J'avais capturé, du temps où je fréquentais la RDL, ce très beau texte de Paul Edel. Je lui donne l'occasion d'un nouveau tour de piste, tant il me semble dire, avec une poétique acuité, ce qui nous tient devant l'écran, à la rencontre des autres.
Le Net propose, comme sur ce blog, (pas celui de Zoë, celui de Passouline ndr) l’intelligence éphémère de l’humain (ou la colère trollesque). En tout cas ce brouhaha à mille accords joue de l’oubli, de l’anonymat. On savoure même son propre effacement en tapant sur le clavier, comme les paroles d’une chanson sifflée sur un chantier.
Mais tout le monde comprend que jamais la solitude de l’écriture, la vraie, n’a été aussi grande qu’aujourd’hui dans la bruyante cacophonie des voix mêlées du grand periph médiatique. J’imagine que pour un nouveau Musil ou nouveau Pascal, être reconnu de son vivant devient une utopie. Avec les déplorables habitudes de lecture uniformisées et best sellerisées, avec la cacophonie hurleuse du temps les chances de ces artistes d’être reconnus de leur vivant s’amoindrit. Le prêt- à -penser média s’étend avec ses raccourcisseurs de la raison et ces fabricants de pret- à- penser, vendeurs de pensées- gelules , psycho bobologues employés des service d’entretien et d’approvisionnement en réconfort social qui vantent au chômeur passé, présent ou futur, le produit "vie”! Ils vendent du sympa (en philo, en littérature, en journalisme, en cinéma) à plein caddie mais ils savent aussi qu’ils sont eux aussi pris , comme le dit Botho Strauss, dans un marché de dupes, car ils sont eux aussi moulinés, poussés, concassés, empilés, pilonnés, oubliés. Dans tout ceci les voix blogueuses au moins, elles, n’ont aucun souci de bénéfice, mais la liberté de l’anonymat et la volupté de suivre son humeur du moment. Nous sommes logés dans la petite cabane du blabla instantané, quelques secondes, en toute liberté. Nous bavardons comme des amis ou disciples d’Empedocle marchant entre des pins sous un éternel beau temps de l’écran. Brille parfois, une splendide querelle (Le pape ou Heidegger) au milieu du groupe de péripatéticiens. On remarque au fil des heures une soudaine pépite, une réflexion, une insolence une drôlerie, un cri bref, une grosse colère, une insulte, une ambition délicieusement puérile et avouée , un truc solitaire intrépide, une parole féminine jamais entendue, un raisonnement diabolique,une confidence de minuit, une pudeur , un récit de long rêve, une bouffonnerie qui délivre. Une bulle de savon et son chatoiement arc en ciel est passée entre les arbres, entre des pseudonymes, mystérieuse , elle s’esquive puis éclate. Il arrive même qu’on ressaisisse ce qu’a de si précieux le nu d’une maxime d’Heraclite ou l’émotion d’un vers d’Empedocle après tant de méditations sur des ouvrages énormes . On a adressé la parole à l’étranger qui approche sur le chemin, on a ôté ses sandales pour aller se tremper les pieds dans les vaguelettes en écoutant les autres bavarder. Tiens, en cette matinée le Temps a donc eu les ailes bien légères."
Rédigé par : Paul Edel | le 30 mars 2009 à 10:17 |
Hier, j'ai eu le plaisir d'écouter Laure Adler converser avec Florence Hautier (Théâtre du Maquis) qui joue du 6 au 20 juin, au Lucernaire "La Compagnie des spectres", adaptation du roman de Lydie Salvayre. J'ai découvert l'exploit de Florence à Avignon (elle joue tous les rôles, passant d'un registre à l'autre avec une virtuosité et une conviction impressionnantes), en compagnie de Lydie Salvayre, très émue de redécouvrir son texte dans toute sa virulence. Il faut dire que cette histoire d'huissier venant saisir les pauvres biens de deux femmes une mère et sa fille est d'une totale actualité. La mère, déraille depuis que son frère s'est fait assassiner par des jeunes salauds de la milice et elle confond l'huissier avec Darlan à la solde de "Putain". Performance de l'actrice au service d'un texte puissant et, comme d'habitude chez L. Salvayre, d'autant plus efficace qu'il est truffé d'humour, que Florence restitue en y ajoutant sa propre fibre burlesque. Parisiens, n'hésitez pas, courez au Lucernaire ! Et pour ceux qui iraient à Avignon, ne pas manquer Au Petit Chien "le cabaret des hérétiques" la nouvelle création de cette troupe talentueuse.
Toulouse et son Marathon des mots, le bien nommé tant les manifestations se superposent. J'irais sans doute. J'hésite, il y a beaucoup de propositions concurrentes mais je vais essayer d'aller voir et écouter Isabelle Alonso lire son dernier opus "Fille de rouge". Après tout nous sommes copines puisque elle comme moi sommes encore féministes
Peut-être irai-je au vernissage de l'ami Manu Causse.
Conclure ? Provisoirement par un amical salut à Christophe Bohren qui semble avoir des soucis de santé, à Dexter qui nous livre des consolations dans son blog tout neuf tout en maintenant un haut niveau de vitalité dans le commentaire chez Clopine (elle a la "flemme" (sic) et s'est mise en vacances de blog,tentation qui me tenaille avec régularité) et enfin à Kamizole qui a retrouvé l'usage de ses moyens techniques après une très longue panne. Heureusement, parce que ses billets politiques avec ceux du Chasse clou (mon p'tit chou, ne rougis pas DH), me font beaucoup de bien, l'impression d'être moins seule dans l'univers à ruminer et grommeler face à l'incurie de nos zélites.
Ah tiens, avant de sortir pour aller voter, signaler que JFK a mis en ligne une interview de Michel Serres qui défend le principe d'optimisme, car dit-il si nous versons dans la tête de nos étudiants rien que de la misère de pronostic calamiteux, nous leur scions la caisse (il le dit autrement, ceci est un raccourci). J'approuve et vote des deux mains pour la philosophie du pari optimiste.
Pas si minimale cette version tout compte fait. C'est la fête non ?
Photo Fête des mères. OC (digne fille de ZL)