dimanche 28 mai 2017

Bribes andalouses


 Je devais travailler quelques jours à Malaga, j'en ai profité pour m'accorder un tour (ultra compact ) sur les hauts lieux de l'art arabo-andalou qui a fleuri sur ce territoire si particulier par sa géographie et son histoire.
Je ne saurais faire une présentation détaillée de la richesse inouïe du patrimoine andalou des quatre villes que j'ai approchées. D'abord parce que je suis passée trop vite pour aller au delà de simples impressions fugaces mais aussi parce qu'il existe une littérature spécialisée dans le domaine avec laquelle je ne me risquerai pas à rivaliser .




La Semana Santa à Malaga.. Je n'avais jamais assisté à ce cérémonial. Il est impressionnant . Les hommes portent en souffrant (c'est apparemment très lourd même s'ils sont nombreux à se coltiner la charge et il fait très chaud) précédés par l'orchestrateur de la cérémonie qui hurle et suivis par une fanfare de cuivres et de tambours jouant de façon lancinante. C'est à mes yeux une résurgence de cette période atroce qu'a été l'inquisition. Mais évidemment pour les Andalous c'est une fête de la plus haute importance . J'ai recherché dans wikipédia l'explication des rôles tenus par les membres de la procession 
  • les costaleros : ils portent les pasos, dont le poids contraint à disposer d'un effectif important, tournant à intervalles réguliers. Les confréries possèdent de un à trois pasos, soit autant de groupes de porteurs ;
  • le capataz : c'est le responsable de l'équipe des costaleros. Il dirige le paso et guide les porteurs par la voix en indiquant la direction à prendre. Il est assisté de contraguías. Il ordonne la levée ou l'arrêt du paso, à l'aide du llamador ou martillo, heurtoir situé à l'avant de l'autel.
  • les nazarenos : ce sont les pénitents qui marchent au-devant des pasos, vêtus d'une tunique et d'une cagoule (le capirote), dont les couleurs varient d'une confrérie à l'autre, voire au sein d'une confrérie, selon le paso qu'il précède


Nous avons retrouvé les pénitents mais cette fois dans les jardins de l'Alhambra de Grenade (ils étaient bleus). Hélas, la concomitance de la cérémonie et notre arrivée nous a un peu réduit l'espace d'exploration et mon absence de préparation m'a privée du Palais des Nasrides (il faut réserver deux mois à l'avance voire davantage pour cette période, je suis une touriste qui va le nez au vent, j'oublie les contingences).




Après Grenade, Cordoue. La Mezquita, la "mosquée - cathédrale. Ce monument grandiose fut d'abord une mosquée construite sur l'emplacement d'une basilique wisigothe sous le règne d'Abdal-Rahman1er s'installant à Cordoue en 750 et décidant des travaux en 756. Elle a bénéficié de plusieurs extensions puis a été en partie (heureusement il en reste une grande partie et on peut admirer la finesse des piliers, en contraste avec l'énormité des piliers de la cathédrale) transformée par la chrétienté triomphante en cathédrale.
  
La chapelle principale et son choeur
Lorsque Charles Quint est venu visiter la Mezquita il a regretté la destruction opérée pour insérer la chapelle.  Ces jeux de destruction reconstruction n'ont jamais cessé depuis...


Jeux de lumière dans la Mezquita
Cordoue m'a séduite. C'est la ville des patios fleuris. Elle est traversée par le Rio Guadalquivir, un nom mythique pour moi; Nous avons été accueillis dans une chambre d'hôtes par une personne délicieuse. L'ambiance générale est tranquille. La douceur de vivre andalouse, un baume pour moi qui vient de traverser un épisode très bousculé par des impératifs de toutes sortes.


Le Pont romain sur le Quadalquivir
  Enfin Séville. J'ai perdu en grande partie les photos que j'avais faites de la cathédrale. Ce n'est pas grave. C'est une quintessence de l'imperium catholique. On s'y égare tellement c'est gigantesque. Elle abrite le tombeau de Christophe Colomb, un retable qui dégouline d'or, 1200 kg pour recouvrir les 1500 figurines ciselées dans le bois de cèdre sur 220 mètres carrés (le plus grand retable du monde), l'ensemble repose sur  des pilastres énormes. Sans doute étais-je saturée d'art religieux (je sature vite en matière de Christ sanguinolent, vierges éplorées et martyres de toute espèce), bref, j'ai écourté la visite.
En revanche, j'ai flâné à loisir dans le Palais de l'Alcazar qui fait face, une ode à la beauté et à la joie de vivre. Pour tout dire cet art là me réjouit davantage que toutes les magnificences  catholiques. Aurais-je en moi du sang arabo - berbère?
  

Les repas ont presque toujours été composés de tapas, cette formule intelligente qui permet de combiner les saveurs et de vins locaux qui sont de bonne qualité. Il faisait un peu chaud  en fin d'après-midi mais les soirées étaient fraiches à loisir, avril est une bonne période pour l'Andalousie. Se promener au hasard des rues et découvrir l'insolite est aussi un bonheur.




J'ai clôturé mon expédition avec trois journées de travail à Malaga.
Je me suis fait la promesse de revenir sur ces terres bénies avec suffisamment de temps pour mieux déguster la douceur de vivre andalouse.

6 commentaires:

Dominique Hasselmann a dit…

Quand le travail permet le loisir...

Pénitents : un autre nom pour des manifestants contre le retour de "la loi Travail".

Beauté de ce pont romain et de l'ensemble de vos photos !

Tania a dit…

Je vous voyais naviguer sur les réseaux sociaux - c'est doublement vrai, je crois, en ce qui vous concerne - et je découvre avec plaisir votre beau billet andalou.
Oui, l'Espagne a conservé des traditions de la Semaine sainte particulièrement spectaculaires, je l'ai appris par Colo la mallorquine mais n'y ai jamais assisté.
Quelles splendeurs, ces architectures et ces jardins ! Merci pour le partage, Zoë.

Zoë Lucider a dit…

@D.H. serait-ce que nous entrons en pénitence ? Merci pour votre lecture attentive.
@Tania, je pérégrine beaucoup en effet. Pour les splendeurs, mes modestes photos ne rendent pas compte de la magie des lieux. Juste un aperçu.

patrick.verroust a dit…

Bonjour Zoë,

Mon périple en Andalousie avait mal commencé. J'avais espéré un restaurant à Malaga. Il était fermé pour cause de décès. Je pensais devoir en faire mon deuil mais au retour, il était rouvert. Je ne sais pas si le patron était revenu du royaume des morts, il servit une gastronomie inoubliable.Les tentes des soldats omeyyades ont été remplacées par des étendues immenses de serres en toile plastique qui transforment la partie désertique en potager pour alimenter en malbouffe les hypermarchés européens. Enfin , comme me le sussure, un ami africain dont l'esprit ne manque pas de « sahel », il vaut mieux mal bouffer que pas manger du tout…
Grenade...J'en garde un souvenir empli de sensations. Je dénichais un restaurant face à l'Alhambra. Un restaurant de belle allure, avec de grandes tables en bois sculpté, des fauteuils- trônes en bois et cuir. Un patio, surélevé, séparé la salle à manger des cuisines ; sa baie offrait une vue splendide sur le palais maure, éclairé par la lune et des projecteurs. Je priais les restaurateurs de nous dresser une table en ce lieu magique. Les autres convives me voyant ainsi trôner,me prirent pour une personnalité d'importance, ils vinrent me présenter leurs civilités et hommages que j’accueillis avec la simplicité qui est mon naturel….C'est ainsi que j'appris que se jouait le soir même, un spectacle de danse flamenco très réputé, hélas à guichets fermés. Je l'étais aguiché et ouvert à toutes propositions. J'ai un vernis culturel qui peut faire illusion. Devant le cirque du gars verni, je fus invité à y être le représentant la France, j'eus,aussi, quelques tuyaux pour entrer à l'Alhambra quoique sans réservation, « le nez au vent »...Je ne fis même pas la queue , doublant les touristes étourdis avec un allant- bras d'honneur….La visite fut divine...Une persane en burqua , glissait de salle en salle dans une subtile ondulation…..L'élégance et la richesse du tissu indiquait , une femme de haut rang. Son regard était porteur de réserve mais aussi de mille messages. Il m'arrive le matin de prendre le tram (ouais, je prends les transports en commun) , une musulmane voile son visage, au moment de la clôture , toute sa féminité se concentre dans ses yeux qui se chargent de sensualité. Cette digression n'est pas l'apologie de cette contrainte vestimentaire mais constate simplement que la beauté comme le désir arrivent,, à s'exprimer malgré les tabous et interdits...La gazelle persane semblait chez elle en ce lieu qui est symbolisait par cet animal gracieux , elle décryptait dans l'exubérance des arabesques, des azulejos, des motifs floraux et des calligraphies mauresques des des significations étrangères à la plupart des visiteurs. Je ne sais pas si elle avait remarqué que je ne me comportais pas comme le « vulgum pecus » du touriste de base mais elle se mit à s'attarder à fixer un motif jusqu'à je m'approche pour venir le voir alors elle s'envolait jusqu'au prochain motif d'attention ou sourate qui illustrait une décoration florale...Ce fut une belle, riche, intrigante visite que je terminais en plouc...Je suis allé la remercier, elle s'enfuit , à toutes voiles, comme un simorgh sauvage et apeuré,….Je me promenais sous les pergolas des jardins des Partals, rêvant que revienne du royaume des maures, Fernando de Rojas et sa Célestine , cette si habile entremetteuse…

patrick.verroust a dit…

Cordoue ? Bien sur Cordoue, je garde le souvenir d'une magnifique chambre d'hôte dans un petit palais mauresque, un vrai bijou…
Un intermède champêtre, dans la dehesa de Huelva, belle ballade qui se termina à bon porc , un pata negra, bellota...
Séville….une vraie aventure, un voyage en soi...Il fut sacrifié à la corrida, enfin ce fut surtout le taureau qui allait être sacrifié...Je ne suis pas un aficionados mais il faut faire des compromis parfois.. l'histoire vaut d'être narrée parce qu'une myope oublia ces lunettes...Ces fous de tauromachie ne pouvaient accepter que ce spectacle ne fut pas vu...un taxi, avec l'aide de la police revint à l'hôtel, à folle allure, roulant, à droite , à gauche, sur les trottoirs meuglant «  Corrida, Corrida » revint aux arènes dans lesquelles il entra...oui, il entra jusqu'à la première loge…
Séville, ses bars à tapas étudiants en gradins que les touristes ignorent,la chance d'un spectacle rare d'un artiste flamenco. Le public le porte, avec une exigence et une culture qui ne tolèrent pas la facilité , comme en corrida...Señorita !! les soirées sur la rive du Guadalquivir…La jeunesse y babelutte, butine, lutine, bois des bières, gratte des guitares, chante...ambiance...Une sieste royale, dans un jardin de l'Alcazar…
J'ai passé, jadis, au siècle dernier, une semaine sainte, (la semaine, pas moi!) en Espagne, les processions sont effrayantes, la passion qui est célébrée va au-delà par ses macérations et scarifications, de ce fut, probablement, la véritable passion et ce qu'est la symbolique christique…
Zoë, si j'ai trop encombré votre blog...vous m'enverrez en pénitence….

Zoë Lucider a dit…

@Patrick, mon blog est désormais si peu encombré que vous pouvez bien y prendre toute la place qui vous chante, d'autant que vous nous contez là des histoires dignes du Cervantès connu de par là-bas