait pas perçu que le monde s’ouvrait inexplicablement devant elle ? Femmes peu intéressées par les soins de toilette, que cela ennuierait de mettre en scène à tout moment leur magnifique personne, mues par de plus impérieuses vocations, des rêves qui les portent au-dehors d’elles, et dont la beauté négligée est, de ce fait aussi, absolument bouleversante."
Mon très cher Eric Chevillard ! C'est justement le propos de ce livre "la voisine " que je n'ai pas su risquer auprès d'un éditeur quelconque. Ma voisine est une femme dont chacun s'amourache à sa façon et qui n'éprouve elle-même aucun souci de soi, déteste paraître et s'apprêter, fuit la foule et ne trouve compagnie agréable qu'auprès de personnages de fiction. Ses seuls bonheurs : la lecture et la couleur dont elle enduit des cansons pour y voir surgir d'improbables trognes de ses propres limbes. Devrais-je risquer ma "Voisine" sous les projecteurs ou la laisser dans l'incognito de son manuscrit ?
mercredi 26 novembre 2008
Cette poésie d'Aragon est mon actualité du jour
(...)
L'avenir de l'homme est la femme
Elle est la couleur de son âme
Elle est sa rumeur et son bruit
Et sans elle il n'est qu'un blasphème
Il n'est qu'un noyau sans le fruit
Sa bouche souffle un vent sauvage
Sa vie appartient aux ravages
Et sa propre main le détruit
Je vous dit que l'homme est né pour
la femme et né pour l'amour
Tout du monde ancien va changer
D'abord la vie et puis la mort
Et toutes choses partagées
Le pain blanc les baisers qui saignent
On verra le couple et son règne
Neiger comme les orangers.
(...)
Aragon,
Zadjal de l'avenir.
Le Fou d'Elsa
mardi 25 novembre 2008
les harpies et les matadors
Comment ne pas comprendre que Ségolène accepte mal une défaite, résultat d'un agglomérat de circonstance entre les vieux caciques et les jeunes loups, sur un slogan parfaitement inamical (TSS), défaite qui semble de surcroît légèrement maquillée. Martine, nonobstant ses qualités et son potentiel n'a réussi à démettre son adversaire que grâce au mariage des carpes, des lapins, des sangliers et des perroquets prêts à s'arranger joyeusement de leur propre cacophonie pourvu qu'on parvienne à couper le sifflet à la ravie de la crèche, la madone des médias .
Si j'étais socialiste, j'aurais eu du mal à voter. Heureusement, je ne suis d'aucun parti si ce n'est celui d'en rire.
lundi 24 novembre 2008
Fossoyeurs
Anniversaire de Claude Levi Strauss. Cent ans ! Et quelle lucidité ! Avoir compris en découvrant les "sauvages" que les vrais barbares étaient ceux qui partirent à la conquête du monde, forts de l'illusion qu'ils pouvaient en devenir les maîtres quand ils auront été les pires fossoyeurs de sa richesse et de sa beauté.
dimanche 23 novembre 2008
Attac et l'économie solidaire
Les conséquences catastrophiques d'un comportement économique erratique génèrent parmi nos éminents responsables politiques un discours soudaine ment gorgé de moraline, fustigeant l'inconséquence des prédateurs dans leurs excès d'avidité. La régulation et ses bienfaits sont (re)découverts après avoir été stigmatisés comme traces archaïques de la « malheureuse expérience communiste ». L'heure serait à l'invention d'une nouvelle économie. Qu'on ne s'y trompe pas, ces gesticulations ne s'accompagnent pas pour autant d'une remise en cause radicale des principes du capitalisme financier, (recapitalisé à grands frais grâce à l'habituelle tonte des masses moutonnières) il ne s'agit au mieux que d'un «nouveau Bretton Woods», qui aurait pour mission de remettre de la régulation alors que la sortie du dollar, en 1973, du système mis en place à la fin de la guerre a entraîné le «flottement» des cours des changes et la disparition du contrôle sur les agissements des banques. Il existe des alternatives à cette économie décollée des fondements politiques et humains nécessaires à toute gestion du vivant et de la cité. On nomme communément «économie solidaire» les formes d'activité qui essaient une autre formule d'articulation entre les divers ingrédients de la production de biens et de service (finance, matériaux, travail, échanges). Trop commodément confinée aux marges de l'économie telles que les services à la personne, l'insertion par l'activité économique) l'économie solidaire est un espace de recherche et d'expérimentation où se sont développées les alternatives à l'obsolescence, la nocivité, le gaspillage, constitutif d'une partie importante des productions de l'économie dite moderne.
Réagir face aux exactions d'une économie malade de la peste, c'est s'interroger sur la pertinence des fondamentaux et participer à l'élaboration d'un autre parti pris économique. C'est en tout cas, au sein d'un mouvement d'éducation populaire tel qu'Attac, une dimension fondamentale qui est encore peu développée et qu'il serait urgent d'approfondir.
Contagion
Un exemple mais quel ! Saine émulation certes, se méfier cependant du découragement que le talent des autres instille à nos propres velléités.
Le blog, un exercice que je m'impose pour combattre mon actuelle mise en veille de mes pulsions de vaine écritureuse.