samedi 31 octobre 2015

J'habite ce monde


Trouvé cette très belle image sur FB ici.

Tous les jours, en ce moment, je m'étonne de la tournure que prend la vie quotidienne, harcelée par l'actualité.
Nous sommes sans cesse assommés par le drame du monde. Les médias nous gavent littéralement de catastrophes, les réelles (guerres à profusion, crash d'avion, accident d'autobus, suicides, crimes etc, ad nauséam) et les potentielles (astéroïdes tueurs, hold up des banques sur nos maigres économies, chantage sur les retraites, ad nauseam aussi    )   
 Par ailleurs, en dépit de la mobilisation citoyenne, nos "décideurs" continuent à programmer les dévastations futures. Alors que la COP 21 est censée prendre les décisions éminemment nécessaires pour nous préserver des catastrophes annoncées, hop! on reprend le chantier de Notre Dame des Landes.  
C'est à se demander si tous ces gens ne gouvernent pas avec un pistolet sur la tempe...

Et pourtant, le monde pourrait être si agréable à vivre. C'est ce que je me dis tous les matins que je préserve des intempestives "news". Le matin, je ne veux rien savoir de cette avalanche de malheurs qui tournent sur la planète, rien de rien. Je regarde le ciel, les arbres, le chat. Je me dis que j'ai beaucoup de chance d'habiter ce tout petit morceau de planète, pour l'instant préservé. Et j'ai quand même une pensée pour tous ceux que le sort et la folie des hommes ont jeté hors de leur vie ordinaire, exposés au froid, à la peur, à la haine.
Je leur dédie ces quelques images paisibles.

Du matin



  


Et du soir


 

 Photos (sauf la première) ZL
 

vendredi 16 octobre 2015

Marguerite Yourcenar "parler aux enfants de choses véritablement importantes plus tôt qu’on ne le fait".

Comme vous le savez ou ne le savez pas, je suis facebookeuse à mes heures et j'y pêche quelques merveilles que je partage ou non sur FB. Celle-ci j'ai eu envie de la partager ici dans une autre mémoire et de l'illustrer avec une photo différente de celle qui l'accompagnait. On est plutôt familier de Marguerite âgée du temps de sa gloire. J'aime cette photo de la petite fille, dont la mère est morte en lui donnant la vie .Elle s'accorde aux propos qu'elle tient sur ce que devrait être l'éducation d'un enfant, que j'approuve absolument .


« Je condamne l’ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu’on la dirait voulue par le système, sinon par le régime. J’ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l’éducation de l’enfant.
Je pense qu’il faudrait des études de base, très simples, où l’enfant apprendrait qu’il existe au sein de l’univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu’il dépend de l’air, de l’eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire.
Il apprendrait que les hommes se sont entretués dans des guerres qui n’ont jamais fait que produire d’autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil.
On lui apprendrait assez du passé pour qu’il se sente relié aux hommes qui l’ont précédé, pour qu’il les admire là où ils méritent de l’être, sans s’en faire des idoles, non plus que du présent ou d’un hypothétique avenir.
On essaierait de le familiariser à la fois avec les livres et les choses ; il saurait le nom des plantes, il connaîtrait les animaux sans se livrer aux hideuses vivisections imposées aux enfants et aux très jeunes adolescents sous prétexte de biologie. ; il apprendrait à donner les premiers soins aux blessés ; son éducation sexuelle comprendrait la présence à un accouchement, son éducation mentale la vue des grands malades et des morts.
On lui donnerait aussi les simples notions de morale sans laquelle la vie en société est impossible, instruction que les écoles élémentaires et moyennes n’osent plus donner dans ce pays.
En matière de religion, on ne lui imposerait aucune pratique ou aucun dogme, mais on lui dirait quelque chose de toutes les grandes religions du monde, et surtout de celle du pays où il se trouve, pour éveiller en lui le respect et détruire d’avance certains odieux préjugés.
On lui apprendrait à aimer le travail quand le travail est utile, et à ne pas se laisser prendre à l’imposture publicitaire, en commençant par celle qui lui vante des friandises plus ou moins frelatées, en lui préparant des caries et des diabètes futurs.
Il y a certainement un moyen de parler aux enfants de choses véritablement importantes plus tôt qu’on ne le fait. »

Marguerite Yourcenar, "Les yeux ouverts."

Dernière minute 20/10/15, un bel hommage de Dominique Hasselmann à Marguerite  
et le 22/10/15 on retrouve Marguerite chez Dominique avec un lien vers un bel article  de DH en 2003 sur remue.net.

vendredi 9 octobre 2015

On ne voit pas le temps passer.

Les chiffres sont sans appel : ma fréquentation de la blogosphère baisse inexorablement.
Je suis très occupée, il est vrai, à de multiples grandes petites affaires. Outre les tâches attendues par mes cercles d'activités (dont quelques jours ultra compacts à Berlin), les travaux divers dans la maison et au jardin, j'ai accueilli tout ou partie de la troupe de comédiens avec lesquels ma fillote s'est lancée dans une aventure théâtrale. Bien qu'ils aient travaillé principalement à Paris, ils ont donné la première à Toulouse et j'étais chargée d'organiser un peu la logistique d'accueil. La jeune troupe débute, a peu de moyens financiers et le projet est ambitieux. "Le peuple lié"   a obtenu l'attention de Philippe Caubère qui leur a prêté sa voix off (celle du Major) et les a gratifiés d'un joli texte d'encouragement que je reproduis ici
"" J'invite et j'encourage avec toute la vigueur possible tous les programmateurs, directeurs et, au-delà, amateurs de théâtre qui le pourront, à se rendre au Théâtre du Gymnase pour assister à l'une des trois présentations de ce spectacle, que je n'ai pas vu puisqu'il est encore en répétitions, mais dont j'ai eu l’occasion de lire le texte auparavant et auquel j'ai eu la chance et l’honneur de participer par l'enregistrement de ma voix incarnant l'un de ses personnages. Pourquoi -à part ça- me direz-vous? Parce que le roman dont il est inspiré et la formidable adaptation qu'en ont tiré Marie Lauricella et Olivia Combes m'ont tout de suite rappelé Le Premier Maître, ce prodigieux film de Kontchalovski de 1965, et surtout La Tragédie optimiste de Vichnievsky (1933), deux œuvres majeures qui ont bouleversé ma génération. Le même climat, les mêmes mots, les mêmes images. En fait : la même histoire. Celle de la grande guerre de libération du peuple russe et du prix qu'il a dû la payer. Et non pas seulement vue, mais vécue ici par les femmes. Un bataillon de jeunes femmes. Vivantes, drôles, enfantines, coquettes, parfois terrifiées, la plupart du temps follement courageuses. Voici, avec le retour sur la scène de cette grande et noble histoire que je pensais jetées aux oubliettes, celui d'un féminisme enfin digne de ce nom. Réel, historique, bouleversant. Ne manquez pas, s'il vous plait, d'aller applaudir ces combattantes héroïques qui prennent le temps de s'habiller joliment avant d'aller mourir, comme ces actrices, metteuses-en-scène ou décoratrices, aussi belles qu'aventurières, n'ayant pas craint de partir vivre en Russie pour y trouver le métier et l'inspiration, avant d'en revenir avec ce joyau de poésie, de fraîcheur, de littérature et de tragédie. Cette merveille de théâtre."

Ils vont se produire à Paris, au Gymnase, une scène peu familière de ce genre de théâtre, mais dont les directeurs fait confiance au talent des deux metteuses en scène.
Inutile de mentionner que j'ai été éblouie par le résultat des deux ans de travail des deux bougresses (adaptation de la pièce, sélection des acteurs -tous impeccables- décors, costumes, tout avec leur seule énergie).   Et fière de ma fillote
C'est un spectacle où se mêlent la poésie, l'émotion, la drôlerie, un texte fort danse et chants  Un petit teaser pour vous donner envie
 
 Toutes les infos ici

A part ça, j'ai lu des livres, de nature différente, mais j'y reviendrai. Un petit teaser là encore ? 

Le foyer, un lieu de repli frileux où l’on s’avachit devant la télévision en pyjama informe ? Sans doute. Mais aussi, dans une époque dure et désorientée, une base arrière où l’on peut se protéger, refaire ses forces, se souvenir de ses désirs. Dans l’ardeur que l’on met à se blottir chez soi ou à rêver de l’habitation idéale s’exprime ce qu’il nous reste de vitalité, de foi en l’avenir.
Ce livre voudrait dire la sagesse des casaniers, injustement dénigrés. Mais il explore aussi la façon dont ce monde que l’on croyait fuir revient par la fenêtre. Difficultés à trouver un logement abordable, ou à profiter de son chez-soi dans l’état de « famine temporelle » qui nous caractérise. Ramifications passionnantes de la simple question « Qui fait le ménage ? », persistance du modèle du bonheur familial, alors même que l’on rencontre des modes de vie bien plus inventifs…
Autant de préoccupations à la fois intimes et collectives, passées ici en revue comme on range et nettoie un intérieur empoussiéré : pour tenter d’y voir plus clair, et de se sentir mieux.
Mona Chollet, Chez soi, une odyssée de l'espace domestique. éditions Zones, 250 pp., 16 €. Parution le 23 avril.
Si vous ne connaissez pas Mona, je vous conseille son site, elle a été pionnière de la communication numérique. Elle y publie à un rythme beaucoup plus élastique encore que le mien, mais il est vrai qu'un essai aussi fouillé que celui qu'elle vient de faire paraitre, ça mange beaucoup de temps. Sur son site une présentation de son opus plus explicite que je ne saurais l'être. Et les mots de minuit avec Cynthia Fleury

Un dernier teaser avant de retourner à mes moutons (sommeil!!!) . La musique de 'Ici les aubes sont plus douces" est en grande partie de Yom et c'est une merveille. Découvrir Yom 

A bientôt! 

mercredi 16 septembre 2015

Un peu de gaieté dans ce monde sinistre

 La Cop 21, vous en avez entendu parler ? Oui ? Non ?
Alternatiba, ?  Remember ? 
Depuis, les  BIZI,  le comité organisateur qui avaient lancé l'initiative  "créons 10, 100, 1000 Alternatiba".
a fait des petits et suscité  une grande mobilisation à l'occasion de la COP 21. Pour tenter d'éviter qu'elle  se termine comme à Copenhague : un fiasco absolu et Rio + 20 dont les maigres résolutions sont restées lettre morte, partout en France les alternatives se rassemblent dans une grande fête pédagogique : on peut faire autrement, la preuve! Le slogan : changeons le système, pas le climat ! 35000 personnes sont venues se baguenauder entre les 200 stands.
J'ai fait partie de cette petite foule, mon appareil photo en bandoulière et même si je connaissais la plupart si ce n'est des exposants eux-mêmes du moins des enseignes, j'ai eu plaisir à en découvrir d'autres.
Quelques captures en illustration. Autant d'intelligence, de savoir-faire et de bonne humeur, ça fait du bien. Allons, il y a de l'espoir, on va s'en sortir.






Elle c'est Loulou pratiquant en direct   l'Ecolocoaching










 Il y avait du Oud, du rock et même ici du tango. Beaucoup de convaincus de l'urgence de changer de système, beaucoup de curieux qui découvraient mille façons de faire autrement tout en se régalant de bière locale (la Garland est délicieuse) et des sandwichs aux herbes. Le stand des glaces n'a pas désempli.
J'ai assisté à une controverse animée par l'Arc-en-ciel Théâtre Forum ou comment aborder tous les conflits sur le mode du débat et de la drôlerie. Le sujet : mon voisin peut-il devenir un élu.
Après deux bonnes heures à arpenter, serrer des mains et claquer des bises, comme il commençait à pleuvoir, qu'à peine descendue de l'avion venant de Berlin et venue directement saluer les copains j'étais épuisée, je suis partie. Mais  requinquée.
Si Alternatiba passe par chez vous, n'hésitez pas, allez savourer l'utopie en marche.

Photos ZL 13/09/15

samedi 5 septembre 2015

L'appel contre les murs

Je relaie intégralement ce texte qu'un ami m'a transmis et qui dit mieux que je ne saurais le faire ce que je ressens et pas depuis deux jours mais depuis toujours.




 (…) La tentation du mur n’est pas nouvelle. Chaque fois qu’une culture ou qu‘une civilisation n’a pas réussi à penser l’Autre, à se penser avec l’Autre, à penser l’Autre en soi, ces raides préservations de pierres, de fer, de barbelés, ou d’idéologies closes, se sont élevées, effondrées, et nous reviennent encore dans de nouvelles stridences. (…)
(…) La moindre invention, la moindre trouvaille, s’est toujours répandue dans tous les peuples à une vitesse étonnante. De la roue à la culture sédentaire. Le progrès humain ne peut pas se comprendre sans admettre qu’il existe un côté dynamique de l’identité, et qui est celui de la Relation. Là où le côté mur de l’identité renferme, le côté Relation ouvre tout autant, et si, dès l’origine, ce côté s’est ouvert aux différences comme aux opacités, cela n’a jamais été sur des bases humanistes ni d’après le dispositif d’une morale religieuse laïcisée. C’était simplement une affaire de survie : ceux qui duraient le mieux, qui se reproduisaient le mieux, avaient su pratiquer ce contact avec l’Autre : compenser le côté mur par la rencontre du donner-recevoir, s’alimenter sans cesse ainsi : à cet échange où l’on se change sans pour autant se perdre ni se dénaturer.
(…) Les murs qui se construisent aujourd’hui (au prétexte de terrorisme, d’immigration sauvage ou de dieu préférable) ne se dressent pas entre des civilisations, des cultures ou des identités, mais entre des pauvretés et des surabondances, des ivresses opulentes mais inquiètes, et des asphyxies sèches. Donc : entre des réalités qu’une politique mondiale, dotée des institutions adéquates saurait atténuer, voire résoudre. Ce qui menace les identités nationales, ce n’est pas les immigrations, c’est par exemple l’hégémonie étasunienne sans partage, c’est la standardisation insidieuse prise dans la consommation, c’est la marchandise divinisée, précipitée sur toutes les innocences, c’est l’idée d’une « essence occidentale », exempte des autres, ou d‘une civilisation exempte de tout apport des autres, et qui serait par là-même devenue non-humaine. C’est l’idée de la pureté, de l’élection divine, de la prééminence, du droit d’ingérence, en bref c’est le mur identitaire au cœur de l’unité-diversité humaine.

(…) Mais la folie serait de croire inverser par des diktats le mouvement des immigrations. Dans le mot« immigration » il y a comme un souffle vivifiant. L’idée d’« intégration » est une verticale orgueilleuse qui réclame la désintégration préalable de ce qui vient vers nous, et donc l’appauvrissement de soi. Tout comme l’idée de tolérer les différences qui se dresse sur ses ergots pour évaluer l’entour et qui ne se défait pas de sa prétention altière. Le co-développement ne saurait être un prétexte destiné à apaiser d’éventuels comparses économiques afin de pouvoir expulser à objectifs pré-chiffrés, humilier chez soi en toute quiétude. Le co-développement ne vaut que par cette vérité simple : nous sommes sur la même yole. Personne ne saurait se sauver seul. Aucune société, aucune économie. Aucune langue n’est, sans le concert des autres. Aucune culture, aucune civilisation n’atteint à plénitude sans relation aux Autres. Ce n’est pas l’immigration qui menace ou appauvrit, c’est la raideur du mur et la clôture de soi. (…)
Les murs menacent tout le monde, de l’un et l’autre côté de leur obscurité. C’est la relation à l’Autre (à tout L’Autre, dans ses présences animales, végétales, environnementales, culturelles et humaines) qui nous indique la partie la plus haute, la plus honorable, la plus enrichissante de nous-mêmes.
Nous demandons que toute les forces humaines, d’Afrique d’Asie, des Amériques, d’Europe, que tous les peuples sans États, tous les « Républicains », tous les tenants des « Droits de l’Homme », que tous les artistes, toute autorité citoyenne ou de bonne volonté, élèvent par toutes les formes possibles, une protestation contre ces murs qui tentent de nous accommoder au pire, de nous habituer à l’insupportable, de nous faire fréquenter, en silence, jusqu’au risque de la complicité, l’inadmissible.

Tout le contraire de la beauté.
Edouard GLISSANT - Patrick CHAMOISEAU

Extrait de « Quand les murs tombent :
l’identité nationale hors la loi ? »   Editions Galaade.


vendredi 21 août 2015

Hommage de l'arbre à Palabres aux arbres de François Matton

Il faut cliquer sur les images pour mieux les voir mais surtout visiter la forêt d'où viennent ces spécimen. Y'a du beau monde. Il est fou ce Matton, folie douce


 

 

vendredi 14 août 2015

Des vivants et des morts

Qu'on se rassure, si ce blog semble dans le coma, ce n'est pas pour cause de maladie ou de disparition par enlèvement de sa rédactrice mais parce qu'elle n'a eu ni le temps -ni le goût sans doute- de s'y consacrer.
D'ailleurs si je consulte la liste des blogs que je suivais régulièrement je constate qu'à part quelques héroïques et vaillants résistants, beaucoup de ceux qui publiaient journellement se sont calés sur une vitesse de croisière qui frôle l'immobilisme voire sont en cale sèche.
Au nombre des multiples raisons qui m'ont tenue éloignée de mon écran (visite d'amis, présence des jeunes acteurs de la troupe de ma fille qui ont fait résidence à la maison) la dernière en date est mon rituel passage (écourté) à Lagrasse pour le Banquet du livre.
Le thème de cette année "ce qui nous est étranger" réunissait une belle affiche dont Lydie Salvayre et Olivier Rolin qui me sont chers comme le savent ceux qui fréquentent l"arbre.
Lydie venait présenter Pas pleurer (j'en avais parlé à sa sortie  ici avant qu'il n'obtienne le Goncourt), Olivier Le météorologue. Je me permets la familiarité du prénom parce que je connais un peu Lydie sur un mode amical et que Rolin m'est comme un frère, je ne sais pourquoi.
Lydie a perdu sa chevelure flamboyante (chimio) et m'est apparue avec une sorte de duvet d'argent au-dessus de son bel ovale, je l'ai trouvée magnifiée. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps d'échange, elle devait repartir (contretemps imprévu lié aux soins qu'elle continue de recevoir) et était bien-sûr accaparée par tous ceux et celles qui l'admirent et sollicitaient un autographe. Il n’empêche, "je me croyais inoxydable, m'a-t-elle dit et j'ai bien dû admettre que ce n'est pas le cas. Humilité radicale. Sa conférence était orientée sur les vertus du ressourcement de la langue par les parlers populaires et les fantaisies qu'y introduisent les collisions entre les langues comme c'est le cas pour le fragnol, terme qu'elle utilise pour désigner le langage de sa mère acclimatant des termes espagnols au sein d'un continuum francophone. Hélas, le langage aseptisé des médias a éradiqué cet humus naturel. La langue s’ankylose.
Une personne délicieuse m'ont dit les amis qui la découvraient.
Quant à Rolin il nous a fait partager une réflexion "crépusculaire" (dixit) sur la disparition programmée de la littérature, le vocabulaire se désertifiant au profit d'une sorte de globish. Il vient de faire paraître une somme imposante Circus I et II  qui rassemble ses écrits de 1980 à aujourd'hui. Il a un regard critique sur son entreprise d'auteur et bizarrement s'est étonné qu'on méprise les prix (était-ce parce que Lydie était présente?) alors qu'on le sait, il a professé à une époque l'abolition du système de façon radicale. Dans son dernier roman, la biographie d'un homme "ordinaire" broyé par le système stalinien, il soulève la question qui n'aura jamais de réponse : que serait devenue la belle utopie communiste si un tyran ne l'avait ensanglantée de ses crimes. Après Staline, l'avenir radieux s'est définitivement assombri et le Grand Capital règne en maître absolu, chosifiant les êtres aussi bien que toutes choses et reléguant bientôt la littérature au rang des lettres mortes. Oui, il n'était pas gai l'ami Rolin et les quelques mots que j'ai échangés avec lui m'ont semblé ceux d'un homme dépressif. Vieillir n'est pas facile décidément.
Pour le dérider, je lui ai conseillé d'écouter La Tordue, la vie c'est dingue . Un petit enfant scande d'une voix fluette chaque couplet d'un refrain "le plus important c'est d'être pas mort". Hé oui, pas mieux.
Hélas, Sólveig Anspach (Queen of Montreuil, Lulu femme nue) s'est fait manger par le crabe  mais Jean Rochefort lui est bien vivant. *
Tiens bon Jean, le plus important c'est d'être pas mort.
Et c'est valable pour ce blog...
On aura remarqué que pas une photo n'illustre mes propos. Afin de vous permettre tout de même de respirer un peu, en voici une, prise au bord d'une rivière, lors d'un pique-nique improvisé, sur la route qui me conduisait vers les Cévennes pour fêter les 75 ans d'un ami, en pleine forme. Que les Dieux des forêts le protègent.

* puisqu'on parle de langue, de littérature et de Jean Rochefort, je ne résiste pas au plaisir de vous faire partager Madame Bovary"résumé" par JR en "boloss