lundi 27 septembre 2010
La sorcière du placard aux balais ne prend pas de stagiaire
- Bonsoir votre Gracieuseté, vous dérange-je ?
- Dépend de ce que vous avez à dire pour votre défense.
- C'est que, c'est la rentrée et ...
- Plait-il ? Rentrée ? Il y eut sortie ? De quoi ? Vers Où ? Dans quel but ?
- Eh bien, disons que beaucoup se sont extirpés de leurs cavernes ordinaires pour s'aller installer dans des cavernes prévues pour leur passage épisodique (à grands frais), puis après quelques jours s'en sont revenus à leur point de départ.
- Oui, je sais, je contemple de loin ces cohortes agglutinées sur les rubans routiers, cuisant dans leurs caquelons de ferraille. Et alors en quoi puis-je vous être désagréable?
- Je voudrais apprendre la sorcellerie pour arrêter de travailler, vu que ça ne sert plus à rien. On arrive à peine à payer ses nouilles et le loyer et on n'est plus certain de ne pas être expédié directement de l'usine à la tombe.
- La sorcellerie ne s'apprend pas. C'est un don, on le possède ou pas et à première vue (comme à seconde vue d'ailleurs), vous en êtes dépourvu.
- A quoi le voyez-vous ?
- A votre air de chien battu, de mendiant. Le sorcier est un être fier qui jamais ne quémande ni ne supplie.
- Je venais seulement vous solliciter pour des leçons.
- Erreur ! On ne demande pas de leçons on les prend. Un peintre célèbre a dit "l'artiste n'emprunte pas, il vole". C'est ça la sorcellerie. De la prédation pure (sans grivèlerie) transmutée dans votre chaudron. Avant d'en tirer des miracles vous ferez beaucoup de tambouille indigeste et nauséabonde. Seule votre pugnacité et votre puissance d'invention vous seront utiles. Et l'observation des virtuoses. Mais je ne prend pas de stagiaires. Trop peu savent observer en silence et me bassinent avec leurs questions idiotes.
- Je pourrais être discret.
- Eh bien soyez le à l'instant, disparaissez !
Illustration Le cercle magique, John William Waterhouse
jeudi 23 septembre 2010
Rêves de langage
Spéciale dédicace à Madame de K dont la Minute encyclopédique fait place à son Salon où on se cultive dans la joie et la gaieté "dans l'esprit des salons du XVIIIème"
Une des librairies que je fréquente propose un étalage d'ouvrages bradés que je ne manque jamais de visiter. J'ai glané ainsi le "Dictionnaire des onomatopées françaises" de Charles Nodier paru en 1808 augmenté en 1828, jamais réédité depuis. " Rêves de langage" selon la quatrième de couverture, "c'est un ouvrage unique. Il a le charme et la subtilité des contes". Les Editions Trans-Europe-Repress l'ont remis en circulation avec une préface (très savante) d'une centaine de pages d'Henri Meschonnic intitulée "La nature dans la voix".
Deux extraits du dictionnaire, pour le plaisir de leur actualité vive.
"CAQUETAGE, se prend par extension, comme caqueter, pour signifier l'action d'un causeur intolérable qui s'épuise en vaines paroles. Linguet s'en est servi à l'occasion du fameux chancelier de l'Hôpi tal. "Aucun ministre dit-il, ne fit jamais convoquer autant de grandes assemblées; mais satisfait d'y étaler une éloquence prolixe et toujours maladroite, il les laissait toutes dégénérer en cohues tumultueuses ou en caquetages scandaleux dont l'unique résultat étoit de constater la frivolité et l'impuissance du gouvernement".
"CLINQUANT. Clinquant s'est dit, au sens propre, , d'une feuille de métal si fine et si légère, qu'elle se froisse sous les doigts avec un petit cliquetis aigre dont son nom est formé; et parce que ces feuilles, à cause de leur ténuité, ont ordinairement plus d'éclat que de valeur, on les prend figurément pour les choses d'un prix médiocre qui ont une apparence brillante, comme dans ces vers de Boileau
Tous les jours à la cour un sot de qualité
Peut juger de travers avec impunité,
A Malherbe, à Racan préférer Théophile,
Et le clinquant du Tasse à tout l'or de Virgile.
Les Anglois appellent le clinquant, tinsel, et cette racine tin est chez eux, comme chez nous, l'onomatopée du retentissement aigu d'un métal très sonore."
Photo ZL. "Le noyer de La Planquade, septembre 2010"
vendredi 17 septembre 2010
L'Afrique m'enchante : Benda Bilili
C'est l'histoire de mecs que le sort n'a pas épargnés. Nés en Afrique, ils ont été atteints de poliomyélite et leurs membres sont plus ou moins détériorés. Ils se déplacent sur des bicyclettes à bras et ils dorment dans la rue sur des cartons. Renaud Barret et Florent de La Tullaye les découvrent à Kinshasa (République démocratique du Congo), pays immensément riche en potentiel mais systématiquement ruiné par ses dirigeants. Commence alors une aventure qui va durer cinq ans pour aboutir à une success story, le "Staff Benda Bilili " en tournée interntionale.
Lui, c'est Roger. Il est valide, mais enfant des rues, mal barré s'il n'avait développé un talent de musicien. Il tire de ce drôle d'instrument monocorde de sa fabrication des sons inouïs
Pour les écouter c'est ici
Le film -reportage réalisé sur cette saga étonnante tourne actuellement. Si vous voulez goûter à la quintessence de l'humanité, ne le manquez pas.
Quant à moi, aujourd'hui, dans la salle de l'Utopia, les commissures aux oreilles, je revivais l'émotion qui m'avait explosé le coeur un premier juillet de l'année 1982. Je me trouvais à Bujumbura. Le Burundi (comme tout l'ex Congo belge) fêtait ses vingt ans d'indépendance. Nous étions dans une Mission où travaillaient deux Français qui nous avaient invités aux fêtes prévues pour la circonstance. Monseigneur l'Archevèque soi-même honorait la Mission de sa présence. Ce lieu accueillait les estropiés de Buja et ses environs, pour la plupart victimes de polio. Nous avions pu constater la vitalité de ces êtres dont les jambes ou les bras se réduisaient à des moignons et qui avaient développé une capacité prodigieuse à compenser leur handicap (dans le film la scène du football des culs de jatte est extraordinaire).
Après les joueurs de tambours du Burundi, acrobatiques en dépit de leurs membres altérés, une chorale s'est fait entendre et assis comme nous l'étions, nous avons vu clopiner vers nous les chanteurs et musiciens. De ma place, je ne distinguais pas où se trouvait le chanteur soliste dont la voix ample et puissante conduisait le chant. Quand la troupe est enfin entrée dans la salle, j'ai éprouvé un choc inédit : le chanteur était un homme tronc qui se déplaçait allongé sur une planche à roulettes et dont la tête dressée telle celle d'un cobra, rouge, gonflé de sang, les yeux au ciel émettaient des sons d'une beauté prodigieuse.
Benda Bilili, c'est aussi, c'est surtout, une leçon d'optimisme. Ces types réduits à la pire misère croient fermement à leur destin. Leur joie de vivre requinque en ces temps atrabilaires.
Il n'y a pas de mal à se faire du bien.
Staff Benda Bilili
Lui, c'est Roger. Il est valide, mais enfant des rues, mal barré s'il n'avait développé un talent de musicien. Il tire de ce drôle d'instrument monocorde de sa fabrication des sons inouïs
Pour les écouter c'est ici
Le film -reportage réalisé sur cette saga étonnante tourne actuellement. Si vous voulez goûter à la quintessence de l'humanité, ne le manquez pas.
Quant à moi, aujourd'hui, dans la salle de l'Utopia, les commissures aux oreilles, je revivais l'émotion qui m'avait explosé le coeur un premier juillet de l'année 1982. Je me trouvais à Bujumbura. Le Burundi (comme tout l'ex Congo belge) fêtait ses vingt ans d'indépendance. Nous étions dans une Mission où travaillaient deux Français qui nous avaient invités aux fêtes prévues pour la circonstance. Monseigneur l'Archevèque soi-même honorait la Mission de sa présence. Ce lieu accueillait les estropiés de Buja et ses environs, pour la plupart victimes de polio. Nous avions pu constater la vitalité de ces êtres dont les jambes ou les bras se réduisaient à des moignons et qui avaient développé une capacité prodigieuse à compenser leur handicap (dans le film la scène du football des culs de jatte est extraordinaire).
Après les joueurs de tambours du Burundi, acrobatiques en dépit de leurs membres altérés, une chorale s'est fait entendre et assis comme nous l'étions, nous avons vu clopiner vers nous les chanteurs et musiciens. De ma place, je ne distinguais pas où se trouvait le chanteur soliste dont la voix ample et puissante conduisait le chant. Quand la troupe est enfin entrée dans la salle, j'ai éprouvé un choc inédit : le chanteur était un homme tronc qui se déplaçait allongé sur une planche à roulettes et dont la tête dressée telle celle d'un cobra, rouge, gonflé de sang, les yeux au ciel émettaient des sons d'une beauté prodigieuse.
Benda Bilili, c'est aussi, c'est surtout, une leçon d'optimisme. Ces types réduits à la pire misère croient fermement à leur destin. Leur joie de vivre requinque en ces temps atrabilaires.
Il n'y a pas de mal à se faire du bien.
Staff Benda Bilili
dimanche 12 septembre 2010
'tain d'ta race!*
Voilà qu'elle revient la vieille tentation de l'utiliser ce terme que les ethnologues (Lévi Strauss un des premiers), les biologistes et autres observateurs de l'humaine aventure, ont depuis déjà quelques lunes dénoncé comme arrogante billevesée des semi Albinos du Nord pour justifier leurs coutumes barbares d'assassinat, de viol et de captation, dont ils ont tiré leur soi-disant suprématie civilisationnelle et dont ils persistent à démontrer l'excellence grâce à leur génie balistique.
(...)
Rappelons que ce terme est utilisé pour fonder à partir de critères choisis comme discriminants (au sens de la science classificatoire) et ordonner sur une échelle de performance les unités discrètes en question. Or s'il peut être utile (encore que...) de distinguer chez les chiens les races de bergers des races de courants, chez les chevaux les percherons des alezans, les persans des siamois pour les matous, les blanches des grises pour les souris, on sait bien que derrière cette activité de classement il y a une distribution et une assignation des fonctions. Les laitières donnent des veaux et du lait, les castrés du biftek et les taureaux de "l'émotion esthétique".
Et pour les humains, les Blancs des traders, les Noirs des balayeurs, les Jaunes des ouvriers innombrables et silencieux, les Rouges les derniers primitifs pour ethnologues compatissants.
N'oublions pas la race féminine. Il n'y a pas de raison pour que le taux de mélanine ou la courbure du nez soit un caractère distinctif plus signifiant que la forme des appendices sexués. Taillable, corvéable, engrossable, castagnable à merci. Merci pour elles.
Pour ma part la race que je serai prête à flanquer dans des camps de contention pour éviter les dégâts qu'elle engendre serait celle des vieux mâles, de toutes les couleurs dès que, imbus de leur suffisance, ils se croient autorisés à faire marcher au fouet, ceux qu'ils ont assujettis grâce notamment à ces discours pernicieux et dénués de tout fondement justifiable. Je ne les martyriserais pas; les obligerais simplement à se supporter les uns les autres et à s'autosuffire sans recourir à la kyrielle de larbins qui leur permet de dédier tout leur temps à se regarder le nombril en s'émerveillant de la délicatesse de son dess(e)in. Je sais, c'est violent et infaisable. C'est eux qui ont la haute main sur la mitraille. C'est même la raison qui les a portés à être si inventifs en la matière, la crainte de la révolte de leurs serfs. Puisqu'on ne peut encore leur retirer leurs jouets les plus dangereux, refusons au moins de leur permettre de continuer à prolonger leur mythologie mafieuse. Race, racialité, racisme, Merdre messieurs les Trous d'Ubu.
Déjà paru sous l'arbre en décembre 2008. et hélas toujours d'actualité.
Photo, La Croix.com
Ca n'a rien à voir, mais j'aimais bien Claude Chabrol. La nouvelle vague est en total reflux.
*Oui, je sais, je jure beaucoup ces derniers temps.
mercredi 8 septembre 2010
dimanche 5 septembre 2010
Oncle Boonmee
Les apparitions magiques de sa femme défunte et de son fils disparu depuis des années confirment à Oncle Boonmee que sa fin est proche. Dans son domaine apicole, entouré des siens, il se souvient alors de ses vies antérieures.
J'aime plutôt les films qui mélangent rêve et réalité, j'aime la lenteur, la magie des lumières, la force des paysages de la jungle thaîlandaise. D'où vient que je n'ai pas vraiment aimé ce film ?
Le sujet, l'approche de la mort à partir de la cosmologie bouddhiste de la réincarnation est traité de façon paisible. Les fantômes s'invitent à la table de l'homme qui sait ainsi qu'il va les rejoindre.
"Où pourrais-je te rejoindre, demande Oncle Boonmee à sa femme, sortie des limbes pour l'assister dans ses dernières heures. Les fantômes ne sont pas attachés aux lieux dit-elle mais aux vivants qu'ils ont quittés. De fait, nous convoquons nos morts ou ils nous rendent visite, la métaphore fonctionne. Une des rares scènes un peu convaincante, c'est à dire qui suscite une empathie est celle où Boonmee étreint sa femme fantôme et pose sa tête sur son sein. Cette scène et celle de la femme dont le visage ravagé redevient lisse dans le miroir de l'eau et qui s'abandonne à la surface de l'eau au coït d'un poisson-chat. Pour le reste, la beauté des images reste glacée. la grotte où l'Oncle revient (matrice initiale) pour s'allonger et mourir est somptueuse, ornée de mille scintillements, mais la longue marche à la torche qui nous y conduit se déroule sans émotion. Nous marchons, sans comprendre où le voyage conduit même s'il est entendu que nous savons. Les reminiscences sont une sorte de collage dont les contours sont insaisissables. Ainsi dans une vie antérieure, Boonmee a-t-il été ce buffle somptueux qui inaugure le film ou l'homme qui le rattrape après qu'il a rompu sa corde, le jeune porteur que la Princesse cherche à séduire ou la Princesse elle-même ? C'est évidemment décousu comme tous les rêves, mais le résultat est qu'on finit par s'en désintéresser. Quand il voit le futur, le mourant n'est pas optimiste. Il voit resurgir du passé et du présent actuel le régime de la violence arbitraire, mais la séquence est si artificielle soudain (la lumière crue et les jeunes gens armés) qu'elle ne produit aucun effet, pas même celui de nous rappeler l'état de guerre civile actuelle dans le pays du cinéaste.
La fin n'en est pas une. Elle s'accroche en bout de piste et achève de nous frustrer .
Il me manque sans doute les clés de compréhension des symboles, non pas de connaissance rationnelle mais de familiarité intime avec les formes et les notations, de résonnance psychique.
Le film suscite quelques enthousiastes dithyrambiques. On a compris que je n'en suis pas. Tim Burton est un amateur d'univers où se mèlent intrusions de l'imaginaire dans la vie normale. En tant que président du jury à Cannes, il a sans doute poussé l'Oncle. Avec un tel parrain, le film devrait trouver son public. Je crains néanmoins qu'il soit plutôt restreint. Wait and see.
J'aime plutôt les films qui mélangent rêve et réalité, j'aime la lenteur, la magie des lumières, la force des paysages de la jungle thaîlandaise. D'où vient que je n'ai pas vraiment aimé ce film ?
Le sujet, l'approche de la mort à partir de la cosmologie bouddhiste de la réincarnation est traité de façon paisible. Les fantômes s'invitent à la table de l'homme qui sait ainsi qu'il va les rejoindre.
"Où pourrais-je te rejoindre, demande Oncle Boonmee à sa femme, sortie des limbes pour l'assister dans ses dernières heures. Les fantômes ne sont pas attachés aux lieux dit-elle mais aux vivants qu'ils ont quittés. De fait, nous convoquons nos morts ou ils nous rendent visite, la métaphore fonctionne. Une des rares scènes un peu convaincante, c'est à dire qui suscite une empathie est celle où Boonmee étreint sa femme fantôme et pose sa tête sur son sein. Cette scène et celle de la femme dont le visage ravagé redevient lisse dans le miroir de l'eau et qui s'abandonne à la surface de l'eau au coït d'un poisson-chat. Pour le reste, la beauté des images reste glacée. la grotte où l'Oncle revient (matrice initiale) pour s'allonger et mourir est somptueuse, ornée de mille scintillements, mais la longue marche à la torche qui nous y conduit se déroule sans émotion. Nous marchons, sans comprendre où le voyage conduit même s'il est entendu que nous savons. Les reminiscences sont une sorte de collage dont les contours sont insaisissables. Ainsi dans une vie antérieure, Boonmee a-t-il été ce buffle somptueux qui inaugure le film ou l'homme qui le rattrape après qu'il a rompu sa corde, le jeune porteur que la Princesse cherche à séduire ou la Princesse elle-même ? C'est évidemment décousu comme tous les rêves, mais le résultat est qu'on finit par s'en désintéresser. Quand il voit le futur, le mourant n'est pas optimiste. Il voit resurgir du passé et du présent actuel le régime de la violence arbitraire, mais la séquence est si artificielle soudain (la lumière crue et les jeunes gens armés) qu'elle ne produit aucun effet, pas même celui de nous rappeler l'état de guerre civile actuelle dans le pays du cinéaste.
La fin n'en est pas une. Elle s'accroche en bout de piste et achève de nous frustrer .
Il me manque sans doute les clés de compréhension des symboles, non pas de connaissance rationnelle mais de familiarité intime avec les formes et les notations, de résonnance psychique.
Le film suscite quelques enthousiastes dithyrambiques. On a compris que je n'en suis pas. Tim Burton est un amateur d'univers où se mèlent intrusions de l'imaginaire dans la vie normale. En tant que président du jury à Cannes, il a sans doute poussé l'Oncle. Avec un tel parrain, le film devrait trouver son public. Je crains néanmoins qu'il soit plutôt restreint. Wait and see.
jeudi 2 septembre 2010
Ils ont bon caractère.
La Bruyère, La critique.
Afin de venir au secours de ma grande flemme, ont collaboré à l'insu de leur plein gré, La Bruyère dont j'avais noté cette remarque pertinente dans un carnet et Nadège Dauvergne dont je capture de temps à autre les drôleries. Ils forment un joli couple.
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