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lundi 28 décembre 2015

Le bêtisier de l'arbre



   

Je ne suis pas masochiste et ne vais pas aller rechercher les bourdes que j'aurais commises pour les resservir en clôture d'une année qui aura été assez mortelle : assassinat des humoristes de Charlie, asphyxie de l'expérience grecque d'émancipation, mort de certains de mes amis ou de mes admirations (Solveig Anspach par exemple), assassinat de jeunes gens au milieu d'une nuit de fête, élections régionales calamiteuses,  assassinat de la liberté fomentée ces jours derniers avec un état d'urgence accolée à une "déchéance" (mot affreux) de nationalité (comme si les terroristes se souciaient de conserver une appartenance autre que celle de leurs factions de tueurs).
Non, mes bêtises en cette fin d'année sont les légèretés que j'ai réussi à sauver en dépit des manigances de la mort pour nous boucher l'avenir, les plaisirs arrachés à la mornitude du quotidien. Ce sont essentiellement les voyages, les livres, les films, les diners entre amis, les complicités avec mes enfants et leurs créations. 
Une petite brassée de mes dernières sucreries, les bêtises sont aussi des délicatesses, n'est-ce pas ?


Je n'ai pas eu le temps d'en parler mais le très beau film "Le bouton de nacre" a été un de mes émerveillements de cette année. Non seulement pour la beauté des images mais surtout la force du propos. Je vous invite à lire ce qu'en dit Alain Lecomte ici et que j'ai découvert ce jour. Patricio Guzman avait réalisé une autre merveille  où se mêlaient également histoire du Chili et phénomènes naturels extraordinaires. Le bouton de nacre filme l'eau et ses transformations en Patagonie et croise la férocité de la junte de Pinochet et celle des colons qui ont privé les peuples premiers de leurs terres, de leurs cultures, de leurs langues.
Nostalgie de la lumière est situé dans le désert d'Atacama où l'air est si sec et si pur que les astronomes du monde entier y ont installé leurs énormes télescopes. Pendant qu'ils fixent le ciel, y guettant les manifestations des corps célestes, des hommes et des femmes (surtout des femmes) scrutent le sol à la recherche d'ossements. Le désert a été un lieu de relégation des corps suppliciés par les bourreaux de Pinochet comme la mer a accueilli les cadavres attachés à des rails de chemin de fer,  jetés des hélicoptères militaires.

Quelques livres  : Ayerdhal, mort le 27 octobre , alors que j'étais à Rennes chez mon amie Pomme, sœur de sa femme. Découvert ainsi cet auteur dont j'ignorais tout puisque je suis peu attirée par la science-fiction. A tort sans doute. "Parleur, Chroniques d'un rêve enclavé", situé au Moyen âge  est la tentative d'émancipation d'une petite communauté contre l'impérialisme politique et religieux, liberticide et gourmand en impôts. Hélas totalement transposable à notre nouveau millénaire, cette invention de démocratie directe, cet essai fouriériste trouve une issue fatale. Les personnages sont attachants, le style extrêmement maitrisé, les dialogues ajustés. Un régal.   


 

Tout autre et pourtant  proche dans l'esprit, Mille femmes blanches de Jim Fergus. Cette fois nous sommes chez les indiens à la fin du XIXe siècle. Little Wolf grand chef cheyenne passe un accord avec "le Grand -Père blanc", mille femmes contre mille chevaux. Ces femmes sont sensées donner des enfants métis vecteurs d'une assimilation réussie des Indiens au sein de la société blanche. L'histoire est consignée dans les carnets de May Dodd, femme blanche rebelle aux conventions de sa famille bourgeoise et pour cela flanquée à l'asile dont elle ne peut sortir qu'en acceptant le voyage vers le Montana où se trouve le camp cheyenne. Elles ne sont que trente à partir, toutes "volontaires" recrutées en prison ou à l'orphelinat ou l'asile  et quelques défections plus tard elles ne sont plus qu'une poignée. Sitôt arrivées, elles sont mariées aux hommes indiens et  découvrent la liberté du corps  et la douceur des mœurs des Cheyennes, à rebours des préjugés dont elles ont été nourries dans leur vie antérieure. Cette vie difficile mais relativement heureuse (en dépit  de la polygamie)  sera contrariée par la folie que l'alcool sème chez les Indiens et leurs habitudes guerrières insupportables de violence aux yeux des femmes blanches. La tribu va être mise en danger par la découverte de l'or sur les territoires occupés légalement par les Indiens qu'on les oblige à quitter pour s'installer dans les réserves. C'est par  le regard tendre et plein d'humour de May Dodd que nous est délivrée cette saga qui se terminera comme on s'en doute...

Jim Fergus, Mille femmes blanches

Une petite dernière, si je puis dire puisqu'il s'agit de l'académicienne Assia Djebar (morte elle aussi cette année).
Automne 1991. Berkane, jeune Algérien vivant en France depuis vingt ans, décide de rentrer en Algérie. Lui, l'enfant de la casbah, ne reconnaît plus son pays. Il rencontre Nadjia, qui comme lui, vit entre deux cultures. A travers l'histoire de Berkane, c'est un demi-siècle d'histoire tragique qui est évoqué, et la ville d'Alger des années 1950-1962 qui se dessine. 


 Enfin pour conclure cette micro compilation, "cerise sur le gâteau" si je puis dire un montage de mon fiston que je trouve très beau (le montage et mon fils itou) 


Faites en sorte de prendre soin de vous;