samedi 29 septembre 2012

La sorcière se fustige

- Bon, qu'est-ce que tu fous ? En 2009, 169 posts, en 2010, 90, ce qui était déjà un gros ralentissement, en 2011, 64  hop un bon tiers en moins et en 2012 ça va être quoi ? Une moyenne de 3 par mois?
- Sais pas, plus grand chose à dire peut-être, pas le temps.
- Le temps, le temps, il a bon dos.
-Je viens sur le blog, le temps de me balader chez les autres,  il faut que je lâche le clavier. Et puis quand je regarde ma liste, je ne vois que des arrêts prolongés, un an, huit mois, trois mois cinq semaines etc... Suis pas la seule à rester en rade, ça ne m'encourage guère.
- Tu n'as qu'à renouveler, avec de plus vaillants.
- Bof !  Ceux qui restent en piste me conviennent. Déjà bien du mal à les visiter régulièrement...
- Arrête alors, ferme le bazar, passe à autre chose.
- Nan, j'aime bien ma petite cabane sous l'arbre, mais  pas envie de m'y agiter plus que ça. Et puis c'est l'automne, la pluie et le gris de retour, et puis ma fillote est partie ( à Minsk,!!!) et puis il est 23h18 et j'ai sommeil.
Soyez indulgents o' vous qui passez ici, la Sorcière a la flemme

mercredi 19 septembre 2012

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ?



Je reviens de Marseille où j'ai pu constater que dans les quartiers nord on ne circule pas au milieu des Kalashnikovs. S'y développent des initiatives pour mieux vivre dans un environnement honteusement conçu dans la laideur et le mépris pour les populations qui devaient s'y loger. Aux Aygalades, l'autoroute (construite sur la rivière Caravelle !!!) a éradiqué le château et de multiples bastides et déploie son boucan assourdissant à quelques cent mètres d'un petit jardin collectif gagné sur le désert végétal environnant.


Les habitants du quartier organisent des journées du patrimoine et même un système de chambre d'hôtes (Hôtel du Nord). Les jardins partagés sont des lieux de paix sociale (dixit l'un des responsables, 48 ans, qui habite le quartier depuis l'âge de 4 ans et se souvient de la forêt qui se trouvait en lisière du quartier où il allait jouer avec ses copains.

Celui-ci, le Jardin des Aures se trouve sur une autre partie des quartiers Nord, il accueille des écoles, des centres sociaux, des enfants handicapés, des personnes en insertion et les familles du quartier pour jardiner ensemble.

Je vous fais grâce d'un reportage sur Marseille qui se prépare pour 2013, année de la culture en un immense chantier notamment autour du vieux port.



Dans le train du retour, je faisais face à une jeune mère dont le bébé de quatorze mois gigotait tant et plus. Comme souvent, la mère était énervée, pas seulement par l'agitation de sa petite mais surtout du dérangement supposé auprès des passagers, de sorte qu'elle la cramponnait, contraignait, houspillait obtenant l'effet contraire à ses injonctions, à savoir cris et protestations et tentatives réitérées d'escapade. Son malaise me troublait bien plus que le manège de la petite fille. A un moment, elle a commandé un café au serveur ambulant et comme elle tentait de le boire tout en maintenant sa petiote contre elle, je lui ai proposé de prendre la petite fille avec moi pendant qu'elle boirait son café sans risquer de l'ébouillanter. Elle a accepté avec réserve. J'en ai profité pour intéresser la petite môme avec deux bricoles, le temps que la mère se détende et perde son angoisse de "déranger". De retour sur les genoux maternels, elle a fini par s'endormir et nous avons pu reprendre notre lecture.



"Pourquoi être heureux quand on peut être normal". C'est la fin de non recevoir de sa mère adoptive quand Jeanette Winterson essaie de défendre son amour lesbien pour une amie (elle a seize ans). Pour cette mère adoptive pentecôtiste confite en religion, la révélation de l'homosexualité de sa fille est insupportable, le démon s'est emparée de cette enfant de toute façon pas conforme du tout au modèle qu'elle a a tenté de façonner. Trop libre, trop rebelle. Le récit de cette enfance est proprement hallucinant : des nuits entières "enfermée dehors", les murs du foyer constellés d'exhortations tirées de la bible, un père taiseux et soumis à sa femme au corps énorme et souffrant, qui ne partage jamais son lit.
Jeanette est malgré tout habitée d'un formidable appétit de vie et se cherche dans les mots et les livres. La mère n'hésitera pas à lui infliger un exorcisme pour la débarrasser (en vain) du démon de l'homosexualité et brulera tous les livres que Jeanette empile sous son matelas.
Une mère névrosée d'une telle envergure aurait pu complétement détruire en elle toute pulsion vitale. C'est juste le contraire qui advient, même si l'écrivain devra traverser plusieurs épisodes dépressifs, car se protéger de l'émotion pour ne pas souffrir c'est aussi se priver du bonheur de recevoir, d'être aimée.
Le livre est une ode à la littérature, Jeanette puise dans la poésie et la prose la force qui lui permet de faire face à la folie maternelle, à l’opprobre qui afflige les homosexuels dans les années tatchériennes (qui sera quelques temps un modèle avant qu'elle ne comprenne le désastre social induit par l'ultralibéralisme), à la morgue de ses condisciples d'Oxford ("vous êtes notre expérience ouvrière").
Elle se découvre féministe avant même que les textes ne lui soient parvenus. Il lui suffit de regarder autour d'elle : les femmes étaient toutes dans la dépendance réelle ou feinte de leur mari.
"Le seul et unique cours d'éducation sexuelle auquel nous ayons eu droit à l'échelle à l'école ne concernait pas du tout le sexe, mais l'économie sexuelle. Nous devions payer notre part parce que la modernité l'exigeait, mais nous devions donner l'argent au garçon pour qu'il puisee être vu en train de payer. Il n'était question là que de tickets de bus ou de places de cinéma, mais plus tard, lorsque nous aurions un budget domestique à gérer, il nous faudrait nous assurer qu'il sache que tout etait à lui. L'enseignante a appelé ça la fierté masculine, je crois. Je me suis dit que c'était la chose la plus idiote que j'aie jamais entendue; la théorie de la terre plate appliquée aux relations sociales."
En dépit des souffrances d'une enfant qui ne sait quelle est sa véritable identité, de la fréquentation d'une mère abusive et totalement givrée, au final, cette vie lui a permis de devenir ce qu'elle est : un écrivain connu, autonome, qui a pu grâce à la fréquentation des livres s'inventer et se réinventer et mener sa quête du bonheur.
Je souhaite à la petite fille du train de parvenir à échapper aux mains maternelles pour se livrer sans vergogne à l'enivrante exploration du monde.LienLien

dimanche 9 septembre 2012

Mourir, la belle affaire, mais vieillir, oh vieillir!

Qu'ai-je donc fait de ce bel été qui s'évanouit, même si les jours sont encore chauds et ensoleillés.

J'ai préparé beaucoup de plats pour ceux et celles qui sont venus s'asseoir à ma table.


J'ai participé à quelques rassemblements, dont certains prétendaient se mêler des affaires du monde qui, on le sait menace de péricliter, tous les "observateurs" le claironnent, même ceux qui étaient du côté du manche et se retrouvent désormais sous la menace de la cognée.


J'ai lu. Peu de livres (je ne sais pourquoi, cet été ne me portait pas vers les livres, étrange!) mais beaucoup de journaux, d'articles.

Ainsi glané sur le blog de Jorion ce texte d'Annie Le Brun à propos des Pussy Riots.

"J’ai dit ailleurs que si la servitude est contagieuse, la liberté l’est aussi. Nous en sommes à ce point d’équilibre instable, où tout peut basculer d’un côté ou de l’autre. D’où l’importance de repérer tous les signes et nous ne serons jamais trop pour tenter de discerner ce qui advient. C’est pourquoi il me déplairait qu’on fasse fi de l’insaisissable jeunesse de cette révolte venant de l’Est. Pensez aux Provos, pensez aux Hippies, aux « aventuristes » de 68… il y aura toujours l’insolente beauté de ce qui commence. Aussi, quand bien même « en matière de révolte, aucun de nous ne doit avoir besoin d’ancêtres », il se pourrait que tout débute avec le « retour du refoulé », mais ailleurs et autrement. Comme si chaque insurrection était riche de tous les rêves précédents encore à venir, c’est-à-dire comme si, à chaque fois, il s’agissait de jouer le Grand Jeu.

Il faut peut-être le savoir pour commencer à voir."

J'ai fait une petite excursion en terre charentaise où j'ai vécu mes premières années avant de partir vers la capitale, que j'ai fui depuis. Je n'avais jamais abordé sur l'île d'Aix qu'on joint par bateau et qui grâce à cela et à l'interdiction, à quelques exceptions, de la voiture, est restée à peu près indemne des dégâts générés par l'invasion touristique. Ceux qui viennent sur l'île le font pour le plaisir d'un lieu relativement vierge des outrances du bord de mer.

Island of Aix, aerial view

On en fait le tour (3 km de long, 700 m de large) en quelques heures à pied et moins encore à bicyclette. Il y avait beaucoup de vent mais la petite plage (Baby plage) était tentante. Cependant nous avons continué à pédaler. Ignoré de la plus belle façon le musée Napoléon. Nous n'étions venu que pour la promenade le nez au vent dans les senteurs d'iode et de pins chauffés par un soleil encore vaillant.

Baby plage. Ile d'Aix. Août 2012

Revenue à la maison, à la grande satisfaction des chats qui avaient épuisé leurs réserves de croquettes et d'eau, j'ai lu le dernier opus de Frédérique Martin.

Je suis une piètre "critique " littéraire. Aussi ne vais-je rien en dire. Citer simplement et vous inviter à vous laisser embarquer dans l'aventure de Joseph et Zika qui ont gardé malgré leur grand âge le désir exclusif l'un de l'autre et que les circonstances séparent, leurs enfants ne souhaitant pas les prendre en charge ensemble. Cette séparation produit par contagion dirait-on, la déliquescence de tout ce qui avait fondé leur vie, les entrainant dans une spirale de désespoir et de malheur.

Je ne sais décidément pas parler des livres, mais pourquoi les paraphraser au risque de les trahir? Mieux vaut les ouvrir, à la page 146 par exemple : Joseph (76 ans) écrit à sa "très chère femme" :

" Comme tu me manques en ces jours de détresse! Aujourd'hui le ciel est obstinément gris, il pleut à ne pas mettre un vieux dehors, alors je me dessèche derrière les fenêtres, ce qui n'améliore ni le temps ni mon humeur. Tu as le don d'effacer ce qui est hostile, je ne souffrais pas longtemps avec toi. L'abondance de ta douceur ne m'a pas préparé aux épreuves. C'est rude de comprendre à mon âge qu'on ne connaît vraiment personne, ceux qu'on aime sans doute moins encore que les autres. Le cœur s'installe dans les yeux pour nous aveugler, on lui laisse prendre ses aises. Est-ce que dans toute relation, on rêve seulement qu'on est deux, est-ce qu'on jette une grande partie de ses forces pour maintenir l'illusion et ne pas avoir à découvrir qu'on est seul, absolument seul chacun de son côté, à s'embraser pour un autre qui n'a pas de réalité ? Eh bien, même si c'était seulement ça, aimer, il faudrait le prendre, nous n'avons rien de meilleur à proposer."

Ne pas se fier à ce seul extrait, Frédérique Martin, de son écriture à la fois simple et élaborée, nous délivre une histoire tissée de douceur, de tendresse certes mais tout autant de violence et de cruauté. On en sort sonné, plus encore sans doute si on a soi-même des enfants et que l'âge commence à nous en éloigner.

"Le vase où meurt cette verveine", Belfond.

On aura reconnu dans le titre un extrait d'une chanson de Jacques Brel. Lien

Photos ZL