vendredi 22 octobre 2010

Vous êtes tous beaux, mais certains plus beaux que d'autres.



"Chaque bataille de rue est comme un stage de perfectionnement pour la police".

Dans la majorité des cas, les policiers se comportent en techniciens sur le terrain, mettant de côté leurs convictions. Ils obéissent à des ordres. Et c’est dans les ordres, donnés tout en haut, que tout se joue. C’est en quoi s’intéresser au maintien de l’ordre, c’est s’intéresser en la police dans ce qu’elle a de plus… politique. Quoi de plus politique que la gestion de la cité, que la prise et le contrôle de la rue ? Un exemple parmi cent : les ordres n’ont pas été les mêmes contre la jeunesse des cités en 2005 et contre la jeunesse étudiante des centres-villes en 2006, pour qui on sortira rarement les flashballs, sauf en cas d’extrême nécessité. En banlieue, les flashballs sont toujours brandis. Pourquoi ? Pour moi, c’est ce type de questions qui est fondamental.

David Dufresne, Maintien de l'ordre. Hachette Littérature 2007

Pour en savoir plus c'est ici (dont j'ai tiré l'extrait) ou en direct par la bouche de l'enquêteur.
Merci à Frasby qui m'a mise sur la piste de cet entretien très intéressant.
A noter par ailleurs son entretien avec Pascale Clark au sujet du webdocumentaire interactif Prison Valley sur l'industrie de la prison aux Etats Unis, une nouvelle façon de faire du reportage selon l'auteur, à savoir se dégager des contraintes de l'espace et du temps

En contraste total, Marc Vella nous affirme que nous sommes tous magnifiques.

Choisis ton camp camarade, le vieux monde n'en finit pas de te passer sur le corps dans sa course folle.

Photos ZL.

mardi 19 octobre 2010

Littérature des sociétés expirantes


La maison de Balzac, rue Raynouard, Paris 16

J'ai entamé mon séjour parisien par une visite à une amie pleine de rire et nous avons mis à profit la petite heure qui nous a réunies pour nous confirmer un mutuel attachement.
Puis, j'ai honoré monsieur Balzac par une petite visite à sa chaumière située à l'époque où il l'habita (1840 à 1847) à la lisière de Paris, à la campagne donc, alors qu'elle est toute petite, perdue au milieu d'immeubles et à deux pas de l'imposante maison de la radio.



Le grand homme siégeait à ce petit bureau environné il est vrai par un petit jardin. (On sait qu'il eut d'autres demeures plus somptueuses mais pas une ne subsiste).


Voici ce qu'il écrivit qu'il aurait pu écrire de nos jours, ce qui paradoxalement est réjouissant pour le génie d'Honoré, beaucoup moins pour l'état de notre époque


Samedi, c'était manif. Juste quelques images pour le plaisir de la récurrence et cependant l'innovation.

La santé en pétard

La folie se charge du décompte impossible

Et pendant les travaux, les affaires continuent


Le soir, nous étions à La Cartoucherie, ma fillote et moi.



Une copine avait deux places à revendre pour "Tempête sous un crâne" d'après les Misérables de Victor Hugo, par la Compagnie Air de Lune. Six comédiens dont deux musiciens. Il est fondamental pour nous tout autant de garder le fil narratif de l’histoire que de garder la profusion lyrique et pathologique de certains moments de descriptions, de logorrhées. C’est dans cet esprit que la musicalité du texte et sa rythmique ont jailli. Certains passages sont mis en musique réellement à la manière de chansons, d’autres fleurtent avec le « slam » ou le « rap ». Grâce à la belle énergie des interprètes, le texte d'Hugo semblait annoncer les barricades à venir. N' y a-t-il pas quelque Gavroche qui s'est pris un tir de flash ball ces derniers temps ?

Pour le reste, nous avons goûté le plaisir de partager quelques autres bonnes choses ma fillote et moi



Je suis repartie avec le premier métro vers l'aéroport. Après tout le tohu-bohu de ces quelques jours (empilement dans les métros bondés, rues gavées de marcheurs - hurleurs, klaxons et vrombissements incessants, sans compter une chute odieuse de température), je n'étais pas fâchée de retrouver mes collines.
C'est un tel choc les couloirs du métro vides que j'ai posé mes valises, le temps d'un dernier cliché. Ne dirait-on pas un canal ?

J'ai été accompagnée dans mon périple par Monsieur le Comte au pied de la lettre que j'avais invité à me suivre en passant à La Hune. Très réconfortant ce Comte. Voilà un personnage qui bannit toute complaisance. Un paumé authentique mais qui s'en fout. Ce n'est pas un Quichotte à la longue figure. Bien qu'il puisse craindre de perdre la face (et non au figuré), il ne recule devant aucun gouffre, il ouvre des portes qui donnent sur l'envers du décor, pourchasse une quête mycologique, est capable de se reproduire par malaxage, bref ses aventures sont surtout l'occasion de jeux de lettres et de mots impayables (au sens propre, il n'ont pas de prix). Je dédie à Monsieur le Comte la piste cyclable ci-dessus qui devrait être agréable à sa bicyclette souffreteuse.

mercredi 13 octobre 2010

Paris,Tango ou rock'n'roll ?





Paname
Quand tu t'habill's avec du bleu
Ça fais sortir les amoureux
Qui dis'nt "à Paris tous les deux"
Paname
Quand tu t'habill's avec du gris
Les couturiers n'ont qu'un souci
C'est d'fout' en gris tout's les souris

Paname
Quand tu t'ennuies tu fais les quais
Tu fais la Seine et les noyés
Ça fait prend' l'air et ça distrait
Paname
C'est fou c'que tu peux fair' causer
Mais les gens sav'nt pas qui tu es
Ils viv'nt chez toi mais t'voient jamais

Léo Ferré. Paname (extrait)

J'y serai pour quelques jours.
Photo ZL. Paris, avril 2010. Rotonde de La Villette.

mardi 12 octobre 2010

Quand c'est fini, ça recommence

J'inaugure aujourd'hui un nouvel exercice, "la manif au fond de mon lit". Sinus encombrés, toux catarrheuse, jambes de flanelle, je ne pouvais espérer participer au cortège. Un ami bienveillant, -qu'il en soit ici remercié- m'a envoyé en direct live quelques photos et téléphoné pour me donner des nouvelles du flot qui s'est grossi cette fois d'un renfort de d'jeuns énervés et joyeux. Bon, on a beau savoir qu'ils ne lâcheront rien les petits valets du Medef, ça fait du bien de voir qu'en face on tient. Pour combien de temps encore ? Parce qu'au fond ce n'est pas tant la question des retraites (même si) qui est en jeu, c'est tout le couvercle qui pèse de plus en plus sur notre art de vivre et nos droits à jouir du monde, tandis que la grande confiscation s'organise.


nuées de drapeaux


le lundi c'est ravioli


ça use, ça use



d'autant qu'il a une petite mine ce Prez

Prenez garde, à la jeune garde qui descend sur le pavé !

Roooh non! Plutôt mourir!

Ne pas leur donner d'idées malsaines siou' plait

Hem!

Spéciale dédicace à Dominique Hasselmann, qui a fermé son blog Le Chasse-clou, à la suite du harcèlement immodéré des modérateurs de la plateforme Le monde.fr. On espère vivement le revoir sous de meilleures latitudes.

Photos , encore merci à FL de m'avoir prêté ses pieds et son oeil.

mercredi 6 octobre 2010

Vive la Retraite aux flambeaux *


Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais beaucoup de blogs ont cessé d'émettre. Pour ne citer que ceux que je fréquentais régulièrement Clopine, Dexter, Montaigne à Cheval, Manu Causse, se sont tus (momentanément ou pas ?) Cactus clignote de temps à autre.

Bertrand Redonnet, part s'occuper de la mise en scène d'un de ses textes, Georges Flipo n'écrit plus parce qu'il écrit (sic),

Stéphane Beau est encore fidèle au poste et pose une question qui me taraude aussi : pourquoi Nicolas Sarkozy inspire-t-il à ce point les auteurs de fictions ? En effet, que ne le laisse-t-on
dans l'ombre d'où il n'aurait jamais dû sortir.

Le manchot tire le rideau. Comme il laisse à consultation ses archives j'en ai récupéré une que je vous donne à savourer avec en préambule un extrait de l'ouvrage : J'ai remarqué très tôt, trop tôt peut-être, que le travail c'est surtout de la fatigue (...)




DANS LA GUEULE DE LA SERVITUDE

Edition originale



« Et c’est ici, je crois, que je devins dangereux pour les affameurs… »

Chapardeur, roulottier, casseur, flambeur, braqueur, titulaire de quelques séjours en prison et d’une balle dans le ventre, Alexandre Dumal, dans son récit autobiographique, narre avec beaucoup de limpidité la trajectoire d’un jeune homme qui ne veut pas travailler.

Les possédants et les curés seront fâchés que ce jeune homme subisse la prison avec équanimité et qu’elle lui serve de stage de formation pour de nouveaux méfaits.

Les téléspectateurs s’étonneront que la même paisible vaillance donne un ton de simple évidence au récit des exploits et mésaventures de l’auteur.

Et les romanciers seront secrètement outragés de voir que le bandit écrit mieux qu’eux.

Sans doute certains milieux veulent-ils bien accepter les invectives des délinquants d’autrefois, et même de tel criminel plus récent projeté à une raisonnable distance critique par les flics et leurs Manhurin. Mais quand l’auteur est contemporain, vivant, et dit de claires évidences, rien ne va plus. (Ainsi, au temps où Mesrine n’avait pas encore été exécuté sur la voie publique, avait-on généralement pu lire dans la presse que son autobiographie était mensongère et mal écrite.)

Alexandre Dumal, étant contemporain, pas encore trop criblé de balles à l’heure où j’écris ceci, et nullement porté à l’invective lyrique, sera peut-être taxé d’insignifiance par les feuillistes et le reste de la domesticité.

Et tout au contraire, en adoptant naturellement le ton de l’évidence limpide, il est tout à fait scandaleux. Notamment parce qu’il est ainsi de son temps, du nôtre.

Certes il y a une manière d’inscrire les individus dans la « sociologie » d’une période qui n’est que le honteux moyen de dissimuler leur vertu personnelle. Tout de même on rappellera que notre période est une période de pillage généralisé et notoire. Aux exactions sans frein des riches répondent la fauche des pauvres, la reprise collective encore timide pendant les manifestations de rue, les attaques de ce que les policiers appelaient voici quelques années les « nouveaux bandits » (mères de famille braquant les caisses des supermarchés, etc…) Le respect de la propriété privée s’est perdu. Elle n’est plus gardée que par la peur de la police.

Alexandre Dumal est de ce temps. Il a passé par les barricades de Mai 68, mais il avait fait son choix avant, il l’a maintenu après. Et il s’élève au-dessus de ce temps en ayant perdu le respect, mais aussi la peur. Je crois qu’on peut dire que la vertu principale d’Alexandre Dumal est le courage.

Parce qu’il avait le courage, son refus de la misère ordinaire –décidé dès l’enfance- l’a mené haut. Et la clarté de son livre vient de là : elle vient de haut. Pour savoir écrire, il faut savoir vivre.

Certains, qui ne savent ni lire, ni vivre, auront hâte d’oublier ce livre. Qu’ils se dépêchent ! car le refus qui habite ce texte n’a pas fini de revenir, lui aussi, dans la gueule de la servitude.

JEAN-PATRICK MANCHETTE.


Je sais, on pourrait considérer que moi aussi je ne fiche plus rien. Pas faux. (Merci au Manchot et à Manchette du coup de main, si je puis dire).


* Le titre, en hommage à Bernard Clavel qui vient de mourir et dont la disparition n'a semble-t-il guère ému les chroniqueurs.


Photo Retraite aux flambeaux au jardin d'état

J'ajoute ce jour 11/10 10 un lien vers un article d'Alain Sagault, Ah, les braves gens !

lundi 4 octobre 2010

Partage

Mon enfant, ma sœur,
Depuis tout ce temps que nous voyageons dans nos capsules gémellaires,
Que nous goûtons avec de délicieux frissons complices,
Aux petits bonheurs simples,
Que le monde, le vaste monde nous concède,
Te dire comme elle m'est précieuse ta vie,
Et comme ces heures de partage
Redonnent un solide tour de manivelle
Au moteur secret de ma nacelle.


Déguster des huitres dans la zone d'activité conchylicole


Se promener à bicyclette ou en voiture



ou à pied



regarder le ciel où les cerfs-volants ont fait des petits musclés : les kitesurfs



Regarder le ciel jusqu'à la fin du jour



Photos ZL La Franqui, Octobre 2010.

lundi 27 septembre 2010

La sorcière du placard aux balais ne prend pas de stagiaire


- Bonsoir votre Gracieuseté, vous dérange-je ?
- Dépend de ce que vous avez à dire pour votre défense.
- C'est que, c'est la rentrée et ...
- Plait-il ? Rentrée ? Il y eut sortie ? De quoi ? Vers Où ? Dans quel but ?
- Eh bien, disons que beaucoup se sont extirpés de leurs cavernes ordinaires pour s'aller installer dans des cavernes prévues pour leur passage épisodique (à grands frais), puis après quelques jours s'en sont revenus à leur point de départ.
- Oui, je sais, je contemple de loin ces cohortes agglutinées sur les rubans routiers, cuisant dans leurs caquelons de ferraille. Et alors en quoi puis-je vous être désagréable?
- Je voudrais apprendre la sorcellerie pour arrêter de travailler, vu que ça ne sert plus à rien. On arrive à peine à payer ses nouilles et le loyer et on n'est plus certain de ne pas être expédié directement de l'usine à la tombe.
- La sorcellerie ne s'apprend pas. C'est un don, on le possède ou pas et à première vue (comme à seconde vue d'ailleurs), vous en êtes dépourvu.
- A quoi le voyez-vous ?
- A votre air de chien battu, de mendiant. Le sorcier est un être fier qui jamais ne quémande ni ne supplie.
- Je venais seulement vous solliciter pour des leçons.
- Erreur ! On ne demande pas de leçons on les prend. Un peintre célèbre a dit "l'artiste n'emprunte pas, il vole". C'est ça la sorcellerie. De la prédation pure (sans grivèlerie) transmutée dans votre chaudron. Avant d'en tirer des miracles vous ferez beaucoup de tambouille indigeste et nauséabonde. Seule votre pugnacité et votre puissance d'invention vous seront utiles. Et l'observation des virtuoses. Mais je ne prend pas de stagiaires. Trop peu savent observer en silence et me bassinent avec leurs questions idiotes.
- Je pourrais être discret.
- Eh bien soyez le à l'instant, disparaissez !

Illustration Le cercle magique, John William Waterhouse