lundi 9 février 2009

Bonnes résolutions



Regarder le sexe au fond des tropismes,
Détrôner le Dieu CAC et la déesse pépette
Eviter de se prendre pour le centre d'un monde
Accepter la folie, rechercher la raison
Suspendre les convictions, regarder à deux fois
Minimum
Refuser la violence, rétablir la palabre
Visiter les paradis artificiels et en redescendre
Caresser et non battre, baiser et non hacher
Oindre les tout petits de mots doux pour la route
Se mêler de ce qui nous regarde
Regarder de quoi ils se mêlent
Humouriser comme on vaporise
Voyager sur la pointe des pieds
Partager tout ce qui encombrerait sinon
Cultiver silence et solitude
Bramer en coeur quand ça nous chante
Installer la ville à la campagne
Et vice versa
Présenter un passeport vierge aux frontières
Saluer d'un bras levé le soleil et le vent.

Photo Little Buda. ZL

samedi 7 février 2009

Cartes postales rétroactives (1) . Cornes de gazelle



Entre la frontière rwandaise et Biramulo en Tanzanie, seuls Muzungu (nous deux) dans un bus bourré d'Africains, frontaliers ou non. Les Ougandais sont à l'époque réfugiés politiques en diaspora dans toute l'Afrique centrale et de l'Est. A l'approche de la frontière une partie des passagers s'est évanouie dans la nature et n'a réintégré le bus que quelques kilomètres au delà. Le douanier s'est un peu énervé, nos passeports sont trop en règle. Pourquoi avions nous acheté notre visa à Kigali au lieu de nous en acquitter à proximité immédiate de ses poches !
Nous roulons sur une piste de latérite. La guerre entre l'Ouganda et la Tanzanie a ruiné le pays et le réseau routier relativement en bon état (aide de la Chine à Nyerere) a été bousillé par les chars remontant de Dar el Salam vers Kampala pour faire rendre gorge à Idi Amin Dada qui s'était lancé dans une ultime mégalomanie, envahir la Kagera. Il manque une vitre et nous avons un foulard en filtre sur la bouche et le nez, notre peau est d'un rouge franc au dessus. Nous roulons et la savane et ses herbes hautes et grillées s'étend à l'infini. Brusquement du maïs et du blé, des arbres à thé des caféiers, une profusion effarante. Le bus s'arrête. Des nuées d'enfants nous proposent des petites bananes , des graines grillées, des boulettes de céréales. Nous finissons par comprendre que nous sommes au sein d'une expérience agronomique canadienne; le flux de dollars et d'engrais a transformé la savane en coulée verte. Quelques 25 kilomètres d'épis dressés hauts et de route goudronnée et nous rejoignons les mornes étendues poussiéreuses et les nids de poule chaotiques. Plus tard, le bus s'arrête à nouveau, au milieu de cette savane à peine hérissée de quelques arbres décharnés et cependant majestueux, baobabs mythiques dont la découverte m'a au premier abord déçue. Peu de couronne, une peau d'éléphant, une allure balourde mais une telle variété de forme, et des circonférences du tronc inouïes. Une cahute se dresse là. Tout le monde descend. Mon compagnon s'est endormi et le remue-ménage de l'étape ne l'a nullement alerté. J'ai très envie d'une tasse de thé. Je vais m'installer à une des tables de la taverne de fortune. Je ne suis pas très à l'aise, seule face de lune parmi ces visages de pure anthracite. Je tente de boire au plus vite mon thé mais il est brulant. Une femme qui partage une table voisine avec deux autres se porte vers moi. Elle pose près de ma tasse deux cornes de gazelle dans une coupelle, accompagnant son offrande d'une mimique de complicité rieuse pour ma solitude d'égarée. Ce geste d'amicale sollicitude me revient souvent en mémoire. Il me serre le cœur lorsque, -l'actualité est prodigue-, j'entends que l'un ou l'autre de ces ressortissants venus de ce magnifique continent où j'ai voyagé en toute liberté est saisi au col, sans ménagement et "renvoyé".

quelques unes de mes négresses chéries : la grande Billy, Rokia Traore, Angélique Kidjo
et Aminata Traore

vendredi 6 février 2009

Sous les flocons dans leur globe


« Là comme ailleurs, les clients dînaient le portable à l’oreille, chacun dans son univers, assourdissants. C’est comme les transports en commun, me disais-je, il suffit de les prendre pour être assailli par les conversations gueulées à des interlocuteurs invisibles, les gens alentour ignorés, niés, réduits en cendres, toutes frontières abolies entre les espaces public et privé à la manière des régimes totalitaires, éventrés que nous sommes par les sons d’autrui, ouverts aux quatre vents, attaqués de tous côtés, fourragés sans pitié, perforés de part en part. Paradoxe de l’individualisme, on ne disposait plus de périmètre infrangible, d’un quant-à-soi étanche, la collectivité s’imposait sans sauvegarde possible (...). Elle finissait par m’excéder, moi, cette utilisation tous azimuts des téléphones portables, à pied, en voiture, à vélo, en rollers, au lit, aux W.-C., même au spectacle, quasi un nouvel organe. Tous ces gens à déblatérer en public, chacun enfermé dans son monde comme des petits sapins en plastique sous les flocons dans leur globe. »

Jean-Michel Delacomptée, La vie de bureau

On se calme ! Antidote ci-dessous.

http://www.youtube.com/watch?v=jiEHKz-ShVI


jeudi 5 février 2009

Jimi


Enchemisé dans les violences de sa nuit, le corps de notre vie est pointillé d'une infinité de parcelles lumineuses coûteuses. Ah! quel sérail. René Char Le nu perdu

http://www.deezer.com/track/1462

Photo Clément: Vif comme l'éclair

http://www.25p.fr/c/



mercredi 4 février 2009

Le syndrome de Diogène

Elle n'a pas cinquante ans Régine Detambel et elle a scruté au fond des yeux et des livres les plis de la vie qui s'inscrivent dans nos corps et nos coeurs et font de nous de vieux os, de vieilles choses dont on détourne le regard . Le syndrome de Diogène. Eloge des vieillesses. Actes Sud
Florilège
"Je crois que la vieillesse arrive par les yeux et qu'on vieillit plus vite à voir toujours des vieux" jette Hugo dans Ruy Blas (11).

On ne se voit pas vieillir. Un jour, c'est un autre qui vous le dit. Le lendemain, mille autres. Alors ce n'est plus la flèche du temps, c'est un carquois bourré de piques: « Comme quelqu'un, entendant dire que j' étais souffrant, demanda si je ne craignais pas de prendre la grippe qui régnait à ce moment-là, un autre bienveillant me rassura en me disant: -Non, cela atteint plutôt les personnes encore jeunes. Les gens de votre âge ne risquent plus grand-chose. (. .. ) Et je pus me voir, comme dans la première glace véridique que j'eusse rencontrée, dans les yeux de vieillards restés jeunes, à leur avis, comme je le croyais moi-même de moi, et qui, quand me citais à eux, pour entendre un démenti, comme exemple de vieux, n'avaient pas, dans leur regard qui me voyait tel qu'ils ne se voyaient pas eux- mêmes et tel que je les voyais, une seule protestation. Car nous ne voyions pas notre propre aspect, nos propres âges, mais chacun, comme un miroir opposé, voyait celui de l'autre. Et sans doute, à découvrir qu'ils ont vieilli, bien des gens eussent été moins tristes que moi. Mais d'abord il en est de la vieillesse comme de la mort. Quelques-uns les affrontent avec indifférence non pas parce qu'ils ont plus de courage que les autres, mais parce qu'ils ont moins d'imagination. » (57,58) citant Proust

Bien avant d'être un destin biologique, dira Gorz, le vieillissement est un destin social, mais comment entrer dans cette société sans renoncer aux possibilités et aux désirs qu'on p0rte en soi (59). Il n' a que 36 ans quand il écrit "Le vieillissement", Erasme, la quarantaine quand il attaque son De senectute

Paul Valéry a dit que ce qu'il y a de plus profond ans l'homme, c'est la peau. Mais un peu plus loin, pris de repentir, il rectifia: ce qu'il y a de vraiment insondable, c'est le foie. (137).

Autant dire que le régime grec ou un autre, c'est plus efficace pour le prolongement de soi si on y tient

Régine Detambel ne nous épargne aucun détail de la dégénérescence liée à l'âge, ni du sort mauvais qu'on réserve aux vieillards qui seront en nombre croissant (croassant ?) dans les décennies qui viennent. Mais elle nous fournit également quelques formules d'élixir de jouvence et elle nous fait visiter les textes que le sujet a inspiré aux grands écrivains de Cicéron à Guyotat.
Aller les glaner au fil de ses 321 pages.

Pour ma part j'use chaque fois que faire se peut de certains des conseils délivrés par ces augustes prédécesseurs pour faire reculer la gueuse : l'immersion régulière dans une forme ou une autre de réjouissance (rire, chanter, danser). Avec l'intention ferme de conserver jusqu'au bout le désir de créer, la vie intellectuelle protège de la sénescence.

Quelle sagesse pour se rire du temps ? Celle de Colette percluse de rhumatismes qui se penche à son balcon du Palais Royal pour encore et toujours s'emparer des bonheurs du jour.

Ou celle de Gide

"La vie humaine tout entière est un art du temps que célèbrent les clepsydres, les natures mortes et la poussière des vanités. Il y a quelques heures de bonheur dans une existence: la somme des rosées, des étoiles filantes, la phosphorescence des vers luisants, quelques éclairs dans des arcs-en-ciel, bref de petits éclats parfaits et invaincus, pleinement édéniques. Même les menues infirmités du grand âge qui font d'un vieillard une créature si misérable sont encore traversées de ces lucioles de joie." (99)

Vivez si m'en croyez, vivez dès aujourd'hui.




lundi 2 février 2009

L'arbre à palabres

Cloître de l'abbaye de Lagrasse.

Le banquet du livre 2007.
La nuit sexuelle. Pascal Quignard
Des inconnus versent dans la nuit qui suit la projection de
Sodome et Gomorrhe de Pasolini des litres de fuel sur les livres de la librairie Ombres Blanches.
Des intégristes ne supportant pas la "souillure" du lieu sacré?
Jean Claude Milner conclue le banquet : Résister

dimanche 1 février 2009

La république des lettres de mon moulin

Il existe dans la blogosphère deux sites antinomiques : l'autofictif d'Eric Chevillard et la République des livres (RdL) de Pierre Assouline, Passou pour quelques intimes. Le premier est minimaliste et n'accueille aucun commentaire. Le second est plutôt consistant voire bourratif et comporte un espace de jacasseries où se précipitent des habitués, (voir la dernière chronique du 31 / 01, où il s'inscrivent comme à la récréation "prems, deuz" etc ) en nombre relativement restreint mais dans une telle frénésie d'interactivité qu'ils doublent ou triplent le volume de la dissertation du jour. Outre leurs abondants compléments sur le sujet, ils se postent des messages personnels au passage ou au prétexte bien que se tenant étroitement en liens par ailleurs sur leurs propres blogs. Si vous avez quelques heures devant vous, il peut être amusant d'y glaner leurs éclats, d'autant que vous pourrez moissonner d'autres liens sur des vidéo musicales (Ricet Barier, Isabelle, ça ne nous rajeunit pas !). J'ai voulu placer mon petit grain de sel à propos des écrivains vieillissants et atrabilaires (30/01) en restituant à Chateaubriand la phrase rendue célèbre par Charles de Gaulle : "La vieillesse est un naufrage". Hélas une coquille a transformé l'auteur des Mémoires d'outre-tombe en filet de boeuf, peut-être avais-je faim. Revenant sur le blog au bout de quelques heures et n'y trouvant pas ma fine remarque, j'ai posté à l'intention du modérateur un billet comminatoire à l'égard de sa supposée censure. Est -ce sous cet effet ou tout simplement que l'afflux est tel, le boulot de tri énorme, tout cela paraît avec un certain délai; bref après vérification mon billet incendiaire rougeoie dans l'indifférence absolue de ceux que je maltraite au passage ("ils sont soulants vos chouchous"). Confirmation s'il en fallait une que tous ces beaux phraseurs parlent entre eux et pourquoi pas après tout si ça les amuse. Un commentaire (d'une dont je n'ai pas retenu le pseudo et flemme d'aller le rechercher au milieu des 250 et quelques autres) résume un peu le manège. Adressé à Passouline :"vous devriez leur lancer quelques noms en pâture et ils feraient le reste".
En attendant, je glane au hasard certains des liens que je place ici à droite pour les mieux explorer. Sur ce site les commentaires n'asphyxient pas le visiteur. Je n'ai pas encore beaucoup informé sur l'existence de ce blog et ceux qui me lisent ne sont pas des bloggers, seulement des amis et encore, deux ou trois. Je m'essaye donc timidement à la complicité textuelle et virtuelle, mais je pêche par ambiguïté. Ni dédié à l'adoration de la chose littéraire, ni engagé sur une voie militante je vois bien que ce site manque de fermeté dans son parti-pris. Chateaubriand justement intitule "stromates ou bigarrures de ma jeunesse" des pensées diverses qu'il se promet de publier un jour. Il les aurait de nos jours postées sur le web. J'ai essayé de me faire une petite Clopine, mais elle me boude, ne publie pas mes commentaires. Pourtant je l'aime bien et vous invite à aller contempler sa trogne de petite normande sur une de ses dernières bigarrures. Il faudrait que je retrouve une de ces photos où j'arbore des nattes savamment attachées de la sorte.(Clopineries, tout de suite à droite).
Il faut reconnaître qu'ici comme ailleurs il faut jouir d'une certaine réputation pour voir venir à soi les petits manants.
Alors pour conclure je vous invite à aller sur le blog de Philippe Corcuff (qui me connais ah ah mais sous mon vrai nom et à qui je n'ai rien dévoilé de cette publicité gratuite ) où il nous fait (re) découvrir un beau texte d'Anne Sylvestre.

"La chanson d'Anne Sylvestre, "Les gens qui doutent", datant de 1977, reprise récemment par le trio Jeanne Cherhal, Vincent Delerm et Albin de la Simone, garde quelque chose comme une jeunesse poético-philosophique."

Oui, je sais, Vincent Delerm, euh... Faites comme moi, dépassez votre allergie, écoutez le texte, et tiens, je le dédie à Clopinette qui se fait éreinter sur son blog par un gros troll.