La première fois, il m'est tombé des mains. Je l'ai abandonné sur la pile des relégués, à savoir ceux qui ne sont pas vraiment rangés mais attendent qu'un sort moins incertain se dessine.
Puis, la rentrée littéraire imposant la liste des nouveaux romans d'écrivains connus ou moins connus, je vois réapparaître le nom de l'auteur, David Foenkinos, au nombre des très attendus, de ceux dont on sait d'avance qu'ils vont s'imposer en tête de gondole. Alors je retrouve dans la pile l'opus négligé et je m'y recolle bravement, après tout, je pouvais n'avoir pas perçu, faute de n'avoir pas dépassé dix pages, la saveur et la finesse de l'ouvrage. Eh bien j'ai tenu à m'acquitter de ma vérification jusqu'au bout et je peux désormais l'affirmer, après avoir (péniblement) achevé la lecture de "La délicatesse", je laisserai "Les souvenirs"orner la devanture de mon libraire, le livre ne viendra pas s'ajouter sur la pile de mes perplexités.
Pourquoi en parler alors? Eh bien parce qu'il me semble que ce genre de "littérature" (oui, les guillemets sont opportuns), relève de ce que Jourde nomme la littérature sans estomac et son camarade Eric Chevillard la littérature pavillonnaire.
Pas une once d'originalité, pas une trace de poésie, un humour d'enclume, des affèteries sirupeuses, des commentaires ou apartés absolument sans grâce, des superlatifs en guirlande qui clignotent dans le désert de l'intrigue. Et ce néant est promis à devenir un film avec Audrey Tautou, l'actrice obligée du romantisme à deux balles. Le livre comporte 117 chapitres (chiffre qui prétend à un certain ésotérisme, mais lequel ? ) dont quelques uns sont des digressions (un peu de fantaisie ne nuit pas hein ?) ce qui nous donne parfois accès à quelque pépite, une citation de Cioran par exemple, qui brille du coup d'un éclat incomparable.
Sinon, les clichés se suivent et se poursuivent et quand le nombre excède le supportable, l'auteur nous signale qu'il en assène un, histoire sans doute de nous faire oublier les autres. De même pour les métaphores approximatives, les tournures du genre "elle était ce qu'on a coutume d'appeler". Quant à l'indigence des dialogues, elle est heureusement allégée par le nombre de silences qui s'installent en permanence entre ces personnages falots.
La délicatesse a obtenu dix prix littéraires et été traduit dans plus de quinze langues et pour son nouveau forfait, Foenkinos serait goncourable, on croit rêver!
L'art et la manière de l'édition (l'auteur bosse chez Gallimard) de fabriquer du yaourt pour les neurones du gogo de base déjà bien encrassés par la soupe audiovisuelle .
Une petite virgule pour conclure.
19 commentaires:
Ah les produits laitiers ma bonne dame ! Et les éditeurs en stabulation, pfff...
Le lait n'a plus de crème et les éditeurs vont de pis en pis (tiens, je fais du P. Verroust sans le vouloir ;-)
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ArD
Je vous fais confiance et du coup...
Qu'est-ce que je suis heureux de ne pas connaître cet auteur !
bon d'accord... j'arrête d'écrire...
Le Cantique des Cantiques comporterait 117 versets... Mais peut-être faudrait-il poser la question à un fin connaisseur : OSS 117 ?
J'ai jamais lu cet auteur. Merci de pas m'encourager à le faire.
... Ne dit-on pas "être en délicatesse" ?o)
Moi je suis lâche et je dis vive Gallimard!! (Oui, comme Madame de K. : j'arrête d'écrire. Heureusement j'ai même pas commencé.)
(Le roman photo des Nuls, Mouaaaaaahhhhh!!)
Zoë:
Délicate attention de nous avertir des (r)ecueils à éviter. Il faut s'en souvenir. Quant à l'actrice obligée du romantisme à deux balles, (une pour le spectateur, et une au cas où il se raterait) , son patronyme est devenu une tautoulogie!
N'abusez pas de ce genre de pensum,c'est mauvais pour le moral
@ArD, vous le faites très bien :-)
@Walrus, le pôvre, heureusement ce n'est pas mon petit énervement qui risque de le priver de sa glouâre
@Mâme K, roooh!meuh non voyons!
@JEA, vous me donnez une clé intéressante, le Cantique des cantiques est très tendance chez les amoureux de nos jours.
@Dominique Boudou et merci de votre visite à cette occasion:-)
@L...C, avec la loi si j'en crois certaine recette, hum!
@Depluloin, mais si vous aviez commencé (et comme Mâme K) vous seriez déjà plusieurs étages au-dessus, au moins pour la qualité de l'humour.
@PV, une tautologie, tutafait!
C' est formidable la prescription négative, ça change du critique attaché de presse ultra positif !
J' ai bien connu cela dans la critique d' art, que du positif et si par malheur on critique juste et sévère s' il le faut, les artistes critiqués font envoyer les lettres, mails ou téléphonades des copains au journal !
Nous avons une critique d' assentiment. A quand le retour d' une critiques authentique ( quelle naïveté à énoncer cela ! ). Chevillard est l' exception qui justifie la règle du renvoi d' ascenseur...
Et puis le vilain petit canard, on le casse , on le fait rentrer dans les rangs!
Et les blogs littéraires...
Oh Zoë, ce qu'il faut parfois s'infliger en littérature contemporaine, juste pour vérifier que certains "portés aux nues" à la mode n'ont décidément pas le quart du dixième du talent des nombreux seconds couteaux négligés il y a cinquante ans...
quelle rentrée! j'ai bien ri! Je partage cependant votre émoi devant les sans estomac...
Zoë:
L'esprit cathare souffle, encore par chez vous. Je ne vous imaginais pas en flagellante capable de se mortifier avec un ouvrage que l'éditeur aurait du avoir la conscience et la délicatesse de laisser à l'état de tapuscrit.
Ceci dit , vous faîtes un travail d'assainissement utile. La promotion d'ouvrages est fréquente sur les blogs, l'éreintement rare. mais il serait normal qu'il soit plus fréquent. Il, hélas, pas nécessaire de ce taper tout un bouquin pour se forger une opinion solide.
Foenkinos c'est oui-oui au pays de la blanche, neuneu et le royaume de la mémoire...
@versus, je n'ai aucun ascenseur à renvoyer, voilà qui me rend libre de mes choix
@Sofka, j'évite le plus souvent quand même, celui-là est un cas.
@aléna, vous avez ri grâce à la virgule je suppose
@PV, je ne me permettrai pas d'éreinter un bouquin que je n'aurais pas lu. En revanche,pour ceux dont je ne dis rien je m'autorise à les laisser choir dès que je suis convaincue que c'est encore le mieux à faire;
@Harmonia pas tendre non plus, vous êtes
Moi j'lis pus un seul blog littéraire tant c'est bavant ...
J'lis pus rien d'ayeure...
oui oui, sinon, c'est à pleurer (je parle des sans estomac)
Merde, j' suis inquiet : j' suis d'accord avec toi. J' vais relire...
Ben ouais, j' confirme— j' suis d'accord avec toi. Ah ben, j'en r'viens pas ! :D
@Vi, tu te vantes :-)
@aléna, ne pleurez pas, ignorez
@my sweet ouah ouah, je suis toute émue, ça doit être la première fois :-)
Je publie sans pouvoir me connecter à mon compte pfff!
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