mardi 18 mars 2014

L'éclair au front.

Victor Brauner « Le Carreau », manuscrit autographe de René Char peint à la gouache et à l’aquarelle. Signé par l’auteur et dédicacé par le peintre à sa femme (mai 1950). Image tirée de « Victor Brauner », Centre Pompidou (janv.1996)


"Le fascisme ne fait que recouvrir ce que "la gauche" et ses intellectuels d'outre gauche lui ont permis d'occuper, dans les plus imbéciles des malentendus. les positions dans le vide et l'invivable mènent à cela."
René Char écrit ces mots d'une lucidité imparable alors que De Gaulle organise par son référendum de 1958 "le suicide de la IV ème République". Char soupçonne De Gaulle qu'il tient en très piètre estime (il l'a rencontré en Afrique du Nord alors qu'il était mandaté pour conduire les troupes françaises dans leur débarquement au Sud de la France) d'installer un franquisme à la française.
J'ai trouvé en me promenant sur les quais, lors de mon dernier passage à Paris la biographie que Laurent Greilsamer a publié en 2004 chez Fayard. On connaît ici ma prédilection pour la poésie de Char qu'on dit hermétique alors qu'elle est un concentré d'éclats somptueux d'intuitives harmonies du langage qui fouillent au plus profond de l'humain.
Quant à sa vie - qu'il refusait qu'on mette en pages de son vivant- c'est une extraordinaire épopée de la recherche obstinée de la liberté et de la vérité. Char c'est aussi un ogre, amoureux de la vie, des femmes dont il disait qu'on ne les séduisait pas mais qu'on butait contre elles.
Char c'est un ami fidèle mais qui ne pardonne aucun compromis avec la médiocrité. Il classe les humains en trois catégories "les gentils, les merdeux et les génies". Il aura fréquenté les artistes du mouvement surréaliste mais leur tiendra rigueur (surtout à Aragon) de leur mutisme sur les exactions staliniennes. On le connaît sous le nom d'Alexandre comme chef aimé et admiré de la résistance de la région d'Avignon. Cependant, à la fin de la guerre il n'éprouvera que mépris pour les ralliés de dernière heure et leur zèle à châtier les collaborateurs. Il a refusé de participer à "l'épuration". Il sera marqué toute sa vie par ces années où il a dû ordonner voire infliger lui même la mort à ceux qui menaçaient le réseau des maquisards. Lui qui respectait tout ce qui vivait, les oiseaux, les écureuils , les chiens et surtout deux animaux emblématiques le loup et le serpent.
Char c'est courage, fermeté, dignité et la poésie comme oriflamme.
La biographie est ici un exercice d'admiration mais sans dithyrambe, une trame habile tissée de ses œuvres, de ses amitiés et de ses amours.
Camus a tenu une place essentielle dans la vie de Char. Il était "son frère", un être "absolument bon", dont il a dû organiser les funérailles alors qu'ils venaient de passer quelques jours ensemble à Lourmarin avant que la Facel Véga de Gallimard ne quitte la route à Villeblevin le 4 janvier 1960.  Camus meurt sur le coup, Michel Gallimard cinq jours plus tard.
Il était l'ami de génies comme Picasso, Giacometti ou Brauner, mais il aimait fréquenter les anonymes, les hommes de la terre, de cette terre des eaux de la Sorgue, et partager avec eux dans le silence la jouissance de la lumière et des parfums d'un pays qu'il aime profondément.
Mais il sait déjà que ces paysages sont menacés par l'appétit du gain des grandes compagnies ou par les projets absurdes de l'Etat comme l'installation d'ogives nucléaires sur le plateau d'Albion contre lequel il se battra en mobilisant tous ceux qu'il connait, (et son carnet d'adresses est prodigieux) en vain. La base sera inaugurée en 1968 et démantelée en 1996.
Il n'aura pas le bonheur amer de s'en féliciter en même temps que de constater l’imbécillité d'un tel gâchis. Il meurt le 19 février 1988.
"La mort n'est qu'un sommeil entier et pur"

mercredi 5 mars 2014

Paco de Lucia le Magnifique


On envie ceux qui vont l'avoir pour colocataire au Paradis
Adios Amigo.

vendredi 28 février 2014

jeudi 13 février 2014

Zoë, le retour.

Le blog avait reculé en arrière plan ces jours-ci. En quelques jours, je me suis déplacée plusieurs fois dont trois fois à Paris. Par ailleurs, je suis dans un vrai chantier affectif et spatial dont je ne dirai rien de plus mais qui m'a occupée en permanence et devrait me mobiliser encore beaucoup.
Alors qu'ai-je fait de racontable ?
J'ai eu le plaisir de passer quelques jours à Paris en compagnie de l'amie avec qui j'ai arpenté les rues de la capitale du temps de notre belle jeunesse et c'était la première fois que cela nous était possible. Nous nous rencontrons dans nos campagnes respectives mais pas sur les traces de notre ancienne vie parisienne. Pas de nostalgie, du plaisir à savourer ensemble quelques heures de baguenaudes. Le temps qui menaçait la veille nous a fait la grâce du soleil.
Nous sommes allées voir l'exposition de la Halle Saint Pierre.


cartonkatuOK/5.

 C'est la troisième fois que je visite ce temple de l'Art brut. A chaque fois des découvertes et surtout cette impression forte d'artistes qui ne prétendent pas en être mais consacrent leur temps de façon absolue à leur recherche. La majorité des œuvres présentes sont le fruit d'existences bannies. La plupart des artisans de ces toiles ou de ces objets baroques hantés par des obsessions, des hallucinations, des obstinations ont passé leur vie en asile. Certains ont entrepris des études d'art mais ont été rejetés par l'institution. Ils ont en commun des itinéraires de vie chaotiques (orphelinats, maltraitance, ruptures diverses), une spiritualité gouvernée par des forces occultes. Et pourtant la couleur et l'exubérance prédominent. 

Aloise Corbaz, Coquille-Venus (verso) sans date, Crayons de couleur sur papier, 200 x 43 cm. Galerie du Marché, Lausanne
Aloïse Corbaz, Vénus Coquille.

La minutie des réalisations également. C'est un art généreux d'autant plus riche qu'il ne prétend pas à la postérité. Au contraire, il a été le plus souvent conçu dans des lieux modestes, à l'écart du monde  voire dans un atelier attaché à un établissement psychiatrique. Certains  comme Adolf Wölfli  y ont passé la majeure partie de leur vie. Pour les rencontrer, aller à la Halle Saint Pierre qui offre une restauration agréable et une belle librairie consacrée à l'art et à l'Art brut bien-sûr

Nek Chand - Rock Garden. India 
Nek Chand, Rock  Garden. India

Alphabet, Dalton Ghetti, série de mines de crayons sculptées. Collection de l’artiste 

Vous pouvez retrouver les figures majeures de l'Art brut, cet art mis en lumière par un psychiatre Hans Prinzhorn et que Dubuffet a relayé avec enthousiasme sur ce site.

Quoi d'autre ? Vu quelques films qui m'ont enchantée et que je vous recommande. Je n'en ferai pas le commentaire mais vous trouverez toutes les infos sur vos sites préférés et si vous n'en avez pas je vous livre les liens. 
Je le conseille à toute femme dont la vie s'est ternie et s'est dissolue  dans la grisaille d'un quotidien sans tendresse et sans  poésie. Merveilleux interprètes : Karin Viard, Bouli  Lanners, Claude Gensac (la biche de Louis de Funès dans beaucoup de ses films ). Ça requinque.
Un thème qui pouvait être un tire-larmes, traité avec sobriété, humour et gravité,  cette horreur que peut être l'arrachement d'un enfant à sa mère (merci les nonnes!). Judy Dench, Steve Coogan, un duo improbable que Frears filme avec délicatesse. 
Un pur délice. Deux solitudes qui se prennent à se désirer avec comme lien de savoureux petits plats délivrés par erreur. Par de petites lettres échangées dans cette lunchbox qui a dérivé de son cours, peu à peu s'engage un dialogue intime. Une visite de Bombay entre hyper modernité et services désuets, surpopulation et moderne solitude. Une merveille, bourrée de notations subtiles, qui ouvre l'horizon aux femmes délaissées. Le film avait obtenu le prix de la semaine de la critique à Cannes. Plus que mérité.
Mandela Un long chemin vers la liberté, Justin Chadwick 
L'exercice était périlleux. Mandela est une icône, son visage, sa voix sont très connus, il est encore vif dans les mémoires. J'avais vu le documentaire qu'Arte lui avait consacré. Eh bien j'ai été totalement séduite par l'interprétation d'Idris Elba des faits (connus) tirés de son autobiographie d'un Madiba tout en nuances qu'il incarne  de ses jeunes années d'avocat pugnace et séducteur à sa sortie triomphale de prison.  Naomie Harris / Winnie  nous donne à sentir comment les humiliations transforment  une jeune femme aimante et enjouée en une guerrière haineuse, impitoyable à l'égard des Blancs mais aussi des Noirs traites à la cause. Une leçon d'histoire et d'humanité.
En résonance au combat de Mandela,  une bonne nouvelle : Ousman Sow à l'Académie des Beaux Arts.
 
Quoi d'autre ? Hélas, l'actualité c'est aussi ça  et  ça et bien d'autres tristes régressions de tout poil. Mais j'avais envie de légèreté pour ce retour en blogosphère.

Et je terminerai sur cette photo d'une sculpture qui se trouve à Beaubourg (où je suis allée musarder) dans la partie du Musée dédiée aux œuvres les plus récentes. Elle m'a amusée. Elle aurait pu se trouver à la Halle Saint Pierre, non ?



Barry Flanagan (1941-2009), Soprano, 1981.


samedi 25 janvier 2014

Zone de turbulence

Comment dire. Chamboulement, déménagement, arguties, cogitations, interprétations, interpellations, silences obstinés, regards noirs, pluie, pluie.
Lumière, là, tout au bout, envol.
Mais tenir, s'y tenir. Coire en la "magie sienne". (Deborah Choc)

Déborah Chock - Croire en la magie sienne 

Et puis dire un mot d'adieu à une tendre amie qui vient de mourir brutalement.  Endormie,  elle ne s'est pas réveillée. Mon amie,  toujours en retard, pourquoi alors mourir si vite ?


Le chien Bolo aura beau guetter à s'en noyer les yeux, elle ne reparaitra plus et la fontaine qui coulait à l'entrée de sa maison pleine d'objets moulés de ses doigts, de peintures et de musique va émettre en vain son joyeux gargouillis dans la résignation muette des murs qui ne l'abriteront plus.


J'avais raconté une de mes visites à Souf ici

dimanche 5 janvier 2014

Et vous ça va ?

Après ces fêtes si tant joyeuses, j'ai un coup de mou. Je vais faire une pause. Un mantra pour soutenir ce nécessaire temps de méditation.

lundi 30 décembre 2013

Retrofestive 2013.

Pour conclure cette année,  mon cinquante deuxième post (eh oui, le rythme est devenu quasi hebdomadaire et ça me convient) pour accompagner donc le  passage de l'année 2013 à la  nouvelle  que je vous souhaite pleine d'amitié et de plaisirs aussi simples que ceux que je vous offre ci-dessous.
D'accord, c'est un peu étouffe-chrétien, mais faites comme dans un buffet, picorez...

janvier 2013
Un de mes préférés  Avishaï Cohen deux heures de concert à Paris comme si vous y étiez.


 Ma fillote, deux ans. Déjà - et toujours - curieuse (scan)

Deux accompagnatrices qui lui vont bien Esperanza Spalding et Gretchen Parlato



La chaine des Pyrénées vue de ma fenêtre (7/03/13). Le bois au premier plan est la branche la plus haute du cerisier.

Martha Argerich  dit à sa fille dans Bloody Daughter qu'elle aime jouer Rachmaninov (ici le Concert pour Piano n°3)


 Amusant non ? (14 /04/2013)

Autre pianiste, de jazz lui, Roberto Fonseca, jeune prodige  (comme Martha) mais élevé à La Havane au milieu des grands du jazz afrocubain (il a joué avec les vétérans du Buena Vista Social Club.


Vous ai-je jamais dit que j'aimais les vaches ? Cluny 26/05/13.

Vous ai-je dit que j'aimais Anna Calvi ?

Les roulottes d'accueil du théâtre de verdure  de la Girandole aux murs à pêches  Montreuil (01/06/13)

Un peu de jazz manouche, Bireli Lagrene, Thomas Dutronc, pas forcément le meilleur mais tellement sympatoche

Il faut que le hasard renverse la fourmi pour qu'elle voit le ciel. Proverbe arabe

Ibrahim Maalouf, Hashish . Spéciale dédicace à Sergeant Pepper


Méditation. 22/08/13 
Et pour l'accompagner un duo de hang drums.

Paris, le Marais, 15/09/13
Un autre duo, Adèle B & Zalem didgéridoo Duet.


 

Recyclart, Alternatiba, Bayonne 06/10/13  

Avez-vous déjà croisé l'extraordinaire instrument de Louis ?  


 

Florence 13/11/13

Philippe Jaroussky , magnifique contre ténor, interprète Vivaldi, "Aria Vedro con mio diletto"

 Pour finir et vous souhaiter un excellent réveillon en compagnie de ceux que vous aimez.


 Le surréalisme et l'objet.  Jusqu'au 3 mars 2014. Centre Pompidou 

J'avais hésité entre deux morceaux de Roberto Fonseca, je vous donne lecture de l'autre, c'est trop beau!

A tous mes amis et amies chéri(e)s, mes amis blogueurs et à toutes les âmes de bonne volonté. 
  Bonne année !!! 

Une petite suggestion : si vous avez envie d'enrichir cette modeste playlist, vos suggestions sont les bienvenues. je les posterai en bonne place ici même.

Et voici la rubrique brillamment initiée par Sergeant Pepper.
Léo Ferré récitant Rimbaud, merci Iris .

Photos ZL, toutes 2013, sauf la fillote, un peu plus ancienne.