mardi 15 avril 2025

Les yeux ouverts

 


Dans les entretiens qu'elle avait accordés à Matthieu Galey, Marguerite Yourcenar (1903-1987), qui fut la première femme à entrer sous la Coupole, retraçait  l'itinéraire d'une existence voyageuse et mouvementée, de son enfance flamande, avant la guerre de 1914, auprès d'un père d'exception, jusqu'à sa retraite des Monts-Déserts, sur la côte Est des États-Unis. (Quatrième de couverture)

C'est une bourrasque de culture, un florilège de pensées aigües et sereines sur la vie, la mort. Hélas, le livre n'a pas été écrit par Marguerite mais par Matthieux Galey et  Yourcenar n'a pas aimé sa publication, d'autant que la couverture donnait à penser qu'elle en était l'auteur alors que la rédaction en revient à Matthieux Galey . Il s'en est suivi une brouille définitive.

Il n'empèche, ce livre donne à connaître l'univers de MY, ses travaux pour l'élaboration de ses livres, les multiples références historiques qui sont à la source des personnages d'Hadrien et de Zénon. Il faut supposer que les propos rapportés sont bien ceux de Marguerite qui a considéré qu'elle s'était trop mise à nu au cours de ces entretiens et que le sieur Galey s'était surtout intéressé à ce qu'il cherchait à savoir lui, et non à ce qu'elle souhaitait, elle, dire . 

J'ai noté en tout cas quelques unes de ses phrases  qui ont fait mon miel. Je me limiterai ici, mon petit carnet en contient beaucoup plus.

"Quand on aime la vie, on aime le passé parce que c'est le présent tel qu'il a survécu dans la mémoire" (31)

"Très petite, j'ai eu [...] le sentiment qu'il fallait choisir entre la religion, telle que je la voyais autour de moi, donc la religion catholique et 'univers; j'aimais mieux l'univers. (41) J'ai éprouvé cela. 

"En somme, l'écrivain est le secrétaire de soi-même. Quand j'écris, j'accomplis une tâche, je suis sous ma propre dictée, en quelque sorte; je fais la besogne difficile et fatigante de mettre en ordre ma propre pensée, ma propre dictée".(147Besogne o' combien difficile, en effet.

J'étais à Paris la semaine dernière. Je n'ai pas pu voir l'expo Suzanne Valadon; comme d'habitude, je n'ai pas pensé qu'il fallait réserver à l'avance. Heureusement  c'était le premier jour pour  "Le Paris d'Agnès Varda"   au Musée Carnavalet. Je n'ai pas pris de photos, trop de monde et puis beaucoup étaient en petit format. En revanche, certaines étaient exposées en grand format sur les grilles de la Gare de l'Est. 

Où s'exprime l'influence des surréalistes


   
les Cariatides femmes tiennent leur rôle dans la légèreté selon Varda

J'ai visité Notre Dame en m'y prenant très tôt le matin, plus tard la queue est dissuasive. J'en avais gardé un souvenir flou ne l'ayant fréquentée que pour y assister à un concert, la Missa Solemnis  de Beethoven, il y a fort longtemps. C'est en effet impressionnant de beauté. 


Difficile de capter la lumière


Je suis allée marcher aux Tuileries qui m'étaient si familières quand j'habitais à proximité. J'ai été troublée par la taille hyper rectiligne des arbres, moi qui vit dans un fouillis d'arbres et d'arbustes laissés pour la plupart à leur libre épanouissement. Ah, les jardins à la française ! Ce n'est pas exactement mon paysage favori.  



 Vu "Lire Lolita à Téhéran." le film tiré du roman éponyme d'Azar Nafisi. L'ami qui m'accompagnait a estimé qu'il faisait valoir un point de vue trop occidentalisé. Le Masque et la plume l'a plutôt assassiné. Moi, j'ai apprécié cette histoire de femmes qui résistent grâce à la littérature. Il repose sur les merveilleuses actrices iraniennes dont en premier rôle Golshifteh Farahani qui a dû elle-même s'enfuir d'Iran parce qu'elle avait refusé de porter le voile au cours d'une présentation de film. Le livre a été très controversé à sa sortie, notamment parce que selon certains de ses détracteurs (des hommes) il donne une image falsifiée de l'Iran et prête le flanc à une intervention américaine dans la région. Je n'y ai vu que la biographie d'une Iranienne qui espérait que la révolution contre le Shah allait transformer le pays pour le meilleur et qui a souffert une grave désillusion et a dû partir pour sauver sa vie.  Dans un de ses témoignages, Golshifteh Farahani exprime cet impossibilité de vivre l'exil sans être obsédée par ce qui perdure en Iran, la violence faite aux femmes et aux opposants.

Garder les yeux ouverts alors qu'on est tenté d'adopter la formule des trois singes pour tenter de conserver un peu de sérénité et d'espoir.