mardi 31 mars 2015

Tunis Forum Social Mondial 2015. Aperçus


Ci-dessous des extraits d'un article de Christophe Ventura
"Cette fois-ci, le FSM a jeté l’ancre dans un pays endeuillé par les attentats djihadistes du musée du Bardo et mis à mal par les multiples crises – économique, sociale, politique et géopolitique – qu’il affronte. (...)
Dans ce contexte, le bilan quantitatif du FSM est positif. Le choc du Bardo ne semble pas avoir affecté – ou peu – la participation à l’événement. C’est une victoire en soi. Être présent après les dramatiques évènements constituait un acte de solidarité politique et un test pour la crédibilité collective du FSM et du mouvement altermondialiste. Il est malaisé d’annoncer des chiffres vérifiables quant à la participation finale, mais celui de 50 000 personnes provenant de 125 pays circule et est largement repris (...)
le FSM ouvre un espace favorable au développement de liens, d’échanges et de transactions entre des mondes éloignés mais connectés, en recherche de complémentarités et de construction de relations profitables durables. De ce point de vue, il s’agit donc d’un espace utile. Utile, il l’est également parce qu’il est le seul disponible au niveau international.
Pour autant, le FSM ne constitue pas un pouvoir de la « société civile », et il évolue désormais dans des conditions historiques distinctes de celles qui ont présidé à sa création. (...) Il constitue ce moment où un « tout diversifié » conflue avant de se redéployer au travers des flux. (...)
"aujourd’hui, au FSM ou dans nos pays, le fait qu’il n’y ait pas de traduction politique de nos idées et de nos propositions aboutit à une nouvelle situation : nous produisons de la frustration ! »

Sans autre commentaire car je ne saurais mieux dire et après une semaine immergée dans les assemblées et une journée consacrée à ma seule personne (visite de Sidi Bou Saîd, je vous en reparlerai), je dois éplucher une avalanche de mails et autres délices. 

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Pour les détails et ceux que ça intéresse voir ici
Les gaz de schiste en Algérie et une manif d'enfants tunisiens ici

dimanche 15 mars 2015

Bêtes de foire

"A ceux qui restitueront sa poésie à la vie quotidienne, rien ne résistera." Raoul Vaneigem, (trouvé sur le Journal de Jane)

Hier, j'ai eu le plaisir de découvrir Bêtes de foire, un spectacle délicieux. Un petit chapiteau (jauge de 130 spectateurs). Au centre   une  piste où les deux artistes engagent le spectacle en nous fixant au travers d'énormes loupes de sorte que leurs bouches ou leurs yeux sont  monstrueux.
Cirque décalé, qui se moque de lui-même. Alternance de jonglage farfelu, de numéros de marionnettes - un fildefériste en métal, des danseurs étroitement enlacés-, un numéro de chien dressé absolument hilarant -le chien refuse toute injonction et se traine sur le ventre pour rejoindre son tabouret où il s'endort illico. Lui, Laurent Cabrol dégingandé au visage keatonnien se déplace en biais. Son numéro de jonglage buccal est extraordinaire - visage déformé par les balles de ping pong qu'il envoie ensuite en l'air à l'aide du souffle. Elle, Elsa De Witte, installée derrière une machine à coudre trifouille et manipule des morceaux de tissu et rythme avec le prix de la machine les péripéties de son partenaire. Les numéros se succèdent sur un mode foutraque alors qu'ils sont calés au millimètre. Pour conclure, Elsa apparait affublée d'un curieux justaucorps boursouflé, elle se plie en deux et deux marionnettes surgissent de sa métamorphose qui entament un fox trot endiablé.
Bref, à voir avec ses enfants et ses papys. Une belle tranche de rire et de poésie   


Bêtes de Foire - petit théâtre de gestes est le fruit de la rencontre entre Laurent Cabrol, circassien et Elsa De Witte, costumière-comédienne. Après avoir fait ses classes auprès d’Annie Fratellini, Laurent cofonde les cirques Convoi Exceptionnel et Trottola, tout en multipliant les rencontres artistiques : Raphaëlle Delaunay, cirque Romanès, Théâtre du Rugissant dans lequel il retrouve Elsa. Elle, elle vient de compagnies de théâtre de rue : Cie Babylone, les Alama’s Givrés et cultive son amour pour les histoires simples et populaires, tout en approfondissant un travail sur le détournement de matériaux usés, qu’ elle recycle et embellit.
Le spectacle est à l’image de leur parcours, un mélange de cirque, marionnettes, théâtre et danse. (extrait de la  présentation ici)

 

lundi 9 mars 2015

Le Sel de la Terre

Je n'avais pas encore vu le documentaire de Wim Wenders, "Le sel de la terre". Il passait aujourd'hui dans mon petit cinéma provincial à 14h30 et malgré le soleil resplendissant qui m'invitait plutôt à m'occuper du jardin, je ne voulais pas manquer cette découverte.
 Wim Wenders a rencontré Sebastião Salgado par une de ses photos, celle d'une femme touareg aveugle.

Wenders va entreprendre plusieurs années plus tard, en duo avec le fils du photographe Juliano de réaliser un documentaire - hommage à cet homme qui "aime les êtres humains et, après tout, ce sont les êtres humains qui forment le sel de la terre".
Le film débute par les images effarantes de la mine d'or de Serra Pelada au Brésil. Des cohortes d'hommes remontent sans fin des sacs de terre où git peut-être la pépite qui va les projeter dans une nouvelle vie. Il donne à voir cette concentration de "fourmis humaines" et la vie qui s'organise entre les 50000 hommes et femmes qui s’agglutinent autour de l'énorme trou. 

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Puis le beau visage de Sebastião Salgado émerge du noir et commente les images qui sont  des moments forts de sa vie de photographe mais aussi et surtout d'être humain frotté à des vies qui sont toutes faites de labeur (la main de l'homme) ou de malheur (Exodes) Le montage du film où alternent les photographies commentées par leur auteur, celles prises par d'autres qui le montrent, beau jeune homme avec sa femme Lélia  et les vidéos tournées par son fils, respecte la chronologie des ouvrages tirés de ses périples. 
Les prises de vue des pompiers canadiens tentant d'éteindre les puits de pétrole incendiés par Sadam Hussein au Koweit sont absolument inouïes.

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De l'Ethiopie aux côtés de Médecins du monde, du Congo, du Rwanda ou de la Yougoslavie, il photographie l'insoutenable. La mort provoquée par la famine organisée, la guerre, la folie des hommes,  « on est un animal féroce, notre histoire, c’est celle des guerres ». 
 
Au milieu des débâcles, dont il capture l'horreur surréaliste, il parvient à saisir les instants de tendresse entre un bébé et sa mère.
De cette période 1993- 1999, et particulièrement du génocide au Rwanda il sort malade, psychiquement et physiquement. Il a perdu toute espérance en l'espèce humaine.

C'est sa femme qui va lui redonner goût à la vie en lui proposant de reboiser les terres autour de la ferme parentale qui se sont délitées sous la sécheresse. C'est le projet de l'Instituto Terra
Il va se relancer dans la photographie mais cette fois pour aller à la rencontre des peuples et des animaux qui vivent en harmonie avec la nature ce qui donnera le magnifique "Génésis" 

En commentant la photo d'une d'une vieille tortue des Galapagos il fait l'hypothèse qu'elle a rencontré Darwin
  
tortue
Et constate la troublante ressemblance de la patte de l'iguane et celle des chevaliers du Moyen Age bardés de cottes de mailles

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Un des épisodes drôles du film est celui de  de la reptation pour contourner un ours blanc qui barre la route vers les phoques qu'il faut approcher suffisamment pour en tirer un portrait aussi puissant.

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Ce film est plus qu'un documentaire, il est l'hommage d'un artiste à un autre artiste qui écrit avec la lumière , un langage universel qui peut être lu par tous les humains pour y décrypter  les grandeurs et misères de la condition humaine.
Merci monsieur Wenders

 Merci monsieur Salgado,
(voir ici )

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jeudi 26 février 2015

Philippe Lançon est bien vivant !


J'ai envie de relayer ce très beau texte de Philippe Lançon publié sur le site d'Altermonde-sans-frontières qu'il clôture avec cette Chaconne divinement interprétée.


samedi 21 février 2015

A vomir !


Donc, relaxe pour DSK. En dépit de ce qu'en ont dit les femmes ( matos en langage d'enfoirés), malgré les descriptions explicites du commerce dont elles étaient l'objet, au -delà de ce qui a été largement évoqué des violences faites aux femmes dont certaines très jeunes, DSK repart libre et j'ai même entendu un débat sur l'éventualité qu'il puisse demander des dommages et intérêts. Comme le titre Politis  , le néolibéralisme annule la dette de la violence économico-sexuelle. Beurk
En revanche les Femen ayant outragé le même procureur sont assignées à répondre d'un tel outrage. Ces messieurs ne supportent l'exhibition des femmes que lorsqu'ils la commandent et la paient.

En Turquie, on constate la recrudescence des meurtres de femmes. Cette fois la société civile s'est mise en colère suite à la découverte d'une jeune femme de 20 ans violée puis assassinée par trois salopards ordinaires. Pourquoi une telle augmentation du nombre de victimes  « Ceux qui ne font pas leur travail sont les tribunaux, qui ne condamnent pas les criminels, et l’Etat, qui protège les tribunaux. Car c’est la politique sexiste de ce gouvernement qui fait monter les statistiques. »

Ça n'a en tout cas pas dissuadé un type de découper sa femme en morceaux  dans ce beau pays.

Ailleurs, au Canada, "les femmes autochtones sont trois fois plus à risque de violence que les autres Canadiennes et surreprésentées parmi les femmes disparues et assassinées au pays. En 2014, on apprend que leur nombre - 1186 en 30 ans - dépasse les estimations précédentes, qui avoisinaient plutôt les 600." 

Sinon, il existe le meurtre banal au quotidien. Avec dans certains cas une certaine originalité comme ce type qui après avoir étranglé sa femme l'embarque dans sa voiture jusqu'au commissariat où il va se livrer. Il faut le comprendre ce pauvre homme. Séparé depuis un an ( violent avec femmes et enfants) il soupçonnait son ex d'avoir une "relation". Eh oui, pas oublier qu'on leur appartient, sauf quand on ne les intéresse plus.  

Allez, pour conclure, une petite anecdote. Les chinoises demandent à accoucher par césarienne avant l'entrée dans l'année de la Chèvre. Mieux vaut naitre sous le règne du cheval puissant et fougueux que celui du mouton bêlant et fragile. Vous ne trouvez pas ça drôle ? Moi non plus tout compte fait.

Mieux vaut pour nous donner du courage s'inspirer de notre cher Vaneigem
C’est une stratégie peu coûteuse que d’enrôler dans des affrontements absurdes des gens qui, avec un peu de réflexion, risqueraient de dénoncer les manœuvres des exploiteurs et de se liguer contre eux. Allez donc jouer le jeu des commanditaires en accordant plus d’importance à certaines catégories d’assassins qu’à d’autres. Sous quel label rangerez-vous le taré qui en Norvège a massacré une centaine de personnes au nom de la pureté ethnique ? Et l’écolier qui un beau matin tue froidement ses compagnons de classe ? Encouragée ou non par des factions religieuses ou idéologiques, la bêtise a la même origine : l’ennui, la frustration, l’abrutissement, le désespoir, la sensation d’être pris au piège dont seul peut libérer un grand bond vers le néant. C’est ce piège qu’il s’agit de briser en brisant l’économie marchande. Sur son passage, elle ne laisse aucune chance à la vie. Il faudra bien que sur l’autre versant de la désespérance un grand rire se lève, un rire universel ne laissant aucune chance au commerce qui d’un homme fait une chose. Le rire de la joie de vivre retrouvée.
Raoul Vaneigem
19 janvier 2015
lavoiedujaguar.net

mercredi 11 février 2015

Le coeur aussi grand qu'une place publique

Passé les derniers jours dans des trains et des crématorium. Celui du Père Lachaise pour un copain dont j'aimais la brillante intelligence, le goût de la vie et du rire. Une de ces maladies "orphelines a finalement eu raison de son opiniâtreté. 
Celui de Saint Etienne pour la femme de mon frère qui a résisté au crabe au delà des prévisions mais a fini par jeter l'éponge.
Les rituels ont évolué et désormais on n'enfourne plus le cercueil vers la gueule béante où vrombit la fournaise ce qui m'avait si fortement bouleversée quand c'était le corps de ma maman qui disparaissait de la sorte.
Évidemment dans ces circonstances, on est un peu mélancolique, même si on ne fait pas partie des tout proches. Leur peine nous touche et c'est aussi un pan de notre propre histoire qui s'engloutit.

Comme j'ai pris beaucoup de trains, j'ai eu le temps de lire. J'avais glané à la Médiathèque un ouvrage de Christiane Taubira qu'elle a écrit en réaction aux vagues de xénophobie dont elle a été elle-même victime ("la banane et la guenon") mais non pour parler de son cas mais de cette urgence à trouver un mode de relation aux autres qui soit de reconnaissance réciproque dans le cadre très clair et précis que sont les règles de la République. Christiane Taubira est lettrée, elle aime la langue et la manie avec une belle maestria.  Elle cite en abondance aussi bien Nietzsche que Billie Holiday. Son discours est un plaidoyer débarrassé de pathos  pour reconquérir cet espace commun de la Nation qui a été piraté par ceux-là mêmes qui la prostitueraient s'ils venaient à s'en emparer. Plaidoyer pour une Europe des Lumières et rappel du "principe humaniste que professe le concept africain d'unbuntu: Umuntu ngumuntu ngabantu, une personne est une personne grâce aux autres personnes". Dans nos périodes d'égotisme forcené, de petits courtisans qui se prennent tous pour le Vizir, la parole claire et lucide de Christiane Taubira éclaire et rassérène.




Et aussi l'écouter dans son très bel hommage à Tignous.

Elle conclut sur un chapitre qui postule que le racisme est un altéricide qui atteint celui qui le pratique en boomerang. "Just remember whatever you do that what you bite is what you chew" (Myriam Makeba). Alors je vais achever ce billet -pas très fun, je reconnais, mais on ne peut pas toujours rigoler- par une petite info assez gratinée : ce que  Gougueule vous propose lorsque vous commencez vos phrases par "les femmes ne doivent pas. Effarant ! Chère Christiane, on n'est pas rendues!

Le titre est tiré d'une citation d'une chanson de Juliette Gréco