jeudi 11 novembre 2010

Une ville, la nuit.




Je marche, je rêve.
Je ne sais plus qui parle
L'eau m'englobe dans sa patience,
Les lumignons me clignent de leurs yeux mauves
Venise ou Prague, c'est tout comme.
Ce soir j'irai dormir chez Temporel.

Photo ZL. Toulouse. Le Pont Neuf

dimanche 7 novembre 2010

Vivons livres


Hier, je suis allée au Salon Vivons Livres organisé à Toulouse pour sa troisième année. Je ne mets pas de lien, aujourd'hui était le dernier jour. C'est bizarre, mais j'aurais dû aimer fureter dans les rangs, feuilleter les ouvrages, je n'ai pas pu. Chaque fois que je me penchais vers une couverture, le type ou la femme qui se tenait derrière l'étal me couvait du regard, voire me demandait si je souhaitais un conseil ou me recommandait instamment telle ou telle merveille. J'ai résisté aux sirènes mais pas suffisamment pour éviter de faire chauffer un brin ma carte bleue. Je suis donc repartie avec dans une poche en plastique aux couleurs vives à souhait et à l'enseigne des éditions du Rouergue (oui, il s'agit d'un salon des éditeurs de Midi-Pyrénées) quelques opus glanés dans ma déambulation.

Chez Anacharsis. Dictionnaire à l'usage des oisifs de Joan Fuster (1922-1992) un poète et essayiste espagnol, valencien plus exactement dont "toute l'œuvre littéraire et philosophique sans équivalent" (s'est ) réalisée dans l'ombre de la nuit franquiste. "Dans une langue ciselée avec la précision d'un travail d'orfèvre, chaque article ramasse et développe à soi seul des considérations incisives qui confondent avec bonheur tous les obscurantismes. Je promets d'en extraire quelques pépites.

Le roman: tout dire? Assises du roman.
Christian Bourgois, quelques 50 articles de 50 écrivains ont participé. J'aime beaucoup ce type de recension. Le corps tel qu'il s'impose, La folie à l'oeuvre, la puissance de l'intrigue, ils en ont parlé et ça me cause.

Les jardins statuaires
, Jacques Abeille aux Editions Attila. C'est une réédition (première parution en 1982, grâce à Bernard Noël, chez flamarion) d'une oeuvre polymorphe qui échappe aux catégories en étant tout à la fois fable, roman d'aventure, récit de voyage, conte philosophique. Ce roman semble avoir été entravé par de multiples circonstances fâcheuses et son auteur tenu dans un relatif anonymat. J'étais venue pour l'écouter. Interrogé par un jeune homme Jérôme Goude, critique au Matricule des Anges, il était prolixe. Je regardais ses belles mains voltiger pendant qu'il évoquait Julien Gracq ou sa relation étrange à l'identité (il est né d'un homme et d'une femme tous deux mariés mais pas ensemble et il n'a appris qu'à quinze ans l'affaire de ses origines), sa mise en abîme du terme "langue maternelle" citant les contre-exemples que sont Beckett ou Conrad. Tandis qu'il évoquait la genèse des jardins statuaires, je me demandais en regardant et en écoutant qu'est-ce qui distingue un écrivain du commun des mortels. Rien, si ce n'est ce délire verbal qui opère (ou non) comme un charme, un envoutement. Nous avons un peu bavardé, plus tard avant qu'il ne me dédicace d'une écriture fine et penchée son livre, dont je reparlerai quand je l'aurai vraiment lu (je n'ai fait, comme d'habitude quand je viens d'acheter un livre que papillonner entre les pages). J'y reviendrai, ce livre méritant bien mieux que ces quelques lignes.
A noter qu'en même temps les éditions Attila mettent en circulation un roman graphique intitulé, Les Mers Perdues, né de la rencontre et de la complicité de Jacques Abeille et de François Schuiten.

Et pour finir et commencer, du léger. Hameçonnée par l'officiante des éditions du Rouergue et mon intérêt pour la collection de Sylvie Gracia, La brune, je me suis laissé tenter par un titre Vivement l'avenir. Marie-Sabine Roger a surtout écrit pour les enfants et les ados. Je n'ai jamais rien lu d'elle. J'avais vu le film tiré d'un de ses romans La tête en friche, une histoire de rédemption par les livres qui tenait surtout grâce à la ravissante vieille dame qu'est Gisèle Casadesus. Ce matin j'ai entamé et terminé cet après-midi le roman tout nouveau de la drôlesse. Éminemment sympathique, touchant, truculent. Bon, ça finit (trop) bien, mais mon petit cœur de midinette ne boude pas les fins heureuses. N'empêche qu'elle a une sacrée patte pour dessiner ses personnages, qu'on rigole bien à ses trouvailles stylistiques, que son portrait du gogol, personnage central est particulièrement chaleureux, bref un bonbon fondant qui vous laisse un goût sucré et acide à la fois, parfait exutoire pour une journée pluvieuse et tristoune.

J'aurais dû retourner au Salon, il parait qu'un certain Fransesco Pittau dédicaçait ses derniers ouvrages . Mais voilà, je ne l'ai appris qu'après avoir terminé ma lecture. Il était bien trop tard. Je crois savoir qu'il avait rendez-vous avec de délicieuses succubes. J'espère qu'elles l'auront entrainé dans quelque tournée toulousaine, parce que le Palais des Congrès, froid et aseptisé , ce n'est pas un lieu de franche rigolade.

lundi 1 novembre 2010

La sorcière du placard aux balais range son grenier




- Bonsoir bienveillante sybille, je vous trouve bien occupée.
- Je ne vous ai pas entendu arriver, vous auriez dû prévenir.
- J'ai manifesté ma venue mais vous semblez n'avoir rien entendu.
- J'étais occupée à débarrasser toutes ces cochonneries
accumulées au gré de cadeaux idiots que se croient obligés de me faire certains visiteurs.
- Vous semblez vénère chère magicienne.
- J'ai retrouvé un livre que j'avais rangé: Le sexocide des sorcières de Françoise d'Eaubonne. Il m'avait fait bouillir le sang à l'époque où il est sorti (en 1999). En remettant le nez dedans j'ai eu à nouveau une montée d'ire.
- Une ire ancienne, vous n'avez pas motifs plus récents ?
- D'agacement, c'est plus léger. C'est que je viens de parcourir les carnets de JLK, (une petite drogue), il y épingle "Ceux qui ne manquent pas d'air" et suggère que
« la rébellion c’est l’école des sentiers battus qui se prend pour le chemin des écoliers »
- Oui et alors,
- J'ai peur qu'il n'ait un peu raison.
- Mais vous, vous êtes une rebelle par nature.
-
N'utilisez pas de termes que vous connaissez mal, voulez-vous? Pour m'énerver plus encore, ce JLK a dressé 15 listes de 15 livres pour lui inoubliables et je m'aperçois du nombre insensé de ceux que je n'ai pas lus. Et il faut voir la liste s'allonger avec ceux des commentateurs.
- Vous lisez donc suave thaumaturge ?
- Pensez-vous que quelque savoir qu'on possède tombe du ciel, jeune blanc-bec ? Pour comprendre l'âme humaine il n'y a pas mieux que la littérature. Mais vous me faites dire des truismes.
- Sont-ce là toutes les raisons de votre courroux ?
- Ah! J'en vois passer des inepties dès que je me branche sur les ondes. Tenez une très récente et qui vous concerne, jeune écervelé, car vous pourriez bien en faire les frais. Sachez qu'on peut désormais détecter le gène du gauchiste. Si on cherche à le détecter, je vous laisse deviner pourquoi. Qu'on me dise d'ailleurs ce qu'est cet animal !
- C'est bien suranné en effet.
- Pour m'achever, en rangeant tout ce fourbi j'ai retrouvé des traces de sorcières que j'aimais bien. Tenez celle-ci ne s'en laissait pas conter, par exemple, il faut voir la gueule des mecs quand elle révèle leurs turpitudes en pleine messe. Ah, ah ah! J'adorais!
Celle-ci était une des premières à oser un satané numéro, avec son Etienne.
Quant à elle, elle n'y allait pas par quatre chemins. C'est comme ça ! Quelle énergie ! On s'est fait quelques bons sabbats avec cette loustique. Depuis, son Roméo a passé l'arme à gauche. La mort est une redoutable concurrente
Quand à elle, avec la ouate elle s'est propulsée aux cieux et après, elle a un peu dégringolé. Je l'ai retrouvée dernièrement c'est encore une sacrée sorcière.
Ca m'a foutu un peu le bourdon ces vieux souvenirs. De plus, contrairement à ce qu'on prétend, je déteste Halloween, cette fête stupide où tout le monde se déguise avec de longs chapeaux noirs et le changement d'heure qui fait tomber la nuit plus tôt.
Jeune homme, il est temps de vous retirer et de me laisser à mes ruminations. Rassurez-vous, j'ai un bon antidote sous la main contre la morosité. Un vieux copain, Epicure. Tenez, ça vous fera du bien aussi.

«Souvenons nous d’ailleurs que l’avenir, ni ne nous appartient, ni ne nous échappe absolument, afin de ne pas tout à fait l’attendre comme devant exister, et de n’en point désespérer comme devant certainement ne pas exister. »

Epicure. Lettre sur le bonheur

jeudi 28 octobre 2010

Mauvais esprit es-tu là ?

Je regarde la nuit s'installer.
J'écoute Frédéric Lordon dont Harmonia propose la compilation d'une émission (Mermet, ce terroriste!) où il explique pourquoi on peut et on devrait fermer la Bourse. Si vous ne saviez pas comment la Phynance parasite l'économie, c'est très clairement détaillé. En impression sur le discours de Lordon des illustrations saignantes de Lacombe ou de Charb.
Un petit panneau promené aujourd'hui dans les rues m'a fait rire: "Ecoles, Collèges, Lycées. Voulez-vous des vieux croutons pour vos petits lardons?
Lu la ritournelle (conjuratoire) des médias Ca s'essouffle. Les riches eux, en tout cas ne manquent pas d'air. Vous avez vu le bras d'honneur qu'ont fait les actionnaires de Molex aux licenciés qui attendaient leur plan social. Estrosi s'est livré à une danse de la Pluie. Renault et PSA lui ont fait un doigt d'honneur. Il règne un mauvais esprit ces jours-ci dans les relations sociales
Pour une analyse du rôle des syndicats comme pompiers des grèves, voir La feuille charbinoise, roboratif, mais très très mauvais esprit.
Y parait que des plombiers sont entrés (sans effraction, notez) pour subtiliser les ordis au Monde, au Point à Médiapart (quelle surprise !). L'irréductible nous livre ses supputations sur ce nouveau Canardgate. Méthodes de truands? Oui mais pas d'inquiétude, la police mettra tout en oeuvre pour retrouver ces documents précieux. On espère que par précaution ils avaient été enregistrés sur micro film et placés dans le talon de chaussure de James Bond.
Y'a pas à dire, on vit une époque formidable, riche en rebondissements.
Tiens, en voilà une autre qui ne fait rien qu'à critiquer : il semblerait que les femmes sont malmenées par les médias . Nooooon! Si prétend l'Olympe. Si vous ne lisez pas, allez au moins visiter les 55 exemples de photos manipulées. Tout, tout est manipulation.
Un exemple ? Un petit cadeau pour conclure, ce cliché. J'ai attendu que le déroulant publicitaire tombe à point, pour ce collage fortuit. Mauvais esprit vous dis-je!


Il est conseillé d'agrandir pour mieux goûter

vendredi 22 octobre 2010

Vous êtes tous beaux, mais certains plus beaux que d'autres.



"Chaque bataille de rue est comme un stage de perfectionnement pour la police".

Dans la majorité des cas, les policiers se comportent en techniciens sur le terrain, mettant de côté leurs convictions. Ils obéissent à des ordres. Et c’est dans les ordres, donnés tout en haut, que tout se joue. C’est en quoi s’intéresser au maintien de l’ordre, c’est s’intéresser en la police dans ce qu’elle a de plus… politique. Quoi de plus politique que la gestion de la cité, que la prise et le contrôle de la rue ? Un exemple parmi cent : les ordres n’ont pas été les mêmes contre la jeunesse des cités en 2005 et contre la jeunesse étudiante des centres-villes en 2006, pour qui on sortira rarement les flashballs, sauf en cas d’extrême nécessité. En banlieue, les flashballs sont toujours brandis. Pourquoi ? Pour moi, c’est ce type de questions qui est fondamental.

David Dufresne, Maintien de l'ordre. Hachette Littérature 2007

Pour en savoir plus c'est ici (dont j'ai tiré l'extrait) ou en direct par la bouche de l'enquêteur.
Merci à Frasby qui m'a mise sur la piste de cet entretien très intéressant.
A noter par ailleurs son entretien avec Pascale Clark au sujet du webdocumentaire interactif Prison Valley sur l'industrie de la prison aux Etats Unis, une nouvelle façon de faire du reportage selon l'auteur, à savoir se dégager des contraintes de l'espace et du temps

En contraste total, Marc Vella nous affirme que nous sommes tous magnifiques.

Choisis ton camp camarade, le vieux monde n'en finit pas de te passer sur le corps dans sa course folle.

Photos ZL.

mardi 19 octobre 2010

Littérature des sociétés expirantes


La maison de Balzac, rue Raynouard, Paris 16

J'ai entamé mon séjour parisien par une visite à une amie pleine de rire et nous avons mis à profit la petite heure qui nous a réunies pour nous confirmer un mutuel attachement.
Puis, j'ai honoré monsieur Balzac par une petite visite à sa chaumière située à l'époque où il l'habita (1840 à 1847) à la lisière de Paris, à la campagne donc, alors qu'elle est toute petite, perdue au milieu d'immeubles et à deux pas de l'imposante maison de la radio.



Le grand homme siégeait à ce petit bureau environné il est vrai par un petit jardin. (On sait qu'il eut d'autres demeures plus somptueuses mais pas une ne subsiste).


Voici ce qu'il écrivit qu'il aurait pu écrire de nos jours, ce qui paradoxalement est réjouissant pour le génie d'Honoré, beaucoup moins pour l'état de notre époque


Samedi, c'était manif. Juste quelques images pour le plaisir de la récurrence et cependant l'innovation.

La santé en pétard

La folie se charge du décompte impossible

Et pendant les travaux, les affaires continuent


Le soir, nous étions à La Cartoucherie, ma fillote et moi.



Une copine avait deux places à revendre pour "Tempête sous un crâne" d'après les Misérables de Victor Hugo, par la Compagnie Air de Lune. Six comédiens dont deux musiciens. Il est fondamental pour nous tout autant de garder le fil narratif de l’histoire que de garder la profusion lyrique et pathologique de certains moments de descriptions, de logorrhées. C’est dans cet esprit que la musicalité du texte et sa rythmique ont jailli. Certains passages sont mis en musique réellement à la manière de chansons, d’autres fleurtent avec le « slam » ou le « rap ». Grâce à la belle énergie des interprètes, le texte d'Hugo semblait annoncer les barricades à venir. N' y a-t-il pas quelque Gavroche qui s'est pris un tir de flash ball ces derniers temps ?

Pour le reste, nous avons goûté le plaisir de partager quelques autres bonnes choses ma fillote et moi



Je suis repartie avec le premier métro vers l'aéroport. Après tout le tohu-bohu de ces quelques jours (empilement dans les métros bondés, rues gavées de marcheurs - hurleurs, klaxons et vrombissements incessants, sans compter une chute odieuse de température), je n'étais pas fâchée de retrouver mes collines.
C'est un tel choc les couloirs du métro vides que j'ai posé mes valises, le temps d'un dernier cliché. Ne dirait-on pas un canal ?

J'ai été accompagnée dans mon périple par Monsieur le Comte au pied de la lettre que j'avais invité à me suivre en passant à La Hune. Très réconfortant ce Comte. Voilà un personnage qui bannit toute complaisance. Un paumé authentique mais qui s'en fout. Ce n'est pas un Quichotte à la longue figure. Bien qu'il puisse craindre de perdre la face (et non au figuré), il ne recule devant aucun gouffre, il ouvre des portes qui donnent sur l'envers du décor, pourchasse une quête mycologique, est capable de se reproduire par malaxage, bref ses aventures sont surtout l'occasion de jeux de lettres et de mots impayables (au sens propre, il n'ont pas de prix). Je dédie à Monsieur le Comte la piste cyclable ci-dessus qui devrait être agréable à sa bicyclette souffreteuse.

mercredi 13 octobre 2010

Paris,Tango ou rock'n'roll ?





Paname
Quand tu t'habill's avec du bleu
Ça fais sortir les amoureux
Qui dis'nt "à Paris tous les deux"
Paname
Quand tu t'habill's avec du gris
Les couturiers n'ont qu'un souci
C'est d'fout' en gris tout's les souris

Paname
Quand tu t'ennuies tu fais les quais
Tu fais la Seine et les noyés
Ça fait prend' l'air et ça distrait
Paname
C'est fou c'que tu peux fair' causer
Mais les gens sav'nt pas qui tu es
Ils viv'nt chez toi mais t'voient jamais

Léo Ferré. Paname (extrait)

J'y serai pour quelques jours.
Photo ZL. Paris, avril 2010. Rotonde de La Villette.