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lundi 29 décembre 2025

L'étoffe des rêves

Je suis noyée sous les travaux de rénovation. Les artisans se succèdent mais tous utilisent des perceuses, scieuses et autres outils percutants pour les oreilles et générateurs de poussière.  Après chaque passage, je dois nettoyer à  minima pour reprendre le cours de ma vie dans des conditions à peu près normales. Entre chaque intervention, je dois déménager ceci ou cela puis le remettre en place et bouger autre chose, sortir les livres des bibliothèques pour permettre aux ouvriers d'opérer, évacuer la salle de bain pour changer la fenêtre etc.    Tout ce charivari doit se conclure par un meilleur confort, murs isolés, climatisation performante, fenêtre double vitrage etc. Merci la prime Renov obtenue sur le fil mais qui laisse un reste à charge conséquent. Normalement la fin des travaux avant Noël, inutile de dire que j'ai hâte de pouvoir enfin m'occuper d'autre chose et retrouver un peu de paix dans la maison. Mon chat est du même avis, il déserte toute la journée.     

Qu'ai-je fait d'autre depuis mon dernier passage sous l'arbre ? 

Un petit tour à Paris pour délivrer un cours au CNAM auprès d'étudiants venant de plusieurs pays. Je m'étais ménagé un petit temps pour aller voir une expo; j'ai jeté mon dévolu sur L'étoffe des songes  à la Halle Saint Pierre, un lieu qui accueille  un art décalé, un art brut. J'y ai vu plusieurs expos étranges dont une consacrée aux œuvres d'artistes locataires d'hôpitaux psychiatriques que j'avais visité avec ma fillote. Double plaisir. 


Quelques images qui m'ont frappées

Rita Arimont travaille avec fils en torsion




Sept silhouettes à taille humaine, hantées, sans visage, repliées sur elles-mêmes comme des momies, réunies sous le titre Solitude par la Belge Micheline Jacques (née en 1933) et réalisées à partir de nylon et de mousse.

Thérèse Chevalier (1939–2009), coud des vulves affirmées et des seins rebondis

Autre expo cette fois au Forum de ma petite ville du Tarn où se tient tous les ans un Festival des Arts. C'est toujours un vrai bonheur de découvrir la richesse de la créativité d'artistes tarnais ou plus largement occitan

Deux exemples de sculpture 

l'une de verre Carole Tournier

l'autre de terre Michel Alquier
 
Quelques livres en dépit du fait que je suis souvent morte de fatigue le soir. 
J'ai voulu lire Boualem Sansal. Harraga m'a semblé un bon premier à tenter. Ecriture puissante mais trop de hargne à mon goût. Il ne fait pas de cadeau à la clique au pouvoir, certes, il déteste la ville Alger, ses congénères (du moins son personnage, une femme qui défend âprement sa solitude qu'une "harraga" une qui "brule la route" vient faire exploser par sa présence foutraque, alors qu'elle a dans son ventre le résultat d'une vie de patachon éminemment réprouvée et donc dangereuse dans un contexte d'islamisme d'Etat. Une peinture au vitriol  non de l'Algérie mais du système. On comprend sans l'excuser que le pouvoir ait eu envie de le faire taire. Son passage à la Grande Librairie après sa libération montre un homme qui s'exprime avec une grande douceur et une vraie détermination.

Une découverte qui m'a fait beaucoup de bien. Lauren Bastide mêle son analyse historique de la construction d'une obligation pour les femmes d'être sous la tutelle du père ou du mari et ne peuvent s'en affranchir qu'en devenant veuve, à sa propre expérience. Vivre seule pour une femme est considéré comme une anormalité. Et les femmes elles-mêmes vivent leur solitude comme un échec et en souffrent    

  

Il est temps de transformer notre regard sur la solitude des femmes.
Les femmes ont mis des siècles à conquérir le droit d'être seules, à s'affranchir de la surveillance du père, du mari, de la société. Aujourd'hui, enfin, elles le peuvent. Mais leur solitude reste mal vue. Y compris par elles-mêmes, nombreuses à la vivre comme une souffrance ou un échec.
En mêlant analyse historique avec beaucoup de références bibliographiques  et récit personnel, Lauren Bastide invite à changer de regard sur les femmes seules : celles qui ne sont pas en couple, celles sans enfants ou dont les enfants ont " quitté le nid ", celles qui voyagent en solitaire, celles qui n'ont besoin de personne - ou essaient, en tout cas.
Il existe dans la solitude la promesse d'une émancipation, d'une estime de soi renouvelée et de la possibilité d'habiter le monde, enfin, à son rythme.

Apprès une interruption de dix jours liée en particulier aux travaux qui exigent après le départ des ouvriers une remise en état même sommaire des lieux induisant une certaine fatigue, je reprend l'écriture de ce post, décidément décousu.

Achevé la lecture d'un essai de Belinda Cannone "L'écriture du désir "

Belinda Cannone voit dans l'écriture la manifestation de notre volonté d'étreindre - le monde, la réalité rugueuse ou douce - et de célébrer notre présence au monde, notre désir de vivre.  

Pas d'idée dont les pages ne seraient que la traduction : seule l'intuition préexiste à l'acte d'écrire . Les mots sont l'idée. Sans mots, pas d'idées. 
Ce que nous cherchons dans la lecture c'est cette mise en mots qui nous offre l'opportunité de ressaisir ce qui est en nous mais peut être mis à jour grâce à l'écrivain qui a fait le travail de mineur de fond pour porter à la lumière les pépites dont nous sommes à la fois les héritiers et les  polisseurs. 

Dernière minute, mort de BB. Je n'ai jamais été subjuguée par sa beauté ou son talent. Elle a participé de cette mode du blond obtenu par décoloration qui a relégué les brunes dans la catégorie des "moches".  J'ai toujours préféré CC à BB (elles sont mortes à quelques mois d'intervalle). Bardot a certes été le symbole d'une certaine liberté, mais pour ce qui me concerne, mes égéries étaient plutôt Beauvoir et Sagan à l'époque de "Babette s'en va en guerre" (j'avais un petit faible pour Jacques Charrier). J'ai revu Le mépris, considéré comme un de ses meilleurs rôle. Je trouve que le film a très mal vieilli. A part les citations dont Godard nous abreuve, l'intrigue est très pauvre, la dramaturgie assez poussive, la fin bâclée. Dans le documentaire qui était consacré à l'icone, j'ai surtout été émue par la vidéo où elle entoure de ses bras un bébé phoque, j'avais aimé à l'époque son combat et sa décision de quitter le milieu du cinéma pour se consacrer à la défense des animaux. Plus que ses films, sa Fondation est son grand œuvre.  Sur la fin de sa vie elle vivait relativement recluse, avait épousé un sympathisant du Front national et tenait des propos qui lui ont valu quelques procès pour propos racistes et homophobes. Une gloire nationale dont s'emparent avec empressement l'extrême droite .

Pour se souhaiter immortel, il faudrait attacher beaucoup d'importance au Moi, il faudrait croire que nous ne sommes pas cette petite coque légère, capable d'embrasser l'univers mais si fragile, si éphémère. Belinda :118.

J'allais oublier. dans quelques jours nous entrons dans une nouvelle année. Je nous souhaite de peaufiner notre art de la joie.