- Bonsoir votre Gracieuseté, vous dérange-je ?
- Dépend de ce que vous avez à dire pour votre défense.
- C'est que, c'est la rentrée et ...
- Plait-il ? Rentrée ? Il y eut sortie ? De quoi ? Vers Où ? Dans quel but ?
- Eh bien, disons que beaucoup se sont extirpés de leurs cavernes ordinaires pour s'aller installer dans des cavernes prévues pour leur passage épisodique (à grands frais), puis après quelques jours s'en sont revenus à leur point de départ.
- Oui, je sais, je contemple de loin ces cohortes agglutinées sur les rubans routiers, cuisant dans leurs caquelons de ferraille. Et alors en quoi puis-je vous être désagréable?
- Je voudrais apprendre la sorcellerie pour arrêter de travailler, vu que ça ne sert plus à rien. On arrive à peine à payer ses nouilles et le loyer et on n'est plus certain de ne pas être expédié directement de l'usine à la tombe.
- La sorcellerie ne s'apprend pas. C'est un don, on le possède ou pas et à première vue (comme à seconde vue d'ailleurs), vous en êtes dépourvu.
- A quoi le voyez-vous ?
- A votre air de chien battu, de mendiant. Le sorcier est un être fier qui jamais ne quémande ni ne supplie.
- Je venais seulement vous solliciter pour des leçons.
- Erreur ! On ne demande pas de leçons on les prend. Un peintre célèbre a dit "l'artiste n'emprunte pas, il vole". C'est ça la sorcellerie. De la prédation pure (sans grivèlerie) transmutée dans votre chaudron. Avant d'en tirer des miracles vous ferez beaucoup de tambouille indigeste et nauséabonde. Seule votre pugnacité et votre puissance d'invention vous seront utiles. Et l'observation des virtuoses. Mais je ne prend pas de stagiaires. Trop peu savent observer en silence et me bassinent avec leurs questions idiotes.
- Je pourrais être discret.
- Eh bien soyez le à l'instant, disparaissez !
Illustration
Le cercle magique,
John William Waterhouse