mardi 31 janvier 2023

Ca ne s'arrange pas !

 

 HCE - Rapport annuel 2023 sur l’état des lieux du sexisme en France

 9 femmes interrogées sur 10 affirment anticiper les actes et les propos sexistes des hommes et adoptent des conduites d’évitement pour ne pas les subir. Ainsi elles renoncent à sortir et faire des activités seules (55 %), à s’habiller comme elles le souhaitent (52 %), veillent à ne pas parler trop fort ou hausser le ton (41 %), ou encore censurent leur propos par crainte de la réaction des hommes (40 %). Près d’une femme sur 5 (18 %) a des difficultés à prendre la parole au sein d’un groupe. 8 femmes sur 10 ont peur de rentrer seules chez elles le soir.
Ces contraintes constituent comme une seconde « charge mentale » pour les femmes alors qu’elles doivent déjà subir celle, « classique », de l’addition des tâches professionnelles, familiales et ménagères.
Cela induit une perte de confiance en soi des femmes et entraîne des conséquences concrètes sur leur vie quotidienne et leur parcours professionnel : par exemple, 35 % des actives n’ont pas osé demander une promotion ou une augmentation, et cette proportion atteint 44 %, soit presqu’une femme sur 2 pour les CSP moins. Les situations sexistes au quotidien peuvent donc fonctionner comme des trappes à bas salaire et expliquer pour partie la persistance d’inégalités salariales sur le marché du travail.
Nouvel enseignement de l’étude : 15 % des femmes ont déjà redouté voire renoncé à s’orienter dans les filières / métiers scientifiques ou toute autre filière / métier majoritairement composé d’hommes, surtout par crainte de ne pas y trouver leur place ou de s’y sentir mal à l’aise, mais aussi par peur du harcèlement sexuel pour 18 % d’entre elles. Un taux qui s’élève à 22 % pour les 25-34 ans.

 

Beaux Arts, Cour Bonaparte

A 18 ans, je suis arrivée de ma province à Paris et je me suis inscrite aux Beaux Arts, en Architecture. J'étais émerveillée de faire mes études à Paris. L'atelier où on était admis en préparatoire  portait le nom d'un Maître reconnu, tous les niveaux s'y cotoyaient dans la grande salle. Les "nouveaux" avaient un atelier plus petit et étaient soumis à la corvée dite de "Masse", une fois par semaine. Elle consistait à se mettre à la disposition des anciens, soit pour aller leur acheter des clopes ou des bières, à changer leur disque de stationnement (oui,ça existait encore, les parcmètres n'étaient pas encore inventés) ou encore à "gratter" pour eux sur un de leurs travaux, c'est à dire à tirer des lignes au Rotring rapidograph, épreuve épouvantable en ce qui me concernait. Nous n'étions pas nombreuses, quatre ou cinq, deux nouvelles, dont moi, et trois anciennes mais qu'on ne voyait guère, sauf les jours d'exposition des travaux, que le Maître parcourait arborant un noeud Pap du plus bel effet. C'était la joyeuse époque des  bizutages avec moult enfarinages et autres stupidités plus violentes. Pour moi, c'était le harcèlement qui m'était difficile. J'avais fini par ne plus traverser la salle des anciens pour me rendre à la bibliothèque ou aux amphitéâtres. Je descendais les quatre étages vers le quai Malaquais, remontait la rue Bonaparte pour rejoindre la cour d'où j'empruntais l'escalier (plus monumental) pour rejoindre la bibliothèque évitant ainsi, les lazzis, les allusions à mes seins et mes fesses et les mains qui se tendaient pour les tâter en toute impunité. Mais comme je ne pouvais échapper aux jours de masse, selon les zigotos présents, c'était éprouvant, humiliant, détestable. J'ai vite compris que ce métier était destiné essentiellement à des mâles, issus de familles fortunées, qui avaient les moyens de maintenir  en apprentissage, pendant de longues années, les futurs génies de la pierre. Je vivais avec un de ces rejetons qui a continué ses études, sans moi. J'ai bifurqué vers l'Université des Sciences Humaines où les moeurs étaient un peu moins cyniquement machistes (quoique). Et j'ai pu constater que les estrades étaient toujours occupées par des hommes même si la population estudiantine était là en grande majorité féminine. J'ai gardé un goût certain pour le batir, qui m'a été utile au moment de la rénovation des lieux que j'habite. J'ai cessé de dessiner (envie parfois de m'y remettre). j'ai mis un certain temps à oser prendre la parole en public et même si je suis très entrainée désormais, je subis encore très souvent l'interruption ou l'ignorance quand je parle. Je me suis parfois demandé si j'aurais persisté si le milieu n'avait pas été aussi violent à l'égard du féminin. Je pense tout de même que ça a changé et que les jeunes hommes sont un peu moins crétins. mais le rapport du HCE n'est pas très encourageant. "Du sexisme quotidien, dit « ordinaire », jusqu’à ses manifestations les plus violentes, il existe un continuum des violences, l’une faisant le lit des autres" (...) une situation qui s’aggrave avec l’apparition de phénomènes nouveaux : violence en ligne, virulence accrue sur les réseaux sociaux, barbarie dans de très nombreuses productions de l’industrie pornographique, affirmation d’une sphère masculiniste et antiféministe.

Que les femmes osent s'émanciper, ça enrage les fortiches de la suprématie, d'autant qu'on avait réussi à leur faire croire à ces "dindes" qu'elles étaient des incapables et qu'elles prouvent non seulement qu'elles ont beaucoup de talents mais elles exhument désormais les oubliées de l'histoire, les scientifiques qui ont trouvé mais se sont fait voler leur découverte, les artistes ignorées qui ont pourtant créé des oeuvres magistrales et les écrivaines nobelisées. 

On espère que ce sont les derniers soubresauts et que nous allons enfin pouvoir établir des relations dégagées de toutes les scories d'un patriarcat devenu obsolète. On espère...