Parce que le procès ubuesque qui est actuellement en cours à Rangoon remet en lumière le combat pour la liberté qu'une femme admirable mène depuis plus de vingt ans, j'ai eu envie de souligner que les héros de la résistance sont très souvent des héroïnes. J'en cite quelques unes ici mais elles sont emblématiques de beaucoup d'autres qui dans l'anonymat et à des niveaux plus modestes, avec opiniâtreté, refusent la soumission à la barbarie.
On ne présente plus l'opposante à la junte militaire qui sévit en Birmanie. Fille du héros de l'indépendance birmane, assassiné peu avant la proclamation officielle en 1947, elle aurait dû devenir Premier Ministre en 1990 à la suite des élections qui avaient donné une majorité de 82% des suffrages à son parti "La ligue nationale pour la Démocratie. Assignée à résidence, elle subit actuellement un procès à huis clos qui s'est ouvert lundi 18 mai, dans une prison de Rangoun. Elle est jugée pour avoir laissé un ressortissant américain séjourner chez elle en violation des restrictions liées à son assignation à résidence. Elle encourt cinq ans de prison, ce qui l'exclurait du paysage politique pendant les élections controversées que la junte entend organiser en 2010. Sa période d'assignation à résidence expirait théoriquement le 27 mai. Les motifs et les conditions de la visite du ressortissant américain (il aurait nagé pendant deux heures alors qu'il est diabétique et en petite forme physique selon sa propre femme) sont extrêmement troubles et on ne peut que suspecter une machination pour entraver toute possibilité d'action de cette femme très populaire, qui n'a jamais abdiqué en dépit des conditions indignes qui lui sont faites par la junte.
Vandana Shiva, fondatrice de la « Fondation de recherche pour la science, les technologies et les ressources naturelles » Navdanya, se bagarre pour préserver les savoir faire indigènes que la mondialisation menace de finir d'éradiquer après que le colonialisme anglais les a étouffés, marginalisés, criminalisés. Elle mène un combat pour le droit à la souveraineté alimentaire, l'accès universel à l'eau, la biodiversité et le contrôle paysan des semences. Elle est considérée comme une "écoféministe", terme désignant à la fois la défense du droit des femmes (en Inde on assassine encore les bébés féminins pour échapper à l'obligation de la dot ou on brule les brus pour renouveler le pactole avec une nouvelle épouse) et la sauvegarde du patrimoine naturel. Vandana Shiva fait œuvre gandhienne de conquête pour la dignité.
Une ministre de la culture qui démissionne pour retrouver sa liberté de parole, une femme qui est engagée dans la résistance altermondialiste, déploie des projets alternatifs d'économie et ose opposer au discours de Dakar un verbe fort et sans détour pour fustiger les propos humiliants et les mensonges qui continuent à propager une image distordue. Elle dénonce le viol de l'imaginaire perpétré de façon à continuer à entretenir les Africains dans une soumission aux paroles "d'experts"qui leur dictent leur conduite pour mieux masquer la spoliation d'un continent qui n'est pas pauvre mais au contraire riche et donc convoité et pillé.
Taslima Nasreen fait l'objet de menaces de mort pour avoir dénoncé le sort fait aux femmes et aux minorités non islamistes dans son pays, le Bangla Desh, où sévit un islam intégriste. Sa tête est mise à prix et elle ne peut vivre dans son pays alors que toute son entreprise d'émancipation s'adresse en premier lieu aux femmes qui y subissent la ségrégation et les formes les plus arriérées d'inféodation.
Rigoberta Menchu se bagarrant pour la sauvegarde des peuples indigènes, la Kenyane Wangari Maathai, écologiste, prix Nobel 2004, menacée de mort pour son opposition au président kényan Mwai Kibaki, la liste est loin d'être exhaustive....
Courage les femmes !
14 commentaires:
Voui, elles t'ont une autre gueule que Nancy Huston...
Femmes en résistances.
A chacun(e) sa génération. Ce qui n'est pas triste réflexe d'exclusion mais au contraire de complémentarité.
Aussi quelques noms qui ne s'éteigneront pas tant que d'autres femmes monteront aux fronts des injustices : Berthie Albrecht, Lucie Aubrac, Marie-Jo Chombard de Lauwe, Marianne Cohn, Marie-Madeleine Fourcade, Mila Racine, Madeleine Riffaud, Germaine Tillion, Hélène Viannay... (9 femmes pour une multitude).
C'est bien de le dire et le redire, Zoë.
Courage, courage - et chapeau !
Je rajouterais bien Simone Weil (la philosophe qui résista à sa manière) et Danielle Mitterrand, un nom qui semble passé de mode.
Danielle Mitterrand avait ouvert, il y a environ un an, un blog, sur lemonde.fr, qui était d'une haute tenue. Hélas, il a disparu de la circulation.
@Loïs, tu n'aimes pas NH, ah! nobody is perfect
@JEA, j'avoue que quelques unes de cette liste me sont inconnues, mais justement, j'espérais bien que cet hommage serait complété et je vais consulter l'encyclopédie électronique. merci
@Tania, courage à vous aussi, nous sommes tous et toutes sur le même bateau.
@ Louise et Simone évidemment et je suis d'accord pour Danielle. je l'ai rencontrée, c'est une femme délicieuse d'une grande modestie et dont les combats pour l'eau en particulier sont essentiels
Oups ! Tu n'as pas lu ceci ?
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/05/16/on-ne-nait-pas-homme_1194052_3232.html
Excellent rappel, Zoë, des femmes en lutte pour des combats qui le méritent ! J'éprouve une grande admiration pour le prix nobel birman et une horreur viscéral pour les militaires au pouvoir là-bas !
Raison de plus pour sourire à l'évocation de Danielle Mitterrand, associée à ces courageuses femmes ... La bonne copine du dernier dictateur cubain, l'inénarrable Castro Fidel mérite, tout au plus de figurer dans Voici ou Gala. Ce que j'en connais ne m'incite guère à la hisser à tant de hauteur !
Et Charlotte Delbo. Mon affection pour elle est réelle donc sans frontières.
J'ai une tendresse particulière pour Rigoberta Menchu. Ma fille est originaire du Guatemala. Elle avait quatre ans quand Rigoberta Menchu a reçu le prix Nobel de la Paix et nous lui avions expliqué ce que faisait R.M., sa lutte pour que les Indiens récupèrent leurs terres et ce que représentait le prix Nobel de la Paix. Elle s'était exclamée avec un trémolo d'admiration dans la voix: "Elle est comme Robin des bois!"
Et le lendemain, elle m'avait demandé: "et Robin des bois, maman, il avait eu le prix Nobel de la Paix?"
@L°, si j'ai lu. Qu'est-ce qui te défrise, qu'elle s'en prenne à l'idole Beauvoir? Les motifs qu'elle avance pour expliquer que seuls les hommes et non les femmes puissent trouver jouissance dans la violence?
@JC, oui, Danielle M ne boxe pas dans la même catégorie, ses amitiés avec Fidel sont questionnables mais je ne suis pas de celles qui jette l'expérience cubaine avec l'eau du bain des vieillards qui s'accrochent. Une question me taraude dans toutes les expériences communistes, que seraient-elles devenues si elles n'avaient dû se surarmer contre les pays capitalistes, si elles n'avaient subi le blocus, le harcèlement et tutti quanti. Bref le castrisme a mal tourné, mais on l'a poussé un peu non ? Quant à DM, ce n'est pas une héroïne de la trempe des figures présentées ici, mais une femme honorable, c'est déjà pas si mal.
@JEA, Moins connue que Primo Levi, Robert Anthelme ces rescapés qui ont tenté de dire l'indicible, elle a résisté au temps
Je suis revenue d'entre les morts
et j'ai cru
que cela me donnait le droit
de parler aux autres
et quand je me suis retrouvée en face d'eux
je n'ai rien eu à leur dire
parce que
j'avais appris
là-bas
qu'on ne peut pas parler aux autres. (Une connaissance inutile).
@Lavande, Rigoberta est une belle figure, elle est une Olympe de Gouges
Ce qui me défrise, c'est qu'elle puisse penser que les femmes ne sont pas violentes et que l'instinct maternel existe. Si nous étions des fées et des princesses ça se saurait. Et nous élèverions nos fils autrement.
Il est intéressant en effet d'interroger la construction sociale de la masculinité et des rapports sociaux des sexes, mais là c'est ni fait ni à faire et sans pertinence, on se croirait dans une (longue) brève de comptoir.
@L° Elle n'affirme pas qu'il existe un instinct maternel, elle se demande (pas toi ?) et elle évoque un point de vue qu'elle a plus longuement développé dans "Professeurs de désespoir". Mais on n'est pas obligé d'adhérer à son point vue. Apparemment c'est ton cas.
Merci, Zoë, pour ce rappel salutaire. C'est drôle, j'avais eu envie d'écrire un post similaire il y a peu. C'est bien que tu l'aies fait aussi joliment.
(Moi itou, je rôde par chez toi...)
;-)
Ah nan ? je n'ai lu que l'article que je t'ai pointé en lien...
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