samedi 11 mai 2013

Une bibliothèque et un jardin.

 

Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu'il vous faut. Cette phrase célèbre de Cicéron, pour introduire mon propos du jour : la concurrence que se livrent en moi ces deux biens dont je bénéficie en effet, mais qui me harcèlent éventuellement.
Lorsque je suis tranquillement assise à lire, par exemple, la biographie de Virginia Woolf par Viviane Forrester (qui vient de mourir le 30 avril, on en a peu parlé, alors que la mort de d'Ormesson va provoquer, c'est quasiment certain, pléthore de commentaires), je lève le nez et m'aperçois qu'un rayon de soleil m'offre la possibilité de filer au jardin où tout est en chantier mais interrompu pour cause d'averse. Je chausse mes chaussures de boue et me voilà à m'escrimer sur la verveine sauvage, une vraie cochonnerie qui colonise sans vergogne et sur les viornes qui étouffent leurs victimes en toute impunité.
Il y a aussi concurrence entre lectures de "loisir" et lectures de "travail". De même au jardin entre potager et plate-bandes fleuries, plantations et semis.


Une de mes amies qui a récemment opté pour un petit appartement en ville après avoir vécu de longues années dans une grande maison à la campagne m'a dit en riant : "je ne regrette pas le jardin, je me promène avec bonheur dans les parcs que d'autres s'échinent à entretenir. En revanche, je suis drôlement embêtée avec mes livres, je n'ai pas assez de place pour ma bibliothèque, ils sont entassés dans tous les coins, ils me mangent l'espace et il n'est pas question de m'en séparer, ce sont mes plus fidèles amis".
Et pourtant, désormais, on peut faire tenir une bibliothèque dans un carré de plastique. Mon fils m'a offert une "liseuse" (comme si c'était le petit bidule qui lisait ! ). J'ai chargé beaucoup de classiques (possibilité de les lire ou relire). Je dois reconnaître que c'est très pratique pour lire au lit, pour emmener en voyage et pour me procurer illico un livre tout récent sans sortir de chez moi.

 


Il n'empêche, que serait une maison sans livres.


Hélénablue a eu l'idée de solliciter certains de ses amis blogueurs pour proposer un échantillon de leur bibliothèque. C'est une intéressante compilation que vous pouvez consulter pour l'amour des livres. 
J'aime beaucoup le texte d'Eric Mc Comber, un pétard, comme d'habitude.
C'est amusant de retrouver des titres qu'on a soi-même en rayon et d'en découvrir au passage. Mais au-delà, la disposition et l'environnement des livres sont révélateurs d'un univers intime.
C'est cette invitation amicale qui m'a incitée à rédiger un billet sur cette thématique. j'en ai eu le temps en cet après-midi que je pensais consacrer à désherber, mais comme il ne cesse de pleuvoir, par petites averses perfides, le chiendent peut progresser en toute quiétude.
  




Pour conclure, une citation amusante du grand Victor : il y a des gens qui ont une bibliothèque comme les eunuques un harem. Même si on ne collectionne pas les œuvres comme des bibelots, on doit bien reconnaître que certaines de nos invitées ont été un peu abandonnées et que toutes celles que nous avons aimées ne sont pas au bercail

Photos ZL

26 commentaires:

Frederique a dit…

Ce sont de bien doux "harcèlements" Zoé, et à dire vrai, il me semble que votre billet est une invite à partager, une sollicitation. Non ? J'ai lu le billet d'Helenablue, fort riche de participations diverses. Et à propos de Viviane Forrester dont je lirai très certainement la bio de V. Woolf, je vous suggère un petit ouvrage, un essai,"Mains". Auriez-vous entre livres et jardins un chat ?

Didier Goux a dit…

Vous arrivez vraiment à lire cette biographie ? J'ai arrêté au bout de cent pages et, de rage, j'ai même déchiré le livre avant de l'abandonner dans une poubelle publique. Ce qui ne m'arrive que très rarement.

Zoë Lucider a dit…

@Frederique, de Viviane Forrester, j'avais surtout lu "l'horreur économique". "Mains", je suis allée voir de quoi il s'agit et en effet ça semble bien. Je n'ai pas un mais cinq chats...
@Didier Goux, vous m'inquiétez. J'ai commencé et abandonné, mais momentanément (comme je le suggère ici). Je suppose que sa version du rôle de Léonard dans la folie de Virginia vous a énervé, c'est ça ? Il y avait bien longtemps que vous n'étiez venu sous l'arbre.

patrick.verroust a dit…

A chacun son jardin , sa bibliothèque,sa culture. En somme,rien ne sert d'amasser, il faut savoir cueillir, trier les bonnes feuilles, les séparer de l'ivraie qui a son utilité, au moins celle d'obliger à travailler son goût, gouter à fleur de mots, les miellées, les arômes, l'ivresse poétique quasi incommunicable..Il faut savoir les abandonner pour les taches que chaque jour amène, entretenir le corps, brosser les dents, marcher penser, manger sans oublier l'orgasme quotidien... Apprendre à ouvrir jardin et livres, partager avec l'étranger...Bref se nourrir et oublier, voilà pour moi le clair chemin des clercs, il y en a d'autres plus durs , plus obscurs , mineurs de fond, pécheur hauturier, immigré qui apprennent la vie au risque de la perdre, des leçons de philosophie et de poésie ...une épaisseur humaine, l'admirable silence taiseux, presque indécodable...
Vous êtes bien équipée, des semelles de vent et des chaussures de boue...

Didier Goux a dit…

C'est de la biographie "à la française" dans ce qu'elle a de pis, à mon avis : presque pas de faits concrets et du psychologisme au rabais à longueur de pages, du sous-freudisme, etc.

Enfin, bon : j'étais peut-être dans de mauvaises dispositions à ce moment-là.

Si ce n'est déjà fait, offrez-vous plutôt le journal intégral de Virginia elle-même…

patrick.verroust a dit…

Semelles de vent, chaussures de boue, de palabres en palabres, l'image s'incruste d'une femme debout, courbée sur les chiendents et les viornes qui prolifèrent autant dans les jardins qu'en paradis fiscaux, penchée sur des grimoires en quête de la vérité ,cet élixir plus volatil que les "alcools" d’Apollinaire ...
Dans l'esprit Renaissance, du Bellay ou tout autre Ronsard auraient aimé être votre page et vous avoir pour liseuse, Madame!

Vinosse a dit…

Tu sais l'herbe, je me le répète tous les jours, continuera d'pousser quand j's'rai ceurvé...
(accent charentais, désolé...)

Zoë Lucider a dit…

@PV, je suis surtout équipée de velleités.
@Didier Goux, bien compris.
@PV, liseuse ou du moins lectrice, ça ne m'aurait pas déplu.
@Vinosse, je ne suis pas une acharnée, juste laisser un peu d'espace à quelques précieuses comme les lys, les pivoines, les roses que j'aime trop pour les laisser dépérir.
Je serai en Charente maritime en fin de semaine tiens.

La Feuille a dit…

Une chronique qui parle de livres et de jardins (pluriel volontaire car il y en a tant et tant de sortes), je ne peux qu'applaudir. Il n'y manque qu'un peu de bois par ci, par là et quelques beaux rochers pour que mon bonheur soit complet. J'oubliais... les ami(e)s pour partager et quelques vénérables flacons pour l'ivresse des cimes. Quant à abandonner soit l'un, soit l'autre, je n'y songe guère ! Certes, les parcs aménagés par les autres sont fort plaisants à visiter mais il y manque les petites histoires qui s'attachent à telle ou telle plante, le souvenir des courbatures dans le dos, la mémoire des crises de rage après avoir découvert les ravages d'un ravageur sachant ravager sans rage... Pour les bibliothèques, c'est du pareil au même. Grand amateur des empilements de livre anciens que l'on découvre dans les monastères et les châteaux d'Europe, je n'en conserve pas moins un amour indéfectible pour les quelques milliers de livres qui s'égrènent, chez nous, d'une pièce à une autre, selon une classification plus ou moins fantasmagorique.
En tout cas, merci Zoë pour ces quelques lignes qui m'ont inspiré et qui ont retardé, de quelques minutes, mon départ au jardin la pioche à la main.
Livres à butiner, pommes de terre à lutiner...

Tania a dit…

Ce Cicéron illustré m'enchante, Zoë. Merci pour vos photos. Belle récolte chez Helenablue.
A ma gauche, un mur de livres. En face de moi, à travers la baie vitrée, des bacs en bois où les arbustes plantés à l'automne subissent les assauts d'un vent de mai fort gaillard à cette hauteur (dans mon jardin de ville suspendu).
Une autre bibliothèque dans le séjour, c'est là que je lis le plus souvent.
Une maison sans livres paraît impersonnelle, inhabitée, coquille fermée sur elle-même.
Bientôt, j'espère, le beau temps permettra ce plaisir sans pareil : lire au jardin.

Vinosse a dit…

https://www.facebook.com/media/set/?set=a.106243336094661.4264.100001269861175&type=1

Pilum a dit…

Tablettes.... Cliquez sur le nom...

Zoë Lucider a dit…

@La feuille, hé hé, il suffit de parler jardins pour vous revoir sous l'arbre. Je sais que vous entretenez un bel espace que je serai bien curieuse de visiter. Un jour peut-être ... avec libations.
@Tania, ah oui, lire au jardin. Encore faudrait-il que les averses nous laissent un peu de répit.Pfff!
@Vinosse et Pilum, complices sur ces racines ?

christiane a dit…

J'aime beaucoup cette petite chronique miel-citron st surtout l'inachevé des pensées ainsi celle de la biblothèque-sérail. Oui, la masse des livres rencontrés dans ces photos (blog voisin et ici) garde le secret du lecteur qui y vit. L'essentiel étant d'ouvrir un de ces livres et de se délester de tout ce qui n'est pas ce livre pour le rencontrer vraiment. Essentiel aussi de saisir un de ces livres déjà lu et relu pour encore y rencontrer une voix aimée.
Quant au jardin... Nul parc ne remplacera cet espace où se retrouver pour être au cœur de son monde intime. Je découvre ici une pensée lente, une vraie réflexion et j'aime cela.

Zoë Lucider a dit…

@Christiane, miel citron est une potion que je m'administre avec plaisir.Quant au jardin, je m'y suis employée aujourd'hui puisqu'on nous annoce une nouvelle vague de pluie.
merci de votre passage.

Vinosse a dit…

Oui, c'est pénible de ne pouvoir mettre un lien ici autrement qu'en jouant sur les noms ! Donc en cliquant sur pilum, on va vers un facebook qui présente des meubles adéquatés à vos phantasmes et qui lie les racines à l'écriture...

Trop fort le mec...

la bacchante a dit…

Très beau billet entre jardin et bibliothèque.
Les oeuvres qu'on a aimées partent souvent en vadrouille ailleurs et oublient de revenir.

Dominique Hasselmann a dit…

Chacun a son "jardin secret" ou sa bibliothèque : l'avantage (si l'on peut dire sans pester), c'est le "second rayon" qui dissimule, parfois involontairement, d'autres livres que l'on n'a plus sous les yeux.

Un jour, on les retrouve avec joie.

La liseuse fait le travail pour nous, pratique !

Zoë Lucider a dit…

@Vinosse, je comprend. merci pour le lien, il mène vers de belles réalisations
@la bacchante, oui parce qu'on a envie de les prêter et on oublie. Ma foi, c'est bien aussi que ça voyage.
@DH, le second rayon disparait en effet parce qu'il est moins récent, il recèle donc de potentielles redécouvertes.

Sophie K. a dit…

Ah, Zoé, tes livres poussent et tu lis dans tes fleurs... :)
Bien joli billet.

Zoë Lucider a dit…

@Sofka, j'ai lâché mon jardin et ma bibliothèque et je respire l'air iodé de la côte atlantique. Ca fait un bien fou!

El a dit…

Mais un jardin à soi, c'est aussi pour s'enraciner, voir le temps et les liens pousser (la plupart de mes plantes m'ont été données, offertes, et m'évoquent un être cher)
Quant à la grande V.W, lire son journal, ou l'ouvrage commun de Geneviève Brisac et Agnès Desarthe !

Dominique Autrou a dit…

Plaisir du massif à la bourrache et son inévitable, ou plutôt inévité débordement entre les pavés. Plaisir aussi des livres en opus spicatum d'intérieur. Je vous fais le mode "liseuse de bonne aventure", on dirait.

Zoë Lucider a dit…

@El, j'aime bien le titre de votre blog : les aléas d'Eléo. Bienvenue sous l'arbre.
@DA, merci pour la bonne aventure, vous faites très bien la liseuse :-)

christw a dit…

Bon usager d'une liseuse, je me dis aussi, en effet, que serait une maison sans livres imprimés...?

L'odeur, toucher le papier, le froissement des feuilles... L'objet qu'on aime, tout simplement

Zoë Lucider a dit…

@ christw, la liseuse arrête la lecture et la reprend là où on l'a laissée. Plus de marque-pages :-)