vendredi 30 mars 2012

Sisyphe est malheureux


Je dois reconnaître que j'ai un peu de mal à reprendre le sillon sur le blog. Outre que je suis partie pendant plusieurs jours, pendant mon absence (relative) "l'affaire" * a explosé et je ne suis pas bien remise de ses conséquences.
A Toulouse, c'est une grosse émotion. Le quartier des Izards où l'ex "ennemi public" a passé sa petite enfance, je le connais bien et notamment cette rue des Chamois où était implanté un projet pilote de structure d'accueil de petits enfants (Beb'Izou) où on pratiquait la mixité sociale, la solidarité et la prévention précoce. C'est aussi de ce quartier que les frères Amokrane ont entamé leurs aventures culturelles (Vitécri, Origines contrôlées, Zebda) et politiques (le Tactikollectif, les Motivés). Ils sont effondrés. Ils vivent pour eux-mêmes et collectivement le drame de Sisyphe qui voit dégringoler le rocher qui a coûté tant d' effort à hisser au sommet de cette satanée montagne: "la naturalisation sociale". (Ne pas oublier que Sisyphe est puni d'avoir osé révéler ce qu'il savait des Dieux).

Un drame de cette envergure, outre le malheur qu'il inflige aux familles directement atteintes, entraine pour toute une population un surcroît de torture : se vivre comme appartenant dans l'esprit des autres à une engeance dangereuse, subir un amalgame outrageant, une nouvelle surenchère de mépris, craindre des représailles aveugles, l'excès de zèle des "gardiens de l'ordre. Bref renouer avec la peur et la mortification.

Un jeune homme en visite aujourd'hui, alors qu'il habite dans une petite ville du Tarn me confie que sa mère ne croise plus les femmes maghrébines qu'elle rencontre d'ordinaire. Elles auraient la consigne de ne pas sortir pour cause d'atmosphère dangereuse. En ont-elles seulement envie ? Ne sont-elles pas elles-mêmes horrifiées et sourdement anxieuses, tous les jours, de ce que leurs enfants risquent de vivre, qu'ils soient des fauteurs de trouble ou traités comme tels.

Je n'insisterai pas ici sur le dégoût et la honte ressentis à l'écoute de certains propos, alors que j'ai évité le plus possible les images et le cirque médiatique déployés. Mon absence du pays m'y a aidé.
Je ne m'appesantirai pas sur mon extrême perplexité devant un fait divers qui ressemble trop bien au scénario d'un mauvais film dont la sortie programmée est censée remplir les salles.

Dire simplement la désolation envahissant tout humain qui cherche à cultiver un peu d'espoir, timidement et au jour le jour d'échapper à la barbarie absolue.

*Je ne citerai pas le nom qui a tant circulé ces derniers jours.
Le titre rappelle la phrase célèbre de Camus "il faut imaginer Sisyphe heureux".

mercredi 14 mars 2012

En v'là du vrac en v'là !

Arcimboldo

Jean Michel Basquiat

Le printemps de retour, le jardin me mange tout le temps laissé disponible par le reste. Aussi, je ne peux vous proposer guère mieux qu'un petit interlude grâce à une moisson repêchée dans mes brouillons où je l'avais stockée. De l'hétéroclite à souhait.
Un Fabrice Luchini totalement barré.
Un Canadien qui nous délivre quelques constats utiles, ben ouais .
Une blague idiote.
En contrepoint : aidez le à perpétuer le courant d'air.
De toute façon qu'on se le dise les riches ne sont pas heureux. Bien fait !
Un moment d'anthologie : Nasser et le voile.
Pour accompagner dignement cette composition totale foutraque il fallait au moins Marcel et son orchestre

That's all folks. Que la vie vous soit clémente.

jeudi 8 mars 2012

D'habitude on range, aujourd'hui on dérange !

D'habitude on range, aujourd'hui on dérange, un des slogans phare de la manifestation "grève des femmes" du 8 mars à Toulouse. Une manif joyeuse, bourrée d'énergie, de chants et de rires



Les artistes du collectif cocktail ont ponctué la manifestation de leurs performances


Ici devant le TNT ( Théâtre National de Toulouse, en collants couleur clair, accompagnées d'une musique ad hoc, elles écrivent sur la vitre façade du TNT au rouge à lèvres "art must be beautiful / artist must be beautiful" en référence au manifeste de l'artiste Marina Abramovic qui dénonçait avec cette performance l'injonction à la beauté qui est faite aux femmes dans l'art.
Puis elles nettoient ces écritures avec des chiffons pendant que l'une d'elles déclame les chiffres du rapport du ministère de la culture 2006

– 97% des musiques que nous entendons dans nos institutions ont été composées par des hommes.
– 94% des orchestres programmés sont dirigés par des hommes.
– 85% des textes que nous entendons ont été écrits par des hommes.
– 78% des spectacles que nous voyons ont été mis en scène par des hommes.
– 57% ont été chorégraphiés par des hommes.

Ce sont des hommes qui dirigent :
– 92% des théâtres consacrés à la création dramatique.
– 89% des institutions musicales.
– 86% des établissements d'enseignement.


Devant la Préfecture, elle sont debout et silencieuses, avec devant chacune d'elle une pile de papiers. Elles en font des boulettes qu'elle font semblant d'avaler ou fourrent dans leurs collants, pendant qu'une femme du collectif dresse la liste des sévices subis par les femmes dès lors qu'elles sont immigrées : double et triple peine et qu'on entonne "Laissez passer les sans papiers".




Devant les Galeries Lafayette, une pile de vêtement à leurs pieds, elles les enfilent les uns sur les autres. Une femme du collectif décline les difficultés des femmes dans leur univers de travail : salaires misérables, le travail féminin dévalué, la précarité imposée, le harcèlement des petits chefs. Ajoutons la fréquence des violences (un viol toutes les sept minutes, un meurtre tous les trois jours), les femmes en ont assez et l'ont hurlé dans la rue.

Un peu de nettoyage, une habitude. Pire, une manie, n'est-ce pas, et il y a beaucoup à faire, sans conteste.

Une jolie clown distribue des bisous sur toutes les joues, qu'on soit au cœur du cortège ou sur les trottoirs .
Une belle occasion de recharger ses batteries d'énergie 100% écologique et de constater que la relève est en marche. Beaucoup de jeunes femmes.

Lien Elle est bien jolie la relève.

Un rajout aujourd'hui (10 mars) une vidéo

mercredi 7 mars 2012

dimanche 4 mars 2012

Du tag au tag



Euterpe m'a taguée en m'infligeant (ainsi qu'à plus d'une douzaine d'autres martyres) un questionnaire pas fastoche. Bon, allons-y.

Qui portait le surnom de "La Boiteuse" au XVIe siècle ?
L'arrière arrière ... grand mère de Sarah Bernhardt ?

Un grimpereau peut-il voler ?
En delta plane peut-être

Comment dit-on "pilote d'aérostat" en un mot ?
Un montgolfier ?

Quelle plante aimerais-tu humer à ton réveil (à part la plante des pieds) ?
Du lilas. Quand je vais chez la fleuriste je n'achète que du lilas.

Es-tu capable de te diriger dans l'obscurité ?
Ca dépend de où à où, j'évite les parapets.

Quelle est ta recette végétarienne préférée ?
Betterave et pommes râpées avec pignons, pointe d'ail et huile d'olive.

Que veut dire "rabotaïou" (et en quelle langue) ?
Corse peut-être, un avare?

Quel végétal a des feuilles à mille trous (fastoche) ?
Millepertuis, (raaah au moins une bonne réponse, nan ?)

A quand ton premier saut en parachute ?
Mon premier serait mon dernier : arrêt cardiaque

De qui aimerais-tu un autogramme ?
Jimi Hendrix

Quelle écrivaine francaise a écrit la pièce de théâtre "Le Mallade" (avec deux "l" ; question pour seiziémiste) (pas facile) ?
Une écrivaine imaginaire.

Voilà un post rondement mené. En ce moment c'est juste parfait. pas bien le temps de faire mieux.
Comme je ne taguerai personne, je n'ai même pas à inventer onze nouvelles questions mais je vous laisse un lien vers un questionnaire célèbre . Naturellement vous pouvez dans vos commentaires reprendre tout ou partie de ce questionnaire. Vos réponses m'intéressent.

vendredi 24 février 2012

Cette France-là

Dominique Hasselmann (qu'il en soit remercié) donnait à voir ce jour dans son TàG quelques photographies de Reza, peintre iranien.
J'ai suivi un lien menant au très beau webistan du photographe. J'en ai extrait cette photo commentée par ce qui suit et qui m'émeut, tant je crains que même cela soit menacé.



La France est le pays d’accueil de mon exil. Elle est mon port d’attache sur ma route de nomade. La France est le pays d’accueil de nombreux exilés politiques ou économiques, qui ont trouvé ici une terre où vivre plus librement, plus démocratiquement, plus justement. Il existe une association, France Terre d’Asile (FTDA), qui, depuis de nombreuses années, aide les réfugiés dépourvus de repères qui arrivent sur le sol français. Durant les premières semaines de leur vie dans cet ailleurs si différent de ce qu’ils ont connu, ils peuvent vivre dans deux centres de FTDA, l’un à Puteaux, l’autre à Créteil.
Pendant que les parents suivent des formations et mènent les démarches administratives nécessaires à leur intégration, des éducatrices aimantes et dévouées s’occupent des enfants. Si la communication ne peut se faire par la parole, elle se fait par la chaleur et la sincérité de leur amour. Cette France-là, loin des barreaux, du racisme et de l’intolérance, est le pays d’accueil de mon exil.

(...)

L'histoire de Reza n'a rien d'anodin.
La connaître, c’est obtenir la clef pour mieux comprendre son travail. Né il y a 50 ans en Iran, il découvre très vite une arme formidable pour défendre la liberté : le journalisme. A l’ère des dictatures – celle du Shah d’abord, du régime islamiste ensuite – il ne fait pas bon être rebelle. Reza connaît la prison, la torture, l’exil.
Depuis 1981, date de son départ du pays natal, il habite de ce côté-ci du monde, celui de l’Occident. Mais régulièrement, il refait sa valise, visse son objectif et repart de l’autre côté, vers ceux qui vivent la lutte et la douleur.
Du Maghreb à l’Asie, de l’Afrique aux Balkans, Reza arpente le monde, ou plutôt son monde.

mardi 21 février 2012

Tous Grecs!

Je transmet une tribune parue lundi dans Libération. Je n'ai rien de plus nécessaire à exprimer. Merci Raoul et Yannis.



LA GRÈCE, BERCEAU D'UN AUTRE MONDE

Pour un soutien au combat du peuple grec et pour une libération immédiate des manifestants emprisonnés.

Non, bien que dramatique, ce qui se déroule en Grèce n'est pas une catastrophe. C'est même une chance. Car le pouvoir de l'argent a, pour la première fois, dépassé allègrement le rythme jusque-là progressif, méticuleux et savamment organisé de la destruction du bien public et de la dignité humaine. Et ce, sur une terre aussi réputée pour sa philosophie de vie aux antipodes du modèle anglo-saxon que pour sa résistance inlassable aux multiples oppressions qui ont tenté de la mettre au pas. Le Grec ne danse pas et ne dansera jamais au pas de l'oie ni en courbant l'échine, quels que soient les régimes qu'on lui impose. Il danse en levant les bras comme pour s'envoler vers les étoiles. Il écrit sur les murs ce qu'il aimerait lire ailleurs. Il brûle une banque quand elle ne lui laisse plus les moyens de faire ses traditionnelles grillades. Le Grec est aussi vivant que l'idéologie qui le menace est mortifère. Et le Grec, même roué de coups, finit toujours par se relever.

Oui, l'Europe de la finance a voulu faire un exemple. Mais dans sa hargne à frapper le pays qui lui semblait le plus faible dans la zone Euro, dans sa violence démesurée, son masque est tombé. C'est maintenant, plus que jamais, le moment de montrer du doigt à tous son vrai visage : celui du totalitarisme. Car il s'agit bien de cela. Et il n'y a qu'une seule réponse au totalitarisme : la lutte, tenace et sans concession, jusqu'au combat s'il le faut, puisque l'existence même est en jeu. Nous avons un monde, une vie, des valeurs à défendre. Partout dans les rues, ce sont nos frères, nos sœurs, nos enfants, nos parents, qui sont frappés sous nos yeux, même éloignés. Nous avons faim, froid, mal avec eux. Tous les coups qui sont portés nous blessent également. Chaque enfant grec qui s'évanouit dans sa cour d'école nous appelle à l'indignation et à la révolte. Pour les Grecs, l'heure est venue de dire non, et pour nous tous de les soutenir.

Car la Grèce est aujourd'hui à la pointe du combat contre le totalitarisme financier qui partout dans le monde détruit le bien public, menace la survie quotidienne, propage le désespoir, la peur et la crétinisation d'une guerre de tous contre tous. Au-delà d'une colère émotionnelle qui se défoule en détruisant des symboles d'oppression se développe une colère lucide, celle de résistants qui refusent de se laisser déposséder de leur propre vie au profit des mafias bancaires et de leur logique de l'argent fou. Avec les assemblées de démocratie directe, la désobéissance civile, le mouvement « Ne payons plus » et les premières expériences d'autogestion, une nouvelle Grèce est en train de naître, qui rejette la tyrannie marchande au nom de l'humain. Nous ignorons combien de temps il faudra pour que les peuples se libèrent de leur servitude volontaire mais il est sûr que, face au ridicule du clientélisme politique, aux démocraties corrompues et au cynisme grotesque de l'Etat bankster, nous n'aurons que le choix – à l'encontre de tout affairisme – de faire nos affaires nous-mêmes.Lien

La Grèce est notre passé. Elle est aussi notre avenir. Réinventons-le avec elle !

En 2012, soyons tous Grecs !

Raoul Vaneigem et Yannis Youlountas

J'ajoute une info que je reçois ce jour qui me réjouis :

Grèce : A l'occasion de la cérémonie de commémoration de la libération de la ville, les élèves du secondaire de Ioannina (Nord de la Grèce, Épire)
défilent devant la tribune des officiels en détournant la tête et en envoyant des "moutzes" (insultes gestuelles).

Les défilés scolaires et militaires traditionnels de la fête nationale du 25 Mars à venir s'annoncent brûlants...