jeudi 31 décembre 2020

Chanter et danser en attendant la suite.


Que  nous souhaiter de mieux puisque l'avenir est par définition improbable. Chanter, danser, déguster le sel de la vie et rester optimiste en dépit de tous les prophètes de mauvais augure.

Tous mes voeux de résilience. 


Cette photo a gagné le 1er prix de "Siena International Photography Awards - Nature"
Crédit 📸 baglars_photostream

 

mardi 8 décembre 2020

Arbres, protégeons les, ce sont de purs miracles.

A une heure de ferry du port d’Athènes, se situe l’île de Aigina. L’endroit où se trouve cet arbre âgé d’environ 1 800 ans, surnommé « grand-mère »


 Il a 2000 ans, c'est un olivier, il s'intitule l'arbre pensant et il est situé dans les Pouilles en Italie

 Le pin de Bristlecone, Mathusalem, Californie 4852 ans. Il n'a plus de feuilles mais il est toujours vivant et continue sa croissance. J'espère qu'il n'a pas brulé au cours des incendies qui ont ravagé l'Etat ces dernières années  


Le plus vieil olivier français, situé à Roquebrune Cap-Martin entre 2500 et 2800 ans, les spécialistes ne sont pas tous d'accord


Le senateur, 3500 ans, 58 mètres de haut était situé dans le Big tree park en Floride. Il a été détruit accidentellement  en 2012, par une jeune femme sous stupéfiant ayant provoqué un incendie.

 

Je ne me souviens plus l'origine de cette photo, mais je la place dans cette série pour rappeler toutes les fééries de couleur que nous offrent ces robustes vivants.

 Lui, c'est un olivier,encore tout jeune. Il m'a été offert cette année pour mon anniversaire et il entame sa traversée du temps. Il devrait me survivre normalement, j'y veillerai mais qui peut prévoir l'avenir ?
 
 
 


TREES, Soichiro Tomioka, Japonais  1922 - 1994.
 
J'ajoute une vidéo qui passe en revue des arbres multicentenaires dont un qui ressemble à un animal mythologique. Merci Colo.

jeudi 3 décembre 2020

Ma sorcière bien aimée

 A une certaine époque dans ce blog, je m'étais amusée à tenir une petite chronique satirique dont voici quelques titres qu'on n'est pas obligé de consulter mais on peut..*

Pourquoi exhumer ma sorcière ? Pour rendre hommage à une sorte d'émulation: Anne Sylvestre  vient d'enfourcher son balai pour rejoindre le paradis des poètes dont elle était une fière envoyée sur terre et pour cette raison n'a été admise sous les sunlights télévisuels qu'avec circonspection. Elle s'en fichait un peu parce que ce n'était pas ce qui l'intéressait. Aux plateaux de télé elle préférait la bonne chaleur d'un public aimant qui la suivait fidèlement.

 

 


Je l'ai beaucoup écoutée à certaines époques de ma vie puis je l'ai un peu oubliée puis redécouverte. La dernière fois que j'ai eu le plaisir de l'écouter et de l'approcher (nous avons bu un verre ensemble avec d'autres après le concert), elle participait à la 1ère Edition du Festival Saison d'Elles, festival féministe  qui se déroulait les 7, 8 et 9 octobre 2016 sur la place des Pradettes à Toulouse. En grande forme, elle nous a bluffées par sa puissance (elle était âgée de 84 ans donc) et lorsque une zélée dans un silence avait soufflé la suite de la chanson, elle l'avait sèchement  rabrouée, elle n'aimait pas faire l'objet d'une quelconque allusion à son âge qui aurait entravé sa mémoire.

Depuis lundi, on retrouve sur les ondes et surtout sur les réseaux ses chansons dont celle-ci, Une sorcière comme les autres  qui m'a inspiré le titre de ce billet et qui est très connue, à juste raison.  Mais il y en a tant qui sont dans notre mémoire dont bien-sûr les fabulettes que nous avons données à entendre à nos enfants.

Vous en saurez davantage grâce à ce  très bel hommage.

Ce que je retiens de son parcours, c'est la fidèlité à  elle-même, la pugnacité, l'humour. Elle est restée vivante jusqu'au bout.

 Rajoutons l'hommage de François Morel

*Les recettes de la Sorcière du placard aux balais 14/04/ 2010 La Sorcière du placard aux balais ne prend pas de stagiaires  27/09/2010 La Sorcière écrit au Père Noyel 11 / 12 /10 LaSorcière du placard aux balais range son grenier  11/10/2010

vendredi 20 novembre 2020

Une envie furieuse de changer d'air

 


Dans les bois des Géants de Vyrnwy, au Pays de Galles, les visiteurs peuvent trouver une main tendue vers le ciel au milieu de la forêt. Cette sculpture a été réalisée par Simon O'Rourke, un artiste local.. L'oeuvre de 15 mètres de hauteur s'appelle « La main géante de Vyrnwy ». Elle a été sculptée à partir d'un arbre multicentenaire endommagé qui aurait été  abattu sans l'intervention de l'artiste.

Cette main tendue vers le ciel figure -à mes yeux- une sorte d'imploration. Sans doute mon interprétation est-elle due à cette période si confuse, si menaçante (les lois liberticides pleuvent comme à Gravelotte), si incertaine.Une main qu'on tend pour ne pas se noyer, pour ne pas mourir en l'occurrence.

J'ai lu dernièrement quelques livres qui m'ont aidé à supporter les inepties qui nous envahissent l'esprit si on n'y prend garde. J'interromps la radio dès qu'on y parle encore et encore du Covid 19.

Gloria Steinem se  raconte dans"Ma vie sur la route"*, et c'est un formidable témoignage sur les mouvements féministes et antiracistes aux Etats Unis. Elle est née dans une famille un peu bizarre avec un père qui précisément passait son temps dans sa voiture et vivait un vagabondage agrémenté de multiples métiers et inventions et une mère réduite à une forme de pauvreté et empêchée de se réaliser. Gloria se destinait à une vie "normale" mais elle voulait être journaliste et au cours d'un séjour en Inde elle rencontre la puissance des cercles de parole pratiqués par des groupes de femmes pour s'aider à trouver leurs solutions. Cette méthode deviendra pour elle un outil efficace pour les multiples campagnes qu'elle va mener toute sa vie aussi bien pour la défense du droit des femmes que des minorités.Son récit est un formidable témoignage sur les soubresauts que les Etats Unis ont connu dans la dernière partie du siècle précédent. En 1972, elle co-fonde avec la militante afro américaine   Dorothy Pitman Hughes le magazine féministe Ms. 

C'est une figure, voire une icône de la lutte des femmes pour leur liberté. Agée de 86 ans, elle est toujours active même si j'ai cru lire sur ses traits pendant sa prestation à la Grande Librairie une certaine lassitude.

Voici ce qu'elle dit en conclusion du récit de ses tribulations sur les routes.

"Ce n'est qu'à cinquante ans révolus que j'ai accepté de regarder la vérité en face : je souffrais moi aussi d'une forme d'instabilité. Je me plaignais de ne pas avoir de foyer, mais je me cachais toujours derrière ma  méfiance et mon amour de la liberté. (...) Je devais me construire un foyer si je ne voulais pas finir comme lui (son père). La maison est le symbole du moi. Prendre soin de sa maison c'est prendre soin de soi.

Peu à peu les pièces qui me servaient avant tout de bureau et de placard se sont remplies d'objets que j'étais heureuse de retrouver lorsque j'ouvrais la porte . (...) Après quelques mois passés à décorer mon nid, (...) je me suis rendue compte que j'appréciais encore plus de voyager. (...) Je peux partir parce que j'ai une maison qui m'attend . Je peux rentrer parce que je suis libre de partir. C'est l'alternance qui donne toute sa saveur à chacun de ces modes de vie. Cet équilibre est à la fois très ancien et très moderne. Nous avons besoin des deux."

Inutile de dire que je me retrouve parfaitement dans  cette analyse. Mais le confinement après m'avoir permis de me reposer de mes nombreux voyages me pèse désormais surtout en ce mois de novembre qui, heureusement nous fait la faveur de ne pas être trop rigoureux. J'avais prévu quelques échappées. Elles sont remises à on ne sait quand.

Autre lecture, totalement différente, "Vers la beauté toujours" ** un petit opus dans lequel Pascal Dessaint  livre une ode au plaisir de marcher, en montagne de préférence, pour y rencontrer la faune et la flore, se coltiner les montées et les descentes et parfois avoir la chance de contempler un des princes du ciel,  un aigle gypaète.

Pascal Dessaint nous gorge d'appelations ornithologiques, c'est un grand amoureux des oiseaux, mais aussi de l'ours dont le retour dans les Pyrénées semble enfin consolidé, Il marche avec ses amis, ses amours ou seul. . Il marche en philosophe dit-il en ne cherchant pas l'exploit, seulement le plaisir de l'effort récompensé par la beauté du monde, tellement menacée même à très haute altitude par la négligence coupable des promeneurs inconscients.  Marcher un bonheur tellement simple

Marcher, voyager, j'en ai furieusement envie.

*Ma vie sur la route: Mémoires d'une icône féministe, HarperCollins, , 416 p. (ISBN 979-1033902874) (trad. de My Life on the Road , Random House, 2015). Préface de Christiane Taubira

** Vers la beauté toujours Salamandre Pascal Dessaint EAN : 9782889583997 134 pages

Éditeur : Salamandre (03/06/2020)

dimanche 1 novembre 2020

Un monde de dingue

 

 

La lumière d'automne adoucit le confinement (Photo ZL)

 Je participe à une liste où se sont échangés des invectives enflammées à propos des événements récents. Chacun y va de son analyse. Je réagis rarement . Mais je trouvais les propos très guerriers comme d'habitude et ça m'a incité à réagir, pour une fois. Je le reproduis ci-dessous

Il me semble qu’une fois encore nous participons à la frénésie générale qui s’empare d’un acte odieux, certes, mais analysé uniquement par le prisme de cette idée de guerre larvée entre les Français de souche » (je récuse la pertinence d’un terme largement pollué par ceux qui à l’extrême droite l’ont popularisé) et la « communauté » musulmane (comme si tous les Musulmans se revendiquaient membres d’une telle communauté.  Il y a beaucoup de gens nés dans une famille dite musulmane qui sont aussi laïques que moi qui suis née dans une famille chrétienne. Ils sont fatigués qu’on leur demande de renier les leurs parce que l’un d’eux, pas même français d’ailleurs en l’occurrence, a assassiné un homme au prétexte qu’il aurait une fois de plus bafoué le Prophète. Depuis la nuit des temps il existe des assassins parmi les hommes qui trouvent pour justifier leur penchant délétère des arguments tous plus fallacieux les uns que les autres.

Appartenant à la « communauté »  des femmes je suis navrée que l’espèce soit disant si évoluée n’ait toujours pas éradiqué cette pulsion. Je déplore qu’elle s’exerce tous les jours sur des femmes (une tous les trois jours meurt sous les coups d’un mâle stupide), sur les enfants soit par meurtre ou violence ayant entraîné la mort. Les victimes ne sont pas des « héros «  qui auraient bravé les foudres islamistes, juste des innocents et par ailleurs tous les hommes ne sont pas des mâles infréquentables

On a beaucoup conspué la famille Traoré, les diverses officines de défense des racisés. Je ne vais pas les défendre ici, je serai assimilée à une islamogauchiste, un mot valise parfaitement imbécile repris à l’envi. Je voudrais simplement mettre en regard la liste des jeunes « bronzés » qui se font dézinguer en toute impunité et depuis des années. Qu’ils cultivent un certain ressentiment n’est pas vraiment étonnant. Et encore le meurtre n’est-il que la manifestation la plus grossière de la discrimination à leur encontre. Ca n’excuse pas mais ça explique. Ce qui est réconfortant c’est qu’en dépit de cette » guerre rampante » qui règne dans certains quartiers, de toutes les chicanes que rencontrent les habitants de ces ghettos, la paix sociale est à peu près maintenue malgré les discours haineux déversés par tombereaux dans des média qui ont pignon sur rue et une audience qui y trouve matière à nourrir ses propres ressentiments.  Jusqu’à quand ? Là est la question.

Nous semons la guerre à tort et à travers et nous offusquons de prendre quelques horions. Actuellement Total est en train d’expulser plus de 100 000 personnes de leurs terres en Ouganda pour y installer un énorme oléoduc. Si quelque Ougandais, pète un câble et assassine  un ingénieur, on criera au scandale.

Après le drame de Conflans qui a donné au  professeur un statut de héros, la surabondance des réactions va-t’en guerre  est la preuve même que nous ne sommes absolument pas mobilisés pour les bons motifs et personne ou presque n’a osé  remisé ce drame au rang de tous les dérangements mentaux qui arment  le bras des meurtriers. On refuse comme thèses complotistes la mise à l’index des grands ploutocrates comme les démiurges qui nous pompent l’énergie pour la déverser dans leurs comptes off shore, mais on veut nous persuader qu’à partir de leurs états majors, une poignée de psychopathes menacent nos démocraties. Nos démocraties sont surtout malades des guerres de pouvoir entre égos démesurés, de l’avidité d’une poignée de ploutocrates, de l’hubris généralisé au détriment des grands équilibres vitaux, de l’inféodation des femmes et des peuples autochtones, de la disparition de nos grands principes républicains dont la laïcité mais surtout la justice sociale et la fraternité. Bref beaucoup de causes plus sérieuses qui seront ignorées dans notre bel hexagone au profit de la chasse aux « radicalisés ».

Depuis, un cinglé "génération identitaire" a été flingué alors qu'il tentait d'assassiner un commerçant arabe à Avignon. A Nice nouvel épisode meurtrier. A Lyon c'est un prètre orthodoxe qui était visé.  Au secours ! Les fous courent en toute liberté pendant que nous sommes confinés une nouvelle fois. 

Difficile de rester sereine et gaie n'est-ce pas. 

Heureusement il  reste les livres et comme j'en ai encore beaucoup sur mes étagères qui attendent sagement leur tour, je ne serai pas en manque en dépit de cette décision absurde de fermer les librairies qui provoque une bronca inédite. Je lis actuellement un livre que je ne saurai trop conseiller.

 


 

A la fois très documenté, nourri de philosophie, de références historiques et littérataires, un encouragement à prendre le temps de vivre, . En réaction à une modernité toujours plus aliénante, l'auteur britannique nous propose un authentique traité du plaisir. 24 chapitres, un pour chaque heure de la journée, où s'élabore une véritable contre-hygiène de vie, aux antipodes des habitudes de labeur et de consommation des sociétés occidentales.   

 Un traité hédoniste bienvenu en ces temps de morosite. 

 

jeudi 15 octobre 2020

Sonate d'automne




« Nous vivons dans un monde plutôt désagréable, où non seulement les gens, mais les pouvoirs établis ont intérêt à nous communiquer des affects tristes. La tristesse, les affects tristes sont tous ceux qui diminuent notre puissance d’agir. Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, les preneurs d’âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser, ou, comme dit Virilio, d’administrer et d’organiser nos petites terreurs intimes. La longue plainte universelle qu’est la vie … On a beau dire « dansons », on est pas bien gai. On a beau dire « quel malheur la mort », il aurait fallu vivre pour avoir quelque chose à perdre. Les malades, de l’âme autant que du corps, ne nous lâcheront pas, vampires, tant qu’ils ne nous auront pas communiqué leur névrose et leur angoisse, leur castration bien-aimée, le ressentiment contre la vie, l’immonde contagion. Tout est affaire de sang. Ce n’est pas facile d’être un homme libre : fuir la peste, organiser les rencontres, augmenter la puissance d’agir, s’affecter de joie, multiplier les affects qui expriment un maximum d’affirmation. Faire du corps une puissance qui ne se réduit pas à l’organisme, faire de la pensée une puissance qui ne se réduit pas à la conscience. »
Gilles Deleuze. Dialogues avec Claire Parnet Paris, éditions Flammarion, 1977
 
Que dirait-il de plus actuellement ? 
Au prétexte de nous sauver du Covid, nos marionnettistes nous enferment chez nous où nous ne pouvons plus recevoir que six personnes (pourquoi six et non zéro tant qu'à faire), à condition de leur offrir le gite si par malheur les agapes durent au-delà de la permission. Toute infraction plus lourdement punie qu'un détournement de fonds publics si on examine les péripéties de certains fauteurs de trouble en la matière de ces dernières années. Il s'agit bien de nous préparer à obéir docilement à leurs injonctions incohérentes. Alors qu'on ne sait pas grand chose de cette épidémie notre leader maximo pronostique qu'elle va durer jusqu'à l'été 2021. Coucouche panier les énervés, laissez nous continuer tranquillement à démembrer ce qu'il reste de l'état social, qu'on établisse une fois pour toute une oligarchie triomphante qui s'alimente gloutonnement avec les larves que vous serez bientôt tous devenus.  Avec les moyens numériques vous êtes entre nos mains de toute façon.
 
Bon, je l'avoue, je ne suis pas bien gaie, ça doit être cette pluie incessante et l'entrée dans l'hiver. 
Allez donnons nous du courage en convoquant les courageuses.
 

mardi 1 septembre 2020

Un été sans festivals, mais pas sans fêtes

 Un été sans festivals, mais par ici des mini rencontres dans des endroits dits "tiers lieux " que des artistes investissent et animent, y font pulser de la vie. Fort heureusement ! Car avec leurs lancinants rappels à la prudence, leurs arrêtés imbéciles, leurs interdictions incohérentes, nos chers élus nous feraient mourir d'ennui ou devenir fous. 

Donc, en milieu rural, on s'organise. Invitation à une petite tournée. Ainsi un joli concert à Rabastens dans un lieu "Le Pré Vert" qui fut un hôtel restaurant de luxe et a été repris en main par un collectif de Rabastinois pour y installer plusieurs activités. L'association "La locale"  y organise des "dimanche sur le pré. J'y étais le 12 juillet avec quelques amis  pour écouter L'Orquèsz - Bal Vagabond ! Je cite leur présentation :"Ces trois-là jouent une musique libre et sans frontières : musette, musiques des Balkans, compositions et improvisations ! Florian Demonsant : accordéon / Pascal Demonsant : clarinette / Florent Rousset : batterie, percussions.



Un peu plus tard, ce fut à Saint Julia, dans un ancien château qui renaît après une longue période de délabrement. Un orchestre de musiciens sud américains y déployait une belle énergie.



Le 8 août, La Joyeuse Lucie Holle, la compagnie de théâtre créée par ma fille présentait  son nouveau spectacle dans son / notre village, (une première pour elle, jouer dans le village de son enfance !) dans un espace ombragé (il faisait très chaud). S'en est suivi un repas et une soirée dansée orchestrée par sa playlist.



Le 15 août, ma fillote fêtait son anniversaire en même temps que mon amie de trente ans, un anniversaire de lionnes, at home, cette fois.

Le lendemain, nous sommes allés à Buzet, où un collectif a repris en main une propriété en déshérence et y organisait son dernier concert de la saison. Bonne chère, bons vins, nous avions emmené avec nous un ami de passage qui explore diverses parties de notre hexagone en quête d'un coup de cœur pour acquérir une petite maison et y monter de grands projets loin de la Capitale qu'il souhaite déserter.

Entre temps j'avais rendu visite à des amis qui habitent à proximité de Saint- Antonin- Noble-Val, ce qui m'a donné l'occasion de découvrir ce très joli village ainsi que Castelnau-de-Montmirail.



Je suis allée voir une exposition dont le titre "merveilleux vivant" m'avait incitée à franchir les 200 kilomètres qui m'en séparaient. Elle se tenait dans l'Abbaye de l'Escaladieu à Bonnemason, un tout petit village proche de Bagnères de Bigorre. Le contraste entre la région verdoyante qui nous accueillait et celle jaunie par la sécheresse dont nous venions nous a stupéfaites (une amie m'accompagnait). Je souffrais de vertiges dus à une intoxication alimentaire mais j'avais tenu à honorer ce rendez-vous. Exposition un peu décevante, en revanche les arbres grandioses du parc et l'architecture de cette abbaye cistercienne l'ont compensée. 


 

Il y a quelques jours, j'ai fêté mon anniversaire. Je n'organise jamais rien de spécial. Mes enfants et leur père sont aux manettes et chaque fois me font de jolis cadeaux. Cette fois, j'ai eu envie de convier quelques amis proches. S'il tenaient à me faire un cadeau, je leur avais suggéré un plant en prévision d'une rocaille que je projette d'organiser autour d'un abreuvoir, expulsé lors des travaux d'aménagement de la maison. Je souhaite le "recycler" en mini bassin entouré d'une composition pierres / plantes. Très jolie soirée, à la fois joyeuse et paisible. Et préfiguration du bassin





Le lendemain délicieux rituel familial et parmi les cadeaux celui-ci



Les 650 lieux les plus insolites et les plus étranges du monde. Des merveilles naturelles ou construites par l'homme, des musées méconnus, des exploits de l'humanité laissant dans l'histoire des traces intrigantes et fascinantes. Atlas Obscura satisfait une soif de voyage autant qu'une soif d'émerveillement. 650 notices captivantes, 750 photographies, 150 illustrations et infographies, 100 cartes originales

L'été s'achève, du moins sa part dédiée aux vacances. La rentrée sera compliquée me semble-t-il. C'était d'autant plus agréable d'engranger quelques bons moments, en provision. Car j'adhère au point de vue de Voltaire  lorsqu'il déclare : "  J'ai décidé d'être heureux parce que c'est bon pour la santé". On peut toujours essayer.

samedi 18 juillet 2020

"Puisses-tu garder au vent de ta branche tes amis essentiels."



Activité intense ce dernier mois de juin. Participation au Forum Social Mondial des Economies transformatrices. Il devait se tenir à Barcelone et il a été transformé en forum virtuel. Gros travail de préparation en catastrophe après un arrêt de trois mois. Travail collectif avec ses aléas et ses ratés mais aussi ses succès. Plus de 1400 participants, 400 structures d'une centaine de pays. La version en présentiel est prévue en octobre mais il pèse sur l'avenir tant d'augures sombres qu'on ne sait plus ce qu'on peut espérer sauver du marasme qui s'annonce. On est effaré de constater ce que cette pandémie a déclenché et on peut s'étonner qu'elle ait pris l'ampleur que les médias relatent. Car il s'agit d'un récit, orchestré on ne sait par quel démiurge. Allons nous reconfiner? Oui si ça arrange nos zélites zélées qui sont embarqués et nous ont embarqués dans une drôle de galère. On ne souhaite pas glisser vers le complotisme mais quand même on n'avait jamais vu ça, mettre à l'arrêt l'économie mondiale. Pas toute l'économie cependant. Nos chers GAFAM se sont prodigieusement gavés et nous ont conditionnés par là-même à dépendre de leurs sources pour nous ravitailler : fermeture des marchés de plein vent mais hypers ouverts (un paradoxe), fermeture des librairies mais Amazon a cartonné, fermeture des cinémas mais Netflix vous sert à demeure et travail à distance à tout va introduit en toute impunité. Résultat, les PME vont souffrir voire s'écrouler, tout le secteur de la culture est sinistré, la peur pollue les relations de proximité, les voyages sont restreints à ceux qui ont de gros moyens. On installe la 5G sans le consentement des citoyens et le vaccin va servir de laisser passer, il faudra montrer "patte blanche" pour avoir le droit de circuler. Un livre écrit par Ira Levin dans les années 50 intitulé "Un bonheur insoutenable"  décrit un monde régi par une entité invisible "UNI" l'ordinateur super puissant qui régule l'uniformisation des humains réduits à l'obéissance sans moyen de contester. Une dystopie parmi d'autres produits de science fiction qui m'avait fait grande impression et que j'ai envie de relire tant elle fait écho aux temps actuels.

Un Bonheur Insoutenable   de ira levin  Format Poche  


Heureusement, l'été nous offre de belles journées avec alternance de soleil pour nous soutenir le moral et pluie pour aider la végétation alentour à garder de belles couleurs.
Un été au jardin, le mien ou celui d'amies.

Vue de ma fenêtre, le matin, acanthes et seringuas

Vue de la terrasse, fushias et rosiers

La mare chez Danièle
La réunion rituelle du groupe lecture où nous dressons le programme de l'année à venir

L'albizia chez Françoise
Un spectacle que je n'avais pas vu depuis très longtemps
 Et mes chers amis, ceux qui m'ont accompagnée depuis les belles années de la vingtaine jusqu’à ce jour, ont fait un petit passage sur la colline. Bien-sûr nous avons parlé de nos supputations sur la suite après ces jours un peu étranges que nous avons vécus en privilégiés (à la campagne, sans menace extrême) mais un peu ahuris par l'avalanche d'informations contradictoires, de conseils assommants proférés comme s'adressant à des enfants  immatures. Nous ont manqué, oui, les amis, les enfants, la bonne chaleur du partage et c'était donc un vrai bonheur d'ouvrir une bonne bouteille et boire à la liberté retrouvée. Mais pour combien de temps? 

*Le titre est  emprunté à René Char, Le Risque et la pendule (in La Parole en Archipel, 1962)

vendredi 5 juin 2020

Laissez nous respirer !

Je lisais aujourd'hui la lettre que Virginie Despentes adresse via France Inter à ses "amis blancs qui ne voient pas où est le problème". Elle a participé à la protestation organisée par Assa Traore pour réclamer justice pour son frère assassiné par la police comme vient de l'être à Minneapolis George  Floyd.
Ces derniers jours, perdue dans ma campagne et relativement peu "exposée" aux nombreuses scènes que j'ai vécues quand je vivais dans le 93, à Montreuil précisément, je repensais à tous mes amis noirs ou arabes qui ont eu à subir des humiliations et des violences. Montreuil n'est pas le pire endroit à cet égard et il y a une longue tradition de cohabitation de multiples communautés dans ces cités ouvrières de la périphérie qui se gentrifient mais gardent une tradition de tolérance. Montreuil a hébergé beaucoup d'artistes de toutes les couleurs qui ont trouvé là un terrain d'accueil et de vie. Les scènes qui me navraient se situaient surtout dans le métro et dans les rues  où le contrôle au faciès était flagrant.
Mais ces événements déplorables m'ont plutôt invitée à repenser à tous ceux qui ont jalonné ma vie de leurs rires et de leur magnifique art de vivre en toute circonstance même les plus extrêmes.
Je pensais à Consolata, mon amie rwandaise qui a vécu le pire de l’extrémisme avec le massacre de sa famille tutsi en 1994, car le racisme prend toutes sortes de figures.
Je pensais à Phillie, la jeune femme noire qui travaillait à la crèche et dont j'ai une très belle photo tenant dans ses bras ma petite fille, si pâle en contraste avec son beau visage lumineux et paisible. Phillie vivait avec ses trois enfants et son mari dans un taudis et nous nous étions mobilisés (les parents de la crèche) pour lui trouver un logement décent. Quand elle avait enfin pu emménager, son mari était en phase terminale de la tuberculose qui lui rongeait les poumons. Nous nous étions cotisés pour lui offrir son billet de retour afin qu'elle puisse échapper à l'obligation d'épouser son beau frère -selon la tradition- après avoir ramené le corps de son mari chéri au pays. Phillie qui vécut son drame sans jamais le faire peser, affichant son ineffable sourire dès qu'un petit réclamait ses bras.
Je pensais à Lalahoum,  institutrice dans son Algérie natale mais qui n'avait pu faire valider son diplôme en France et travaillait dans une crèche dans le quartier des Minguettes à Vénissieux.. Elle m'expliquait qu'en arrivant en France, elle avait laissé ses enfants jouer dehors comme il était  naturel dans son pays  où tous les adultes sont responsables de tous les enfants et veillent à leur bonne conduite. Mais l'assistante sociale lui avait fortement déconseillé et elle se sentait obligée de les confiner dans son petit appartement par crainte "qu'ils tournent mal".  L'assistante sociale la morigénait parce qu'elle appliquait la consigne trop à la lettre. Le paternalisme / maternalisme des Blancs !
Je pensais à Pierrette, la collègue camerounaise,  qui mène d'une main ferme et efficace des projets de développement avec les femmes et les jeunes. A toutes ces jeunes Africaines avec qui j'ai travaillé et qui ont décidé après avoir fini leurs études de revenir chez elles pour que leur savoir aide leur pays à s'extraire du néocolonialisme qui continue à les vampiriser.
Je pensais aux petites filles jamaïcaines avec qui j'ai dansé, il y a longtemps, elles doivent avoir elles -mêmes des enfants. Nous dansions dans l'Ambassade de France qui nous avait accueillis à Kingston après le passage ravageur d'un cyclone qui avait détruit la plupart des habitats précaires de l'île. Elles dansaient leur joie d'avoir survécu et je dansais avec elle la gigue du bonheur d'encore exister.



Je pensais à tous ces artistes que j'aime Myriam Makeba, Manu Dibango, Angélique Kidjo et bien d'autres qui ne sont pas seulement de grands artistes mais des êtres de grande humanité.
Je pensais à Christiane Taubira, sa pugnacité et son humour et à son rappel du "principe humaniste que professe le concept africain d'unbuntu: Umuntu ngumuntu ngabantu, une personne est une personne grâce aux autres personnes".
Je pensais à cet homme politique, le seul qui m'ait inspiré un profond respect, Mandela, dont les puissants aphorismes ont beaucoup été cités mais je choisis celui-ci en la circonstance.


A tous ceux "qui ne voient pas où est le problème", je conseille de se déconfiner des certitudes de Blancs satisfaits de leur bonne chance d'être "bien nés" et de mériter leurs privilèges.  En tous cas qu'ils nous laissent respirer, nous tous qui sommes de simples humains à peau rose, jaune ou noire et à sang rouge pour qui l'air pur est une nécessité absolue. Parce que par les temps qui courent, ça pue!

mercredi 13 mai 2020

To touch or not to touch

Nous déconfinons et sur les radios on interroge : la "distance sociale" ça vous fait quoi ? Chacun de se récrier, il va respecter mais quand même c'est bien embêtant de ne pas pouvoir se toucher. On aime ça quoi ! Quid de la poignée de mains, de la bise et autres façons de s'accueillir, de faire entrer dans notre petite aire de respiration l'autre, éventuellement porteur de mort.
J'ai pensé avec d'autres que me voilà débarrassée de cette bise obligatoire même quand on ne connaît pas la personne,  mais comme il  se trouve au milieu de ceux qu'on embrasse familièrement, d'autres qu'on ne connaît pas, refuser de leur tendre la joue correspond à un affront. On sait que ces rituels d'accueil sont totalement culturels, qu'ils varient d'un pays à l'autre et d'un continent à l'autre. L’anglo-saxon est réputé plus volontiers distant que le Latin et en France selon qu'on est originaire de telle ou telle région, le nombre de bises varie d'où quelques embarras comiques qui valent quelques frottements de museaux inopinés.
Que va changer cet épisode à ces mœurs légères auxquelles on ne réfléchit pas dans le courant de la vie ordinaire  et qui soudain font obstacle. Il va falloir réfréner mais pas s'en tenir là et commenter  le fait qu'on ne le fait pas mais "que le cœur y est", compenser des gestes par des mots sans le secours même du sourire enfoui sous nos masques obligatoires.
Nous pourrions nous inspirer des Asiatiques, par exemple des Népalais qui saluent en joignant les mains sur leur poitrine, se penchent en avant avec déférence et prononcent  "Namasté", qui signifie "puissent nos esprits se rencontrer".


Ou porter notre main droite vers notre coeur en l'absence de la poignée de main qui va avec.
Remplacer le "bonjour" par "que la paix soit avec toi". N'avons nous pas pris l'habitude de conclure nos mails par "prenez soin de vous", ce qui ne nous serait pas venu à l'esprit avant que cela prenne le sens que la pandémie lui a donné. Il va être amusant de répertorier les substituts inventés pour se toucher à distance. Il serait bien dommage que cette période induise une ère de glaciation dans les relations humaines. Chacun chez soi et les virus seront bien gardés.

Ecoutant les commentaires de passants interrogés dans les rues déplorer que les gestes d'amour se trouvent figés en attendant le dégel des mesures actuellement assez férocement répressives, j'ai repensé à une scène qui m'avait profondément émue en Afrique. Nous visitions une forêt primaire sur les bords du lac Tanganika, en compagnie d'un ingénieur dépêché sur place pour en inventorier la faune et la flore. Nous sommes tombés par hasard au milieu d'une cérémonie paysanne d'un minuscule village en lisière. Après avoir parlementé pour nous faire admettre, notre ingénieur nous a introduit dans le rituel qui s'opérait sous nos yeux. Il s'agissait d'un groupe de jeunes gens qui dansaient une sorte de parade amoureuse sans se toucher. Ils ondulaient au rythme des tambours, s'éloignaient puis se rapprochaient et lorsqu'ils étaient au plus près, leurs têtes venaient au plus proche puis se retiraient avec un mouvement serpentin de leurs cous d'une très grande sensualité. C'était d'autant plus étonnant que le rythme était très rapide et que ce chassé croisé exigeait une belle maîtrise.
J'ai pensé que nous allions peut-être revenir vers une chasteté justifiée par le risque de la maladie mais qui permettrait de redonner au désir toute sa puissance après une période de gabegie consommatrice.
Ces gestes que nous faisions machinalement vont sans doute reprendre leur poids de gravité et leur rareté leur donner l'intensité qu'ils ont perdue.
Envie d'être optimiste aujourd'hui.
    
  

mercredi 29 avril 2020

La déconfiture des arrogants


Je republie un article que j'avais posté en 2008  il me semble tellement d'actualité.
J'y ajoute une petite illustration, ce que je ne pratiquais pas alors, mais qui en l'occurrence met au goût du jour ces quelques lignes. J'ajoute que ce temps de confinement qui me préserve des voyages m'oblige à les remplacer par d'interminables séquences de réunions électroniques et que j'en ai franchement marre.



"C'est formidable, je rencontre partout des articles où sont vantées les vertus de la coopération, de la solidarité, de la sobriété. Les conversions à "l'autre économie", à la régulation de l'Etat, l'invocation des mânes de Keynes fleurissent dans des cénacles où on vouait les unes et les autres aux gémonies il n'y a pas même trois mois. Ce serait à mourir de rire si on ne pressentait dans les discours opportunistes une tartufferie de première urgence, le temps de colmater, avant de repartir vers le cap du profit à tout crin. J'ai une pensée émue pour Ivan Illich et André Gorz qui ont quitté la planète avant de pouvoir assister à la déconfiture des arrogants dont ils avaient dénoncé l'immense et stupide cupidité. On ne pourrait que se réjouir de la cure d'amaigrissement infligée à la ploutocratie . Hélas, son impéritie va encore serrer d'un cran la ceinture de ceux qui crevaient déjà de faim et en augmenter les cohortes. Les autres reprendront très vite de belles couleurs."

mardi 21 avril 2020

Regard intérieur

Composition Regard intérieur 19 avril 2020. ZL

"je ne crois plus que celui qui se laisse détruire ou qui s'autodétruit avec des drogues et la misère soit un révolutionnaire : aujourd'hui, il faut vivre cent ans et davantage en bonne santé pour leur démontrer qu'on peut vivre une vie différente, sans faire une marchandise de son œuvre ou de ses idées"

"qu'est-ce que la vie si tu ne t'arrêtes pas un instant pour la repenser"

"la vie ne se laisse pas prendre par celui qui achète seulement les bons petits morceaux: ou tu la prends comme elle est, ou tu ne vis pas "

Goliarda Sapienza, Carnets, Le tripode, 2019.

mercredi 15 avril 2020

Confinement et délires.

Aujourd'hui, je n'ai pas envie d'écrire mais de partager deux textes que j'ai trouvé très forts et qui traduisent si bien le maelstrom d'émotions qui me traversent ces derniers jours.
Le premier est une révolte contre ces injonctions à être encore compétitifs dans notre isolement forcé. Bien "réussir son confinement". On est saoulés par les conseils  abondamment délivrés par nos bons bergers qui veillent sur le troupeau à l'arrêt et par  leurs propos lénifiants ou culpabilisants.
Non ce virus n'est une bonne chose pour rien ni personne

Le second est celui d'une française confinée à Venise et qui constate de quelle façon les vieilles personnes restent considérées dans leur besoin de vivre avec les autres alors qu'en France on envisage de les obliger à moisir plusieurs mois au delà du déconfinement "pour leur bien " alors qu'ilest évident que  ça risque de précipiter leur fin (c'est peut-être le projet caché). Mais je vous laisse découvrir le texte, précédé de cette magnifique photo de Venise déserte et paisible


Je vous écris d’une maison vénitienne où, chaque matin, je suis soulagée d’être réveillée par mes voisins du dessus. Leur radio, leurs apostrophes d’une pièce à l’autre, leurs rires, leurs cannes sur le parquet, leurs coups de fil à leurs proches dont je ne rate aucune péripétie…J’ai l’impression de faire partie de la famille! Mes voisins sont mari et femme, ils ont tous deux 94 ans et, comme la plupart des personnes âgées en Italie, ils vivent en paix chez eux, en compagnie de leurs souvenirs, dans les murs qui ont vu grandir leurs enfants. En Italie, seuls 1,6% des personnes âgées vont en maison de retraite, ce pis-aller inacceptable pour les italiens dont le sens de la famille s’étend à toutes les générations. Les « badanti », dames de compagnie ou aides-soignantes, secondent parfois les familles mais les enfants restent très présents dans le quotidien de leurs parents âgés.
Ce matin, je n’ai pas été réveillée par mes voisins car je n’ai pu trouver le sommeil. Le silence de la nuit vénitienne était aussi profond que d’habitude, l’air toujours aussi doux mais une idée entendue à la radio française me vrillait le coeur. Dans quel cerveau mal câblé, dans quel cœur aride, dans quelle âme dénuée de toute empathie a bien pu naître le projet d’interdire le déconfinement des personnes âgées jusqu’à la fin de l’année? Loin de moi l’ambition d’alimenter le débat sur les bienfaits ou les méfaits du confinement, je ne suis pas virologue. Mais en tant qu’être humain, je sais qu’on peut mourir de solitude, de chagrin, d’isolement. Je sais que, pour déclencher chaque matin la petite étincelle qui va nous remettre en piste pour une nouvelle journée, il faut avoir envie de vivre. Les projets, la curiosité mais surtout l’amour, l’amitié, la vie sociale nous font sourire à la vie.
A Venise, j’aime le spectacle des personnes âgées papotant sur les "campi", franchissant les ponts, grimpants les étages de leurs maisons sans ascenseur, parfois au bras de leur "badante", vaillantes parce que entourées et habituées à accomplir elles-mêmes le plus longtemps possible leurs tâches quotidiennes. Ici, les anciens sont respectés, ils sont une source inépuisable d’échanges, de conseils, ils font partie de notre vie et sont de toutes les réunions de famille.
Dans le pays d’où je viens, les plus âgés vivent souvent dans un monde parallèle, s’étiolent, rétrécissent puis meurent faute d’avoir encore leur place dans une société qui les considère comme des poids et voudrait les rendre invisibles.
Depuis des semaines, des millions de personnes de tous âges attendent de sortir de chez elles, de retrouver l’étincelle des matins nouveaux. Lorsque ce jour arrivera, aurons-nous le cœur de demander aux plus âgés d’attendre de longs mois encore pour revoir les êtres aimés, pour renouer avec leurs sorties, leurs habitudes, leurs loisirs, avec tout ce qui leur donne le désir de se lever et de jouir de leur droit inaliénable à vivre? Oserons-nous prétendre que c’est pour les protéger que nous prenons le risque de les voir s’étioler et s’éteindre comme des petites flammes affaiblies par le chagrin de la solitude et de l’abandon? Prendrons-nous le risque que la perte de tout désir de vivre tue bien plus que ce virus? Infantiliserons-nous, priverons-nous de leur libre-arbitre ceux qui nous ont mis au monde puis éduqués, aimés, soutenus? La vieillesse est un aussi un état d’esprit et je connais des octogénaires tellement plus jeunes que certains adolescents blasés!
Un jour nouveau se lève sur la Sérénissime, les mesures de confinement allégées nous redonnent quelque espoir de goûter enfin ce printemps. Pour les plus âgés, la vie se compte parfois en printemps, ceux que l’on a vécu, ceux que l’on vivra encore, ceux que l’on ne verra plus. « C’est dur de mourir au printemps, tu sais… » chantait Jacques Brel. On ne saurait mieux dire.
Arièle Butaux, Venise, 14 avril 2020
37 ème jour de confinement.

Petit conseil, aller voir le Journal de Jeanne qui compile quelques autres morceaux choisis 

mercredi 8 avril 2020

Désintoxication consumériste généralisée (jour X du confinement)

 



It Only Takes One to Break the Hive Mind Crédits : Misha Gordin*

"Autant le regarder en face : les voyages à l’étranger, en Europe, en France, la plage l’été, l’après boulot en terrasse, le boulot tout court pour certains, le nouvel Iphone tous les ans, le petit ciné avec les potes, les concerts et spectacles à plus de douze dans la salle, une croisière Costa Branletta all inclusive en mer âgée avec Christophe Barbier et toute la rédaction de Valeurs Actuelles…. Tout ça c’est fini pour un moment.(...) C’est à nous de reprendre la main sur ce "monde d'après" dont seules les grandes lignes sécuritaires semblent pour le moment se dessiner. Je ne sais pas de quoi ce monde sera fait, je sais en revanche qu’il ne faut pas l’aborder sous l’angle de la peur. Si nous y entrons effrayés, nous aurons tout perdu."

Le confinement m'invite à pérégriner de façon plus régulière dans la liste des blogs (ici sur la droite). C'est ainsi que j'ai découvert que Seb Musset tient un "journal du confinement dont j'ai extrait les phrases qui précèdent. Pour ma part, c'est un exercice que je n'ai pas eu envie de faire pour une raison fort simple : je trouverais malvenu de raconter mes journées de confinement alors qu'elles diffèrent peu de mes jours ordinaires à ceci près que je ne voyage plus comme auparavant ce qui loin de me déplaire m'offre une pause bienvenue. Les aéroports et les gares sont avantageusement remplacés par "zoom" et autres moyens de communication à distance et le télétravail étant ma manière habituelle ... Un peu indécent d'étaler mes journées au soleil à cultiver mon jardin ou devant la cheminée à lire - en ce moment "Carnets" de Goliarda Sapienza - laquelle d'ailleurs retrouve avec bonheur la paix et le silence du village de Gaéta après le tourbillon usant de la vie romaine.


Gaeta

Donc à part quelques complications pour se ravitailler et l'impossibilité de voir les copains le samedi après le marché (fermé bien-sûr), la vie est vivable.
En revanche, si le virus ne m'inquiète pas trop (peut-être ai-je tort, l'avenir le dira) la tournure sécuritaire qu'a pris le visage mondial ne me dit rien qui vaille et me fout vraiment la trouille quand j'envisage ses éventuels développements. Bien-sûr que ce serait l'occasion d'envoyer à la casse les énormes bateaux de croisière qui bousillent à peu près tout sur leur passage et répandent le servage touristique sur la planète. Évidemment qu'on devrait reconsidérer l'échelle des utilités sociales et mettre au chômage les vrais inutiles (liste trop longue à détailler ici mais citons au moins, les traders, les ingénieurs en balistique meurtrière et les publicitaires pour ne rien dire de tous les pompeux "experts télévisuels). Sans conteste devrait- on accélérer la mise en place des circuits courts d'approvisionnement des produits essentiels à la vie quotidienne et cesser de fabriquer et pire d'importer les énormes quantité de gadgets qui remplissent nos poubelles. Mais qui va prendre le tranchoir pour couper les fils de ces amarres pesantes au "business as usual". Pas ceux qui en tirent des fortunes vertigineuses, des prébendes insensées, des glorioles et des hochets clinquants.
Donc c'est nous les gens de peu qui devront nous organiser pour favoriser la mise en berne de toutes ces afféteries dispendieuses et retrouver du goût pour la vie simplifiée mais luxueuse d'un temps reconquis sur l'esclavage consenti. Ne pas oublier la grande leçon de la Boétie
Chose vraiment surprenante (...) c'est de voir des millions de millions d'hommes, misérablement asservis, et soumis tête baissée, à un joug déplorable, non qu'ils soient contraints par une force majeure, mais parce qu'ils sont fascinés et, pour ainsi dire, ensorcelés par le seul nom d'un, qu'ils ne devraient redouter, puisqu'il est seul, ni chérir, puisqu'il est, envers eux tous, inhumain et cruel.
Cesser de servir le Prince et surtout de nourrir le veau d'or et récupérer les coudées franches. 
A rebours de l'intitulé de l'illustration, je pense que nous devons, au contraire être nombreux.ses à foutre en l'air le théâtre et le plus pacifiquement possible, en refusant tel l'âne obstiné de revenir dans le foutu enclos.



*Il suffit d'une personne pour briser l'esprit de la ruche 
 

vendredi 27 mars 2020

Pour un monde sans pitié. Partager le souci de l'autre.



Je partage rarement ici ce que je considère comme appartenant à ma sphère professionnelle. Les circonstances actuelles m'ont invitée à exhumer un de mes articles qui a été publié en 2009. Il me semble qu'il résonne avec notre actualité. On peut le retrouver dans son intégralité ici.

« Où les enfants apprennent-ils, et de qui, ce que c'est que l'humain. L'échange, le partage, le don, la communauté, l'attention, la patience de l'autre, la simple jouissance de vivre ? Si tout cela ne vient pas des femmes, et de là où elles sont, dans le monde maintenant et plus seulement dans la famille, si cela ne vient pas d'elles , de qui est-ce que cela viendra ? » Annie Leclerc ( Hommes et femmes). cité par Nancy Huston in Passions d'Annie Leclerc Actes Sud 2007

Annie Leclerc avait considérablement impressionné le mouvement féministe dans les années 70 en refusant que la lutte des femmes se fasse par l'abandon, la négligence, la honte des valeurs féminines et en revendiquant au contraire leur force et leur beauté. Ce n'est pas lui faire offense que de la placer en exergue d'un texte qui s'efforcera de montrer en quoi « l'attention, la patience de l'autre » ne doivent plus être considérées comme naturellement « la cause des femmes » mais généralisées à une société. Après avoir rapidement évoqué les décalages entre ce que les textes de loi prétendent sur l'égalité au travail et la situation réelle des femmes sur le marché du travail, on examinera de quelle façon le soin aux personnes devrait évoluer pour permettre d'accéder à une société respectueuse de la dignité de chacun. (...)

Le sexe de la sollicitude ( Fabienne Brugère Le sexe de la sollicitude,Seuil, 2008)

Si on examine les métiers du social on constate une hyper féminisation de ce secteur avec de surcroît un avantage masculin plus important qui joue dans les professions très féminisées et permet aux rares hommes investissant ce secteur de progresser plus rapidement dans la hiérarchie. Ainsi trouve t-on des femmes à 97% parmi les conseillers en économie sociale et familiale, à 94,4% chez les éducateurs de jeunes enfants, pour deux tiers des éducateurs spécialisés et 91,8% des assistants sociaux.

Ces métiers se regroupent sous un terme anglosaxon le care, que la traduction par le substantif sollicitude ampute ou édulcore parce que le terme anglophone possède une aire sémantique plus vaste. En effet , le verbe to care : prendre soin, se préoccuper de, faire attention à et le nom care : souci, inquiétude, sollicitude, s'allient pour désigner une forme d'activité le caregiving.

Le terme utilisé par F. Brugère fait référence à une forme d'attention à l'autre, à la prise en compte de ses difficultés de sa vulnérabilité. Il n'a pas en France le sens qu'il a acquis dans les pays anglo-saxons d'un secteur entier de l'activité humaine qui s'est professionnalisé, précisément parce que le soin aux dépendants étaient auparavant la charge dévolue aux femmes au sein du foyer et que leur implication dans l'activité économique de production ne le permet plus. (...)

Accomplir cette fonction mobilise des compétences : l'attention consistant à reconnaître et prendre en compte les besoins de l'autre, un engagement qui va de pair avec la responsabilité, des savoir faire qui permettent d'agir à bon escient et une réceptivité qui favorise l'empathie sans projection de soi sur l'autre ou envahissement de soi par l'autre. L'empathie mobilise une compétence très spécifique bien connue des professionnels sous le terme de « bonne distance ».

Des métiers méprisés voire marginalisés.

L'ensemble du secteur souffre de marginalisation sociale, non seulement parce que ces tâches accomplies à la fois dans le domaine privé et dans le domaine public sont attachées dans l'imaginaire à ce qui « ne coûte rien » (l'exploitation millénaire du travail féminin), mais aussi parce qu'elles concernent la part vulnérable de l'humanité, lorsqu'elle est frappée de dépendance. L'incapacité de l'enfant, du handicapé, du vieillard, du malade place en abîme le fantasme de toute puissance, de maîtrise si fortement associé à la virilité dans l'imaginaire social.

Joan Tronto (Joan Tronto, Un monde vulnérable ; Pour une politique du care. La découverte. 2009 )rappelle que ce sont le plus souvent les catégories de la population les plus socialement vulnérables qu'on place à ces postes, marginalisant doublement les personnes issues de l'immigration. En France un nombre non négligeable des personnels soignants sont immigrés, leurs salaires et leurs statuts sont dévalorisés par rapport à leurs diplômes et aux tâches réelles effectuées.

Dans le cadre des formations que j'ai effectuées auprès de personnels d'accueil j'introduisais la sphère du « confort » comme domaine à égalité d'importance avec celle de l'administration, de l'éducatif ou du soin, ce qui ne manquait pas de choquer, tant on est habitué à considérer que s'occuper de l'entretien (du corps, des espaces, de la nourriture etc) ne requiert pas de compétence spécifique.

Réhabiliter le souci de l'autre : une dimension politique.

Il s'agit essentiellement de déconstruire le lien entre travail du care et féminité, sentimentalité et proximité. Ce n'est que grâce à ce découplement et à celui qui tend à faire reposer cette partie inaliénable d'un fonctionnement social harmonieux sur les épaules de personnes précarisées dans leur citoyenneté et dans leur survie que la question de la justice peut être reconsidérée.

Pour un monde sans pitié, partager le souci des autres.
Pour dédouaner la personne qui a besoin de façon provisoire ou plus chronique de la compassion et de la douloureuse humiliation de la pitié, il faut changer de paradigmes et leur substituer la solidarité fondée sur la réciprocité. Chacun a eu et aura affaire aux soins prodigués par un autre (et plus encore les puissants suffisamment privilégiés pour oublier à quel point ils dépendent de dispensateurs de soins). Il s'agit donc de remodéliser un art du vivre ensemble qui distribue entre les sexes la prise en charge nécessaire de ceux qui n'ont pas encore ou n'ont plus l'autonomie pour le faire. On peut en constater les prémisses dans un début de partage du soin des enfants entre les parents, qui a beaucoup progressé dans les deux dernières décennies.

Il s'agit aussi de revoir les échelles de l'utilité sociale pour que cette fonction recouvre le niveau d'importance qu'elle a de fait et lorsqu'elle donne lieu à une activité rétribuée, le salaire devrait être décent.

Enfin qui plus que quiconque peut se réclamer de la citoyenneté du pays où il vit, lorsqu'il consacre son énergie à maintenir, perpétuer et réparer notre « monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible .

« Pour douce que soit sa musique à nos oreilles, l’idéologie de la compassion est en elle-même l’une des influences principales qui subvertissent la vie civique, car celle-ci dépend moins de la compassion que du respect mutuel. Une compassion mal placée dégrade aussi bien les victimes, réduites à n’être que des objets de pitié, que ceux qui voudraient se faire leurs bienfaiteurs et qui trouvent plus facile d’avoir pitié de leurs concitoyens que de leur appliquer des normes impersonnelles qui donneraient droit au respect à ceux qui les atteignent. » Christopher LASCH 1996 « Communautarisme ou populisme ? Éthique de la compassion et éthique du respect », La Révolte des élites, Climats)

Remplacer le compassionnel par la généralisation d'une «universelle empathie» et son exercice comme une des plus hautes valeurs d'une société.