Hier c'était le 14 février, la Saint Valentin. Pure coïncidence, je lisais "L'abandon du mâle en milieu hostile" d'Erwan Larher. Pure coïncidence également je venais d'achever "Les vaisseaux du cœur" de Benoîte Groult. Deux livres sur l'amour fou. Rien de comparable entre ces deux opus si ce n'est la magie du langage dans des styles très éloignés et cependant aussi puissants.
J'ai rencontré l'écriture d'Erwan Larher avec "Le livre que je ne voulais pas écrire" qui m'avait inspiré l'article en lien. Puis j'avais lu "Marguerite n'aime pas ses fesses" et la roue des envies de lecture m'avait tenue éloignée des autres ouvrages de ce personnage -car c'en est un- que je visitais de loin en loin sur Facebook, suivant en particulier ses péripéties de bâtisseur / rénovateur. Et puis cherchant tout autre chose à la Médiathèque, il y a quelques jours, il me tomba sous l’œil et je le plaçais sur la pile aux côtés de Virginie Despentes et quelques autres.
J'ai abandonné toute tentative de faire autre chose pour ne pas abandonner le "mâle" fou amoureux de cette étrange personne à l'allure trash de totale déjantée cependant forte en thème et qui le met en remorque de ses pérégrinations dans les bars hantés par de prétentieux inutiles, avachis, gros consommateurs de joints et de bières. Lui se trouve aux antipodes de la faune, marginal chez les marginaux tout confit dans les bonnes manières transmises avec force par un père réactionnaire à souhait et une mère effacée comme il se doit dans la province bourguignonne, capitale Dijon. Par quel improbable tour du destin ce morveux, puceau, englué dans la timidité et l'indécision devient-il l'amant puis le mari de cette déesse, qui suscite concupiscence et jalousie des mâles, y compris du père (même s'il n'y a aucune transgression, on tient à sa place dans le monde de la bonne bourgeoisie locale). C'est en tout cas une question qui ne laisse pas en repos l'esprit et le corps du bienheureux qui bien que baignant dans la félicité de l'amour partagé s'étonne chaque fois d'avoir été choisi. On ne peut aller plus loin dans le commentaire sans porter dommage à l'intrigue dont toute la force repose sur cette question dont on n'aura aucune réponse éclairante mais qui hante tout le déroulement du livre. Ce qui est éblouissant c'est l'extrême délicatesse de la dissection des sentiments qui habitent le "mâle", si éloigné des clichés du conquérant sûr de lui, au contraire totalement subjugué par la femme qui lui ouvre l'horizon, lui apprend à regarder le monde en même temps qu'à faire l'amour, vit sans aucun respect des conventions qu'elle exècre à un point tel qu'il la conduit aux extrêmes.
Vieillissant, leur plaisir d'être ensemble ne faiblit pas. Ce sont les vieux amants.
Deux histoires qui pourraient n'être que d'une grande banalité sans la virtuosité littéraire. C'est une banalité également de proclamer les mérites de la littérature, son pouvoir de sublimation de nos humaines minuscules péripéties.
En tout cas, on referme ces deux livres avec une impitoyable nostalgie de l'amour fou.
8 commentaires:
"Nostalgie de l'amour fou", c'est donc fini ?
Je ne connais pas Erwan Larher, mais ce billet titille ma curiosité. Benoîte Groult, bien sûr, a sa place dans ma bibliothèque. Bonne journée, Zoë.
@Godart, oui, pour l'instant morne plaine
@Tania, commencez par "le livre que je ne voulais pas écrire"
Quand le désir mène la danse et met l'amour au pas, surgissent des mornes plaines et une onde qui
bout dans des burnes trop pleines....Le mondain,magnétique, diabolique Franz Liszt en comprit la vanité , il devint l'abbé Liszt , plongea dans le mystique .Entre l'amour que lui portaient les femmes, ces lestes moments et ses visions célestes, il opposa ses silences...Le mondain sardonique se mua en l’austère Liszt, le soleil noir des romantiques....
@Patrick Verroust, De quelle onde parlez-vous ? :-)
Avec Liszt , l'onde s'honore...évidemment !
Billet tout à fait rafraîchissant ; pour moi l'amour fou est une sorte de névrose obsessionnelle qui occupe surtout les femmes qu'on conditionne à ça, comme par hasard ; pour les hommes, il sert surtout à faire de la littérature pour être lus par les femmes. Dans tous les cas, analyse féministe, nous sommes prosaïquement les jouets de nos hormones et de nos gamètes, ce que nous avons habilement transformé en objet de littérature, d'art et de poésie. Mais bon, j'ai le sentiment de casser un mythe ;) Benoîte Groult a en effet collectionné quelques amants, en plus de quelques maris ! Quelle femme ! :D
@Hypathie, Névrose obsessionnelle sans doute et plutôt réservée aux femmes en effet.
Il n'empêche, le temps qu'il dure (c'est à dire peu), il donne des couleurs à la vie.
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