vendredi 10 août 2012
Ombre et lumière de la solitude
« L’histoire des hommes est la longue succession des synonymes d’un même vocable. Y contredire est un devoir » René Char.
C'est par ces mots que Patrick Boucheron a conclu jeudi 9 août au Banquet du Livre de Lagrasse, son rendez-vous -très suivi- de 12h30 des Conversations sur l'histoire. Il parlait ce jour là du cloitre, et plus généralement des lieux où on se "retrouve" comme se retrouvaient les lettrés et les religieux dans la familiarité des cloitres. Voyager dit-il c'est devenir soi-même l'étrange et s'obliger à une perte de repère qui permet de réellement découvrir les lieux alors que la plupart du temps nous venons reconnaître ce que nous en savons. Qui peut se vanter de découvrir Venise ou Rome ou les Pyramides d'un "œil neuf".
C'était bien cette familiarité avec le lieu, l'Abbaye et ses fidèles qui chaque année se rendent à ce rendez-vous d'août que j'étais venue "retrouver". L'an dernier j'étais à Fribourg à la même époque. L'année précédente (2010)le Banquet s'était déroulé sans Bob (Gérard Bobillier) mais en présence de ses vieux complices (Michon, Rolin, Macé, Quignard, Mesguich et Milner). Tous lui avaient rendu un vibrant hommage. Les habitués avaient tous suspecté un changement de cap après sa disparition..
L'édition 2008 avait été éblouissante, avec la projection des films du cinéaste arménien Artavazd Pelechian (Nous, Les saisons, Notre siècle) et en ouverture un concert somptueux du Troubadours Caravan. Il est vrai qu'on s'interrogeait "Le monde existe-t-il ?
Cette année,le thème n'était pas moins fort : "Ombre et lumière de la solitude". Pourtant, est-ce parce que je n'y suis allée que trois jours, je n'ai pas "retrouvé" l'atmosphère si particulière de ferveur dans le partage d'instants de magie poétique et spirituelle.
Beaucoup de philosophie universitaire, un peu trop désincarnée à mon goût, même si nous avions affaire à de la pensée de haut vol. Un rajeunissement certain des intervenants à qui il manque peut-être la patine d'un voyage temporel plus long.
La commission de sécurité a imposé que les conférences se tiennent sous un barnum (qui défigure la vue sur l'abbaye). Il est vrai que le cloitre devenait trop exigu et que son sol, très accidenté accueille mal les sièges en plastique solidarisés qui sont préconisés.
Pas d'intermède musical entre les conférences, deux musiciennes nous régalaient Joëlle Cousin (violon) et Laurence Disse (piano), elles ne sont plus de la fête.
Lassitude aussi d'un rituel. Je ne sais. Boucheron est certes brillant, drôle, clair et profond. La demi-heure en sa compagnie est du plaisir pur, ces moments trop rares où l'intelligence de l'orateur déplie en nous les ressources cachées d'une intuition qui attendait de se déployer.
Après ? Il faisait chaud !
L'Orbieu m'a aidé à supporter la canicule et les retrouvailles avec les amis ont compensé l'absence de figures majeures (à mes yeux).
Le soir, je prenais la route vers Carcassonne où m'accueillaient des amis. Le matin, en ouvrant la porte-fenêtre, j'avais le plaisir des couleurs fraiches et du bel ordonnancement de ce petit jardin.
Je savourais un instant de solitude, avant de repartir à la rencontre de mes semblables.
Photos ZL, août 2012.
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20 commentaires:
Cette ombre et cette lumière sont-elles in(dis)pensables?
Milosz :
- "Et la clef de soleil est sous ma main ...”
La dernière photo rappelle l'étymologie latine de cancan, soit
"quamquam" : quoique..., argument relançant un débat philosophique
le Français de 1554, comporte encore un "quanquan" : dans le contexte d'une harangue universitaire...
La phrase de Char est une arnaque intellectuelle...
A moins de la dire en chien... en bête quoi... ou en martien, c'est à la mode.
Dans "mon" bout de garrigue, un goret noir et une poule blanche errent de concert.Ils semblent s'entendre comme cochons pour bader dans les massifs picorer quelques graines, y déterrer de savoureux bulbes, déguster une figue, bourjassotte ou goutte d'or, offertes par un léger mistralou, fuir vers de meilleurs ports, par d'invisibles sentes, avec moult grognements et caquètements, à l'approche d'un humain, cet inventeur des cultures mais aussi du barbeuque, capable de jouer des tours de cochons. D'instinct, ils savent fouir et s'enfuir , prendre de la graine mais veiller au grain, prendre la poudre d'escampette avant de l'écouter parler.Leur écosystème les aident de mille signaux.Une corneille craille, les cigales, cymbalistes, se taisent, les graviers crissent, les buissons bruissent, les plantent, émettent des messages codés en infra sons et ultra sons Le comportements inhabituel de ce couple improbable, comme beaucoup de couples humains, sort des sentiers battus de nos connaissances animalières. Il a fallu du temps, l'évidence de la vision pour s'avouer, les uns aux autres ce minuscule fait divers , pour admettre qu'il y avait une étrange réalité et non pas un mirage réfracté par la danse éblouissante de la lumière , dans l'air chauffé à blanc. Cela ne produit pas des pensées de haut vol , mais un amusement distrait. Mine de rien l'esprit vagabonde....Des souvenirs de la « ferme des animaux » et de « Alice au pays des merveilles » décantent, une atmosphère pré-poètique s'installe, l'intuition que des mondes existent hors de nous. Peut être, nous, les bipèdes qui se croient pensants, n'existons, dans le fond, que dans le chaos et dans n'importe quel sens, emportés dans la jungle des javas de nos pulsions si libérées de leurs chaînes , qu'elles nous empêtrent dans un appétit boulimique de liberté ou de l'illusion que nous en avons...Les photos où alternent assemblée de belles plantes, autour d'un coq, paon sympathique, nature agencée avec art, poules en cage, évocations d'enceintes....me donnent le rêve sacrilège de pouvoir comprendre le langage des plantes, j'en arriverais à connaître les secrets des herbes, je me tairais et les oublierais, l'homme est bien trop malin et la femme....Rien ne transpirera de mon opinion , je pars nager pour garder ma ligne. Pendant ce temps là , l'actualité suit son cours loin des banquets philosophiques. Chez le volailler Doux, les poules retrouvent le moral, elles ne sont plus abattues, mais toujours cloîtrées en attendant que l'heure de finir en carcasse sonne, les salariés, les traits tirés, si loin des lettrés repus, vont se faire plumer. Ils devront s'en faire une religion,les poulets sont prêts à intervenir . Chez Doux, l'été est dur....Chacun, excepté les volailles, espère une reprise , croise les doigts, fait une prière « Loué serait le seigneur... »...travaillez, prenez de la graine , ce sont les fonds qui manquent le plus... Cette anecdote cruelle pour dire que penser devient un luxe gratuit et solitaire....Je souhaite ne pas avoir jeté trop d'ombres sur vos rencontres en gracieuse solitude. Je songe, moi qui philosopha , longtemps, en controverses, joutes et amitiés que sont un peu trop oubliées les ombres et lumières de la sollicitude....
Bref, vous vous êtes emmerdée! Dites-le ! (Pardon, c'est un commentaire aoûtien!)
La suite chez vos amis semble plus agréable en effet! (Cette tente m'a donné chaud et ce "plastique solidarisé" intrigué!:)
Oh bordel de merde...
@la bacchante, l'ombre et la lumière sont indissociables.
@JEA, bavarder ou danser, il fut choisir
@Vinosse, et ce serait quoi la version martien ?
@PV, avez vous songé à une compilation de vos commentaires? Vous devriez atteindre les 500 pages.
@Depluloin, je n'avoue jamais ! Quant au plastique solidarisé, vous avez raison, je vais lui régler son compte.
@Vinosse ??? tu t'es donné un coup de marteau sur les doigts ?
(Des festivals de l'été, ces sont ces petites retraites que nous retenons)
@Gilbert Pinna, ce sont les moments de partage amical, peu importe le lieu et le prétexte.
On vous sent un peu déçue et nostalgique - rien n'est jamais comme avant - mais heureuse d'un jardin et de l'amitié, c'est l'essentiel. Et cela fait un beau billet de partage.
@Tania, merci de votre lumineuse délicatesse.
Et moi qui comptait y aller...
Et moi qui comptait y aller...
@Versus, vous auriez été (doublement) enchanté parce que vous auriez découvert un très bel endroit.
tu cancanes avec les poules ? erreur de casting !
@Mâme K, c'est parce que tu y voies de plus près que tu te permets!
Je connais l'endroit Zoé, longuement visité, hors saison conférencière..
Ai connu les éditions Verdier aux temps des années 80.
@versus, En effet!
Jamais mis les pieds dans ce "banquet" qui fut, un temps, attaqué au liquide de vidange.
J'aime bien la dernière photo qui danse joliment.
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