« L’histoire des hommes est la longue          succession des synonymes d’un même vocable. Y contredire est          un devoir » René Char.
C'est par ces mots que Patrick Boucheron a conclu  jeudi 9 août au Banquet du Livre de Lagrasse, son rendez-vous -très suivi- de 12h30 des 
Conversations sur l'histoire. Il parlait ce jour là du cloitre, et plus généralement des lieux  où on se "retrouve" comme se retrouvaient les lettrés et les religieux  dans la familiarité des cloitres. Voyager dit-il c'est devenir soi-même l'étrange et s'obliger à une perte de repère qui permet de réellement découvrir les lieux alors que la plupart du temps nous venons reconnaître ce que nous en savons. Qui peut se vanter de découvrir Venise ou Rome ou les Pyramides d'un "œil neuf".
C'était bien cette familiarité avec le lieu, l'Abbaye et ses fidèles qui chaque année se rendent à ce rendez-vous d'août que j'étais venue "retrouver". L'an dernier j'étais à Fribourg à la même époque. L'année précédente (2010)le Banquet s'était déroulé sans Bob (
Gérard Bobillier) mais en présence de ses vieux complices (Michon, Rolin, Macé, Quignard, Mesguich et Milner). Tous lui avaient rendu un vibrant hommage. Les habitués avaient tous suspecté un changement de cap après sa disparition..
L'édition 2008 avait été éblouissante, avec la projection des films du cinéaste arménien 
Artavazd Pelechian (
Nous, Les saisons, Notre siècle) et en ouverture un concert somptueux du 
Troubadours Caravan. Il est vrai qu'on s'interrogeait
 "Le monde existe-t-il ?Cette année,le thème n'était pas moins fort : 
"Ombre et lumière de la solitude". Pourtant, est-ce parce que je n'y suis allée que trois jours, je n'ai pas "retrouvé" l'atmosphère si particulière de ferveur dans le partage d'instants de magie poétique et spirituelle.
Beaucoup de philosophie universitaire, un peu trop désincarnée à mon goût, même si nous avions affaire à de la pensée de haut vol. Un rajeunissement certain des intervenants à qui il manque peut-être la patine d'un voyage temporel plus long.

Gwenaëlle AubryLa commission de sécurité a imposé que les conférences se tiennent sous un barnum (qui défigure la vue sur l'abbaye). Il est vrai que le cloitre devenait trop exigu et que son sol, très accidenté accueille mal les 
sièges en plastique solidarisés qui sont préconisés.
Pas d'intermède musical entre les conférences, deux musiciennes nous régalaient Joëlle Cousin (violon) et Laurence Disse (piano), elles ne sont plus de la fête.
Lassitude aussi d'un rituel. Je ne sais. Boucheron est certes brillant, drôle, clair et profond.  La demi-heure en sa compagnie est du plaisir pur, ces moments trop rares où l'intelligence de l'orateur déplie en nous les ressources cachées d'une intuition qui attendait de se déployer.
Après ? Il faisait chaud !
L'Orbieu m'a aidé à supporter la canicule et les retrouvailles avec les amis ont compensé l'absence de figures majeures (à mes yeux).

Le soir, je prenais la route vers Carcassonne où m'accueillaient des amis. Le matin, en ouvrant la porte-fenêtre,  j'avais  le plaisir des couleurs fraiches et du bel ordonnancement de ce petit jardin.



Je savourais un instant de  solitude, avant de repartir à la rencontre de mes semblables.

Photos ZL, août 2012.