samedi 26 avril 2014
La chasse est ouverte
Reçu aujourd'hui par mail un lien vers un site où est présentée la situation d'un petit môme et de sa famille (Malgaches) menacés d'expulsion. Des parents et des enseignants se mobilisent. La pétition et la mobilisation aboutissent : le Préfet accepte de revoir la décision : l'expulsion est suspendue, la peur s'éloigne, elle ne disparait pas.
Dans la même veine, on apprend que le nouveau maire UMP de Toulouse, considérant que son prédécesseur (PS) était par trop laxiste, intime l'ordre aux officiers de l'état civil de dénoncer tout soupçon d'irrégularité dans l'état civil de futurs mariés (mariage blanc ou gris, sic)
Pas à dire, on vit une époque formidable !
vendredi 18 avril 2014
Consolata
On a beaucoup parlé du Rwanda ces derniers temps pour le sombre anniversaire du génocide des Tutsis. J'ai alors pensé à Consolata. Je l'avais connue en 1982 pendant mon passage à Kigali. Hébergée par un ami français attaché culturel à l'Ambassade de France, j'avais fait la connaissance de Consolata, une jeune Tutsi d'une grande beauté et d'une belle gaieté. De retour en France j'avais lu dans la presse que la femme du Président Juvénal Habyarimana, Agathe, avait décidé de faire arrêter et déporter dans des camps les femmes tutsis qui avaient eu des "relations coupables" avec des Occidentaux. Consolata en faisait partie. L'ami français, revenu entre temps en France s'est démené pour la tirer de cette mauvaise passe en repartant à Kigali et en l'épousant à l'ambassade de France. Mariage à l'insu de sa famille (il est juif d'une famille très intégriste) et mariage aussitôt suivi d'une séparation. Ils n'avaient ni l'un ni l'autre l'intention de vivre ensemble, même s'ils sont restés les meilleurs amis du monde.
Consolata a mis un peu de temps à s'acclimater à Paris (elle détestait les escaliers roulants par exemple), mais comme elle était intelligente et possédait un excellent niveau de langue, elle a trouvé du travail et s'est mise à apprendre ... l'accordéon. Nous nous voyions de temps à autre à cette époque là, période heureuse.
En 1994, cela faisait plus de 10 ans qu'elle vivait en France. En mai, j'avais convié mes amis à une fête pour mon départ (déménagement de toute la famille, bye bye la capitale). J'avais invité Consolata, mais elle ne vint pas. Quand je l'appelai au téléphone, une personne me dit en chuchotant que Consolata venait d'apprendre le massacre de sa famille et qu'elle était effondrée.
Sa sœur avait échappé aux tueurs et se trouvait au Zaïre. Consolata s'est débrouillée pour lui faire parvenir un ticket d'avion à partir de Bujumbura au Burundi. Sur la route qui la menait de Bukavu au Zaîre à l'aéroport de Bujumbura, sa sœur a trouvé la mort dans un accident de voiture.
Par la suite Consolata est retournée au Rwanda au prix de gros risques pour tenter de comprendre ce qui était arrivé. Elle a ainsi appris que son plus jeune frère, né de père hutu avait été sauvé in extrémis et se trouvait quelque part au Zaïre. Cette fois encore, elle a réussi à le retrouver, à le faire venir en France et à l'inscrire dans un lycée. Hélas, ce jeune homme était devenu inapte à la vie civile. Sans la prévenir, il a fugué pour aller s'engager dans la Légion.
Consolata avait suivi entre-temps un cursus de logisticienne et travaillé pour certaines ONG. Son premier poste a été en Arménie et ses lettres décrivaient les affres dont elles souffrait, peu habituée au froid glacial qui régnait sous ces latitudes.
Elle partit au Tchad, au Congo. Un jour elle m'annonça qu'elle était de retour en France. Je la revis, toujours aussi calme et rayonnante en dépit de tous ces deuils. Elle allait avoir un enfant. Elle était heureuse. Les dernières nouvelles ont été pour m'apprendre que le père de l'enfant avait décidé de renoncer à sa paternité au profit de sa liberté. Qu'importe, Consolata avec sa douce gaieté me dit que l'essentiel était son fils, sa seule famille.
Elle est repartie pour le Botswana et je n'ai plus de nouvelles. J'espère qu'elle aura pu revenir au Rwanda. Je crois qu'elle souhaitait participer à la reconstruction de son pays, le plus peuplé d'Afrique, le pays aux mille collines épargné naturellement des fléaux ordinaires de l'Afrique (pas de moustiques, une température relativement douce, une terre généreuse). Il devrait pouvoir se relever de ce drame épouvantable. Il compte le taux le plus élevé d'Afrique de femmes impliquées dans le gouvernement. On peut espérer qu'ainsi le niveau de fécondité s'abaisse (la surpopulation est un des problèmes de ce petit pays) et comme la corruption (plaie des pays africains) a été maitrisée, que le taux d'alphabétisation est en constante progression, le Rwanda pourrait devenir un des pays d'Afrique où la démocratie et la justice sociale seront des modèles pour les générations futures.
mercredi 2 avril 2014
Contraste
La Tour 2 mars 2014*
La Tour 2 mars 2014
Ajouter ceci
Le fou, l’amoureux et le poète
Les amoureux et les fous ont des cerveaux bouillants,
Des fantaisies visionnaires, qui conçoivent
Plus de choses que la froide raison n’en perçoit.
Le fou, l’amoureux, et le poète
Sont d’imagination tout entiers pétris :
L’un voit plus de démons que le vaste enfer n’en peut contenir ;
C’est le fou. L’amoureux, tout aussi exalté,
Voit la beauté d’Hélène au front d’une Égyptienne.
L’œil du poète, roulant dans un parfait délire,
Va du ciel à la terre, et de la terre au ciel.
Et quand l’imagination accouche
Les formes de choses inconnues, la plume du poète
En dessine les contours, et donne à ce qui n’est qu’un rien dans l’air
Une demeure précise, et un nom.
Tels sont les tours d’une imagination puissante,
Il lui suffit de concevoir une joie,
Pour percevoir le messager de cette joie.
Et, la nuit, si l’on se forge une peur,
Comme il est facile de prendre un buisson pour un ours !
William Shakespeare, Le Songe d’une nuit d’été, Acte V
mardi 18 mars 2014
L'éclair au front.
Victor Brauner « Le Carreau », manuscrit autographe de René Char peint à la gouache et à l’aquarelle. Signé par l’auteur et dédicacé par le peintre à sa femme (mai 1950). Image tirée de « Victor Brauner », Centre Pompidou (janv.1996) |
"Le fascisme ne fait que recouvrir ce que "la gauche" et ses intellectuels d'outre gauche lui ont permis d'occuper, dans les plus imbéciles des malentendus. les positions dans le vide et l'invivable mènent à cela."
René Char écrit ces mots d'une lucidité imparable alors que De Gaulle organise par son référendum de 1958 "le suicide de la IV ème République". Char soupçonne De Gaulle qu'il tient en très piètre estime (il l'a rencontré en Afrique du Nord alors qu'il était mandaté pour conduire les troupes françaises dans leur débarquement au Sud de la France) d'installer un franquisme à la française.
J'ai trouvé en me promenant sur les quais, lors de mon dernier passage à Paris la biographie que Laurent Greilsamer a publié en 2004 chez Fayard. On connaît ici ma prédilection pour la poésie de Char qu'on dit hermétique alors qu'elle est un concentré d'éclats somptueux d'intuitives harmonies du langage qui fouillent au plus profond de l'humain.
Quant à sa vie - qu'il refusait qu'on mette en pages de son vivant- c'est une extraordinaire épopée de la recherche obstinée de la liberté et de la vérité. Char c'est aussi un ogre, amoureux de la vie, des femmes dont il disait qu'on ne les séduisait pas mais qu'on butait contre elles.
Char c'est un ami fidèle mais qui ne pardonne aucun compromis avec la médiocrité. Il classe les humains en trois catégories "les gentils, les merdeux et les génies". Il aura fréquenté les artistes du mouvement surréaliste mais leur tiendra rigueur (surtout à Aragon) de leur mutisme sur les exactions staliniennes. On le connaît sous le nom d'Alexandre comme chef aimé et admiré de la résistance de la région d'Avignon. Cependant, à la fin de la guerre il n'éprouvera que mépris pour les ralliés de dernière heure et leur zèle à châtier les collaborateurs. Il a refusé de participer à "l'épuration". Il sera marqué toute sa vie par ces années où il a dû ordonner voire infliger lui même la mort à ceux qui menaçaient le réseau des maquisards. Lui qui respectait tout ce qui vivait, les oiseaux, les écureuils , les chiens et surtout deux animaux emblématiques le loup et le serpent.
Char c'est courage, fermeté, dignité et la poésie comme oriflamme.
La biographie est ici un exercice d'admiration mais sans dithyrambe, une trame habile tissée de ses œuvres, de ses amitiés et de ses amours.
Camus a tenu une place essentielle dans la vie de Char. Il était "son frère", un être "absolument bon", dont il a dû organiser les funérailles alors qu'ils venaient de passer quelques jours ensemble à Lourmarin avant que la Facel Véga de Gallimard ne quitte la route à Villeblevin le 4 janvier 1960. Camus meurt sur le coup, Michel Gallimard cinq jours plus tard.
Il était l'ami de génies comme Picasso, Giacometti ou Brauner, mais il aimait fréquenter les anonymes, les hommes de la terre, de cette terre des eaux de la Sorgue, et partager avec eux dans le silence la jouissance de la lumière et des parfums d'un pays qu'il aime profondément.
Mais il sait déjà que ces paysages sont menacés par l'appétit du gain des grandes compagnies ou par les projets absurdes de l'Etat comme l'installation d'ogives nucléaires sur le plateau d'Albion contre lequel il se battra en mobilisant tous ceux qu'il connait, (et son carnet d'adresses est prodigieux) en vain. La base sera inaugurée en 1968 et démantelée en 1996.
Il n'aura pas le bonheur amer de s'en féliciter en même temps que de constater l’imbécillité d'un tel gâchis. Il meurt le 19 février 1988.
"La mort n'est qu'un sommeil entier et pur"
mercredi 5 mars 2014
vendredi 28 février 2014
jeudi 13 février 2014
Zoë, le retour.
Le blog avait reculé en arrière plan ces jours-ci. En quelques jours, je me suis déplacée plusieurs fois dont trois fois à Paris. Par ailleurs, je suis dans un vrai chantier affectif et spatial dont je ne dirai rien de plus mais qui m'a occupée en permanence et devrait me mobiliser encore beaucoup.
Alors qu'ai-je fait de racontable ?
J'ai eu le plaisir de passer quelques jours à Paris en compagnie de l'amie avec qui j'ai arpenté les rues de la capitale du temps de notre belle jeunesse et c'était la première fois que cela nous était possible. Nous nous rencontrons dans nos campagnes respectives mais pas sur les traces de notre ancienne vie parisienne. Pas de nostalgie, du plaisir à savourer ensemble quelques heures de baguenaudes. Le temps qui menaçait la veille nous a fait la grâce du soleil.
Nous sommes allées voir l'exposition de la Halle Saint Pierre.
Alors qu'ai-je fait de racontable ?
J'ai eu le plaisir de passer quelques jours à Paris en compagnie de l'amie avec qui j'ai arpenté les rues de la capitale du temps de notre belle jeunesse et c'était la première fois que cela nous était possible. Nous nous rencontrons dans nos campagnes respectives mais pas sur les traces de notre ancienne vie parisienne. Pas de nostalgie, du plaisir à savourer ensemble quelques heures de baguenaudes. Le temps qui menaçait la veille nous a fait la grâce du soleil.
Nous sommes allées voir l'exposition de la Halle Saint Pierre.
C'est la troisième fois que je visite ce temple de l'Art brut. A chaque fois des découvertes et surtout cette impression forte d'artistes qui ne prétendent pas en être mais consacrent leur temps de façon absolue à leur recherche. La majorité des œuvres présentes sont le fruit d'existences bannies. La plupart des artisans de ces toiles ou de ces objets baroques hantés par des obsessions, des hallucinations, des obstinations ont passé leur vie en asile. Certains ont entrepris des études d'art mais ont été rejetés par l'institution. Ils ont en commun des itinéraires de vie chaotiques (orphelinats, maltraitance, ruptures diverses), une spiritualité gouvernée par des forces occultes. Et pourtant la couleur et l'exubérance prédominent.
Aloïse Corbaz, Vénus Coquille.
La minutie des réalisations également. C'est un art généreux d'autant plus riche qu'il ne prétend pas à la postérité. Au contraire, il a été le plus souvent conçu dans des lieux modestes, à l'écart du monde voire dans un atelier attaché à un établissement psychiatrique. Certains comme Adolf Wölfli y ont passé la majeure partie de leur vie. Pour les rencontrer, aller à la Halle Saint Pierre qui offre une restauration agréable et une belle librairie consacrée à l'art et à l'Art brut bien-sûr
Nek Chand, Rock Garden. India
Alphabet, Dalton Ghetti, série de mines de crayons sculptées. Collection de l’artiste
Vous pouvez retrouver les figures majeures de l'Art brut, cet art mis en lumière par un psychiatre Hans Prinzhorn et que Dubuffet a relayé avec enthousiasme sur ce site.
Quoi d'autre ? Vu quelques films qui m'ont enchantée et que je vous recommande. Je n'en ferai pas le commentaire mais vous trouverez toutes les infos sur vos sites préférés et si vous n'en avez pas je vous livre les liens.
Je le conseille à toute femme dont la vie s'est ternie et s'est dissolue dans la grisaille d'un quotidien sans tendresse et sans poésie. Merveilleux interprètes : Karin Viard, Bouli Lanners, Claude Gensac (la biche de Louis de Funès dans beaucoup de ses films ). Ça requinque.
Un thème qui pouvait être un tire-larmes, traité avec sobriété, humour et gravité, cette horreur que peut être l'arrachement d'un enfant à sa mère (merci les nonnes!). Judy Dench, Steve Coogan, un duo improbable que Frears filme avec délicatesse.
Un pur délice. Deux solitudes qui se prennent à se désirer avec comme lien de savoureux petits plats délivrés par erreur. Par de petites lettres échangées dans cette lunchbox qui a dérivé de son cours, peu à peu s'engage un dialogue intime. Une visite de Bombay entre hyper modernité et services désuets, surpopulation et moderne solitude. Une merveille, bourrée de notations subtiles, qui ouvre l'horizon aux femmes délaissées. Le film avait obtenu le prix de la semaine de la critique à Cannes. Plus que mérité.
Mandela Un long chemin vers la liberté, Justin Chadwick
L'exercice était périlleux. Mandela est une icône, son visage, sa voix sont très connus, il est encore vif dans les mémoires. J'avais vu le documentaire qu'Arte lui avait consacré. Eh bien j'ai été totalement séduite par l'interprétation d'Idris Elba des faits (connus) tirés de son autobiographie d'un Madiba tout en nuances qu'il incarne de ses jeunes années d'avocat pugnace et séducteur à sa sortie triomphale de prison. Naomie Harris / Winnie nous donne à sentir comment les humiliations transforment une jeune femme aimante et enjouée en une guerrière haineuse, impitoyable à l'égard des Blancs mais aussi des Noirs traites à la cause. Une leçon d'histoire et d'humanité.
En résonance au combat de Mandela, une bonne nouvelle : Ousman Sow à l'Académie des Beaux Arts.
Quoi d'autre ? Hélas, l'actualité c'est aussi ça et ça et bien d'autres tristes régressions de tout poil. Mais j'avais envie de légèreté pour ce retour en blogosphère.
Et je terminerai sur cette photo d'une sculpture qui se trouve à Beaubourg (où je suis allée musarder) dans la partie du Musée dédiée aux œuvres les plus récentes. Elle m'a amusée. Elle aurait pu se trouver à la Halle Saint Pierre, non ?
L'exercice était périlleux. Mandela est une icône, son visage, sa voix sont très connus, il est encore vif dans les mémoires. J'avais vu le documentaire qu'Arte lui avait consacré. Eh bien j'ai été totalement séduite par l'interprétation d'Idris Elba des faits (connus) tirés de son autobiographie d'un Madiba tout en nuances qu'il incarne de ses jeunes années d'avocat pugnace et séducteur à sa sortie triomphale de prison. Naomie Harris / Winnie nous donne à sentir comment les humiliations transforment une jeune femme aimante et enjouée en une guerrière haineuse, impitoyable à l'égard des Blancs mais aussi des Noirs traites à la cause. Une leçon d'histoire et d'humanité.
En résonance au combat de Mandela, une bonne nouvelle : Ousman Sow à l'Académie des Beaux Arts.
Quoi d'autre ? Hélas, l'actualité c'est aussi ça et ça et bien d'autres tristes régressions de tout poil. Mais j'avais envie de légèreté pour ce retour en blogosphère.
Et je terminerai sur cette photo d'une sculpture qui se trouve à Beaubourg (où je suis allée musarder) dans la partie du Musée dédiée aux œuvres les plus récentes. Elle m'a amusée. Elle aurait pu se trouver à la Halle Saint Pierre, non ?
Barry Flanagan (1941-2009), Soprano, 1981.
Libellés :
art brut,
art moderne.,
Cinéma,
exposition
Inscription à :
Articles (Atom)