vendredi 29 mai 2009

Vos gueules, les mouettes !


Pour certains le langage est le lieu du naufrage, pour d'autres il est une bouée.
Le bavardage, le murmure, le cri, l'homélie, la harangue, l'oraison.
La métaphore, l'antinomie, l'ambiguïté, l'oxymore, l'antiphrase.
La philosophie, les sciences, les concepts, le raisonnement, le paradoxe, le sacré.
Le politique, le social, le survivre, le faire mieux.
La musique, l'arabesque, la calligraphie, le jeu de facettes, l'imbrication des sens.
Être privé de terre n'est rien, être exclu du langage est la pire des infortunes.
Je n' ai jamais cessé d'être taraudée par tous les attentats commis en permanence qui privent les êtres humains de l'accès au langage et j'ai vécu obsédée par ces champs de bataille dont l'issue est de la faire boucler au camp adverse, de fermer les vannes de logorrhées jugées ineptes, profanes, voire hérétiques.
Au fond , le rêve de toute puissance c'est d'abasourdir au point de rendre muet.

Photo Traces d'humeurs humaines 28 mai 2009 . ZL

24 commentaires:

JEA a dit…

Le silence comme une page, les silences comme un livre.
D'aucuns ne supportent pas qui vous plongeraient dans une baignoire ou vous mettraient l'électricité gratuite à tous les étages pour vous faire parler, parler des bibliothèques entières.

Vinosse a dit…

Y'en a aussi certains qui, grands défenseurs de la langue (selon eux), ferment les commentaires sur leur blog...

Anonyme a dit…

Très performant, le langage, question voyages. Je ne sais pas qui a inventé ça mais vraiment, s'il me lit, compliments !

Dahu l'Arthropode a dit…

Au fond , le rêve de toute puissance c'est d'abasourdir au point de rendre muet. Oui, vrai ça.

Mais trop difficile. Aussi la plupart des dictatures - qu'elles soient tyranniques ou non, décrétées ou implicites, voulues ou inconscientes, culturelles, médiatiques, etc. - préfèrent-elles nous imposer une novlangue qui, sans nous rendre muets, nous fournit le prêt-à-penser. Un dictionnaire des idées reçues, venues d'en-haut.

À cet égard, parce qu'il est moins liberticide et par là moins perçu comme une privation de pensée, par l'impression de liberté que laisse ce langage réduit, qui dit mais ne sait plus dire ce qui gêne, il plus pernicieux. C'est au nom de sa liberté qu'autrui vous assène la vérité du jour, apprise, assimilée au point de la faire sienne, sinon de la faire lui-même. C'est ainsi qu'on passe de libre à libéral.

Bon, faut que je poste mes notes de frais.

Lavande a dit…

J'aime beaucoup votre texte Zoë.
J'ai un faible pour l'oxymore: le mot d'abord,me plaît bien, la figure de style, aussi, fréquente chez le grand Victor ("vêtu de probité candide et de lin blanc").

mon chien aussi a dit…

Entièrement d'accord avec ça. D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que les détenteurs du pouvoir, quel que soit ce pouvoir, sont les premiers à brider le langage en espérant brider les pensées. Ils veulent absolument faire passer l'individu sous les fourches caudines de leurs principes et de leurs règles. Ainsi : cette parole n'est pas valable parce que ; celle-ci ne l'est pas pour une autre raison ; telle autre pour un motif quelconque mais construit et usiné en chambre froide...
Et c'est vrai que les grands contempteurs, les sublimes intellectuels ne supportent pas que le langage leur échappe. Hop, ils bouclent les commentaires, fiers d'en détenir la clé, fiers d'un tout petit pouvoir qu'ils essaient de préserver à tout prix. Clap, clap, Zoë.

D. Hasselmann a dit…

La langue dominante (pas sauce piquante mais excoriée) remplace la langue interdite : le déshonneur est sauf.

Le discours récent d'un Sarkozy (28 mai) sur l'insécurité est un chef-d'oeuvre du genre en ce sens : style de matamore, coups de menton tous azimuts, préjugés assénés comme des évidences... on pourrait en faire une analyse fouillée (à corps), si ce n'était déjà perdre son temps, une fois encore.

Pas besoin de juguler la presse d'opposition (voir l'article de Pierre Jourde sur Bibliobs), de mettre un baillon sur les opinions des "intellectuels" : le pouvoir total des mass-médias joue son office de ventouse.

La liberté d'expression croupit quelque peu au fond de l'évier "démocratique".

Qui répète à satiété que l'UMP allait sortir grande gagnante des urnes le 7 juin ?

Tania a dit…

Bravo Zoë ! Cette énumération fait honneur à votre arbre et j'aime à partager cette humeur et ces palabres.

Zoë a dit…

@JEA, autant la langue est piégée, autant le silence est devenu rare. partout du bruit, y compris dans les ascenseurs
@Vinosse. A qui pensez-vous ?
@Dom A. J'espère qu'il vous lit, quel honneur!
@ Dahu, Ah! La novlangue, tout le monde l'adopte de peur de sembler attardé. Créer c'est résister.
@Lavande, il y a une palanquée de figures de rhétorique telles que "anacoluthe, antonomase, catachrèse et autres litotes", etc. j'ai opté pour quelques simples, qui me sont venues dans la foulée.
@mon chien aussi, vous aussi déplorez la fermeture des commentaires. Moi, c'est mon plaisir les commentaires des visiteurs, merci des clap clap.
@DH On peut espérer que les perroquets qui nous servent la litanie sur le succès de l'UMP, se ridiculisent comme ils le firent lors du traité.
@ Tania,Le partage est un plaisir parfaitement gratuit. Chère Belge, vous aussi vous êtes sollicitée la semaine prochaine. Dur, dur !

chantal serriere a dit…

Très beau texte, oui.
Mais, "Etre privé de terre, n'est rien..."
pas si sûr. L'espace donne sens à ce que vivent les hommes peut-être aussi sûrement que le langage.

JEA a dit…

@ Zoë

Dans un ascenseur pour l'échafaud, le bruit est néanmoins très harmonieux, plus que celui de la lame de fond en comble de barbarie.

Zoë a dit…

@Chantal Serrière. Il est vrai qu'être privé de terre est difficile mais désormais nous vivons hors sol pour ainsi dire, beaucoup d'entre nous (dont je suis) ne vivent pas là où ils sont nés, ont vécu à l'étranger, vivent "ailleurs", leur langue est leur patrie et cela, on ne leur accorde même pas.
@JEA, bien sûr, si vous enrôlez Miles dans l'ascenseur, ça change tout.

Sophie K. a dit…

Texte très vrai, Zoë. On nous bourre de bruit, en ce moment, du coup on ne s'entend plus penser...
;-)

factotum a dit…

Ce matin j'ai entendu parler de ce livre et voilà que ton billet m'emmène encore en voyage au pays des langages qui passent les frontières (bouée, naufrage)
http://www.fabula.org/actualites/article28964.php
Ça devrait te plaire aussi Miss Zoë.

féekabossée a dit…

Ainsi donc me voilà femme à tout faire si j'oublie la frappe de mon blaze.
Soit. De plus "factotum" fait partie de ces mots que j'aime pour le son, le rythme, le sens.
Signé la Féekabossée, ton humble factotum !

BT a dit…

Chouette le bleu (strié) du ciel !

Loïs de Murphy a dit…

Sans oublier l'injonction "ne parle pas pour ne rien dire".

Zoë a dit…

@sophie k, c'est l'objectif caché, nous empêcher de cogiter
@Factotum/la féé si j'ai bien tout compris. Ah oui, merci pour le lien, t'as compris que j'aimais ce genre d'élucubrations
@BT, on peut le voir comme ça oui
@L° oui, ou encore l'argument qui tue : "n'importe quoi".

Vinosse a dit…

L'indésirable visiteur nous est bien connu! Je ne dirai pas son nom vu qu'avec sa frénésie autofictionnelle il s'en apercevrait très vite...

J'ai mis d'autres fleurs en vitrine ce matin...

Léo a dit…

Juste deux mots : Bonjour et merci.
Léo

Léo a dit…

Rebonjour,

Me suis planté avec mon lien, c'est important parce que j'ai fait un lien à propos de "Vos gueules, les mouettes " sur mon blog. Deuxième tentative, donc ...

Cactus , ciné-chineur a dit…

muet là , moi et pas sourd du tout : allez Zoë : t'es mon européenne préférée ! je vote pour toi !!!

Cactus , ciné-chineur a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Cactus , ciné-chineur a dit…

je vous récite : " Au fond , le rêve de toute puissance c'est d'abasourdir au point de rendre muet.
"

c'est un peu comme Abassourdanipal chez moi , non ?