Amy Whinehouse a été retrouvée sans vie, vraisemblablement à cause d'un abus de substances toxiques. C'est toujours sidérant d'apprendre la mort violente, plus ou moins volontaire de gens beaux et talentueux.
Mais cette mort violente me rend triste parce qu'elle me rappelle celle d'une amie.
Carole, je l'avais connue en Grèce puis revue à Paris. Elle essayait de trouver un job et je l'aidais à formuler un panégyrique pour se vendre. Elle avait tâté du mannequinat mais n'avait pas la taille pour espérer autre chose que les seconds rôles pour vente par correspondance. Par ailleurs, son bagage scolaire était minuscule. Elle a été représentante en lombrics pour compost et autres positions exotiques. Puis elle a disparu. Un jour, elle m'a appelée. Elle était dans une clinique, hospitalisée pour cause de VIH. Puis elle a disparu de nouveau. En fait elle ne se manifestait que lorsqu'elle avait décidé de rompre avec la saloperie qui lui pourrissait la vie, sachant mon peu de sympathie pour la chose. Elle venait puiser auprès de moi des encouragements à persévérer dans l'abstinence.
Un jour elle m' a annoncé qu'elle attendait un enfant, avec toute l'angoisse d'avoir transmis le virus. Plus tard encore, elle m'a claironné, triomphante, que son fils était sauf : rétroversion. Je venais moi-même de donner naissance à mon fils. J'étais particulièrement sensible à sa résurrection. Elle est partie pour une mise au vert, histoire de se retaper un peu. Elle était maigre, tenait à peine debout en dépit de la relative exubérance que lui prodiguait son état de jeune mère. Un jour, son compagnon m'a téléphoné: elle avait été trouvée inanimée dans les toilettes d'un café, overdose alors qu'elle revenait chez elle pour reprendre sa vie "ordinaire". Y a-t-il place pour une vie "ordinaire" quand on a depuis si longtemps cherché à s'en évader avec la poudre. Quand son malheureux partenaire m'a abandonnée au bout du fil, refoulant ses sanglots, parce que vraiment, elle allait mieux, pourquoi, mais pourquoi ??? c'est la rage qui est montée en moi. Je l'ai insultée ma Carole, j'ai hurlé des injures avant de chialer sur sa pauvre vie envolée.
C'est à elle que je pense ce soir.