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mercredi 11 février 2015

Le coeur aussi grand qu'une place publique

Passé les derniers jours dans des trains et des crématorium. Celui du Père Lachaise pour un copain dont j'aimais la brillante intelligence, le goût de la vie et du rire. Une de ces maladies "orphelines a finalement eu raison de son opiniâtreté. 
Celui de Saint Etienne pour la femme de mon frère qui a résisté au crabe au delà des prévisions mais a fini par jeter l'éponge.
Les rituels ont évolué et désormais on n'enfourne plus le cercueil vers la gueule béante où vrombit la fournaise ce qui m'avait si fortement bouleversée quand c'était le corps de ma maman qui disparaissait de la sorte.
Évidemment dans ces circonstances, on est un peu mélancolique, même si on ne fait pas partie des tout proches. Leur peine nous touche et c'est aussi un pan de notre propre histoire qui s'engloutit.

Comme j'ai pris beaucoup de trains, j'ai eu le temps de lire. J'avais glané à la Médiathèque un ouvrage de Christiane Taubira qu'elle a écrit en réaction aux vagues de xénophobie dont elle a été elle-même victime ("la banane et la guenon") mais non pour parler de son cas mais de cette urgence à trouver un mode de relation aux autres qui soit de reconnaissance réciproque dans le cadre très clair et précis que sont les règles de la République. Christiane Taubira est lettrée, elle aime la langue et la manie avec une belle maestria.  Elle cite en abondance aussi bien Nietzsche que Billie Holiday. Son discours est un plaidoyer débarrassé de pathos  pour reconquérir cet espace commun de la Nation qui a été piraté par ceux-là mêmes qui la prostitueraient s'ils venaient à s'en emparer. Plaidoyer pour une Europe des Lumières et rappel du "principe humaniste que professe le concept africain d'unbuntu: Umuntu ngumuntu ngabantu, une personne est une personne grâce aux autres personnes". Dans nos périodes d'égotisme forcené, de petits courtisans qui se prennent tous pour le Vizir, la parole claire et lucide de Christiane Taubira éclaire et rassérène.




Et aussi l'écouter dans son très bel hommage à Tignous.

Elle conclut sur un chapitre qui postule que le racisme est un altéricide qui atteint celui qui le pratique en boomerang. "Just remember whatever you do that what you bite is what you chew" (Myriam Makeba). Alors je vais achever ce billet -pas très fun, je reconnais, mais on ne peut pas toujours rigoler- par une petite info assez gratinée : ce que  Gougueule vous propose lorsque vous commencez vos phrases par "les femmes ne doivent pas. Effarant ! Chère Christiane, on n'est pas rendues!

Le titre est tiré d'une citation d'une chanson de Juliette Gréco