dimanche 24 juillet 2011

In memoriam



Amy Whinehouse a été retrouvée sans vie, vraisemblablement à cause d'un abus de substances toxiques. C'est toujours sidérant d'apprendre la mort violente, plus ou moins volontaire de gens beaux et talentueux.
A Avignon, j'ai assisté à un spectacle basé sur un épisode imaginaire de la vie de Janis Joplin et Jim Morrison. J'y allais pour faire plaisir à une amie n'ayant pas de goût pour la nostalgie et craignant que les deux interprètes ne tiennent pas la comparaison. Il faut reconnaître l'exploit du concert live de Johann Nicol (Jim Morrison), Elsa Perusin (Janis Joplin), accompagnés de Eric Volpatti (batterie), Jean-Luc Nemours(guitare), Gilles Ramade (claviers), Hervé Richaud (basse). La prestation hyper speed d' Elsa / Janis qui doit se frayer sa place dans un univers masculin pour ne pas dire macho de la scène rock des années 70 est plutôt fidèle à ce qu'on connait de Janis (peut-être un brin trop hystérique). Quant à Johann / Jim il est sombre et déjanté à souhait et nous restitue la désespérance qui animait / détruisait l'idole. Deux jeunes gens assis devant moi n'ont pas cessé de s'agiter manifestement néofans des seventies. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser à l'éventuelle contagion que pouvait susciter le fait d'entrer dans la peau de ces deux mythes. Ils sont morts à 27 ans eux aussi. Les héros ne peuvent pas vieillir.

Mais cette mort violente me rend triste parce qu'elle me rappelle celle d'une amie.
Carole, je l'avais connue en Grèce puis revue à Paris. Elle essayait de trouver un job et je l'aidais à formuler un panégyrique pour se vendre. Elle avait tâté du mannequinat mais n'avait pas la taille pour espérer autre chose que les seconds rôles pour vente par correspondance. Par ailleurs, son bagage scolaire était minuscule. Elle a été représentante en lombrics pour compost et autres positions exotiques. Puis elle a disparu. Un jour, elle m'a appelée. Elle était dans une clinique, hospitalisée pour cause de VIH. Puis elle a disparu de nouveau. En fait elle ne se manifestait que lorsqu'elle avait décidé de rompre avec la saloperie qui lui pourrissait la vie, sachant mon peu de sympathie pour la chose. Elle venait puiser auprès de moi des encouragements à persévérer dans l'abstinence.
Un jour elle m' a annoncé qu'elle attendait un enfant, avec toute l'angoisse d'avoir transmis le virus. Plus tard encore, elle m'a claironné, triomphante, que son fils était sauf : rétroversion. Je venais moi-même de donner naissance à mon fils. J'étais particulièrement sensible à sa résurrection. Elle est partie pour une mise au vert, histoire de se retaper un peu. Elle était maigre, tenait à peine debout en dépit de la relative exubérance que lui prodiguait son état de jeune mère. Un jour, son compagnon m'a téléphoné: elle avait été trouvée inanimée dans les toilettes d'un café, overdose alors qu'elle revenait chez elle pour reprendre sa vie "ordinaire". Y a-t-il place pour une vie "ordinaire" quand on a depuis si longtemps cherché à s'en évader avec la poudre. Quand son malheureux partenaire m'a abandonnée au bout du fil, refoulant ses sanglots, parce que vraiment, elle allait mieux, pourquoi, mais pourquoi ??? c'est la rage qui est montée en moi. Je l'ai insultée ma Carole, j'ai hurlé des injures avant de chialer sur sa pauvre vie envolée.
C'est à elle que je pense ce soir.

26 commentaires:

Sophie K. a dit…

Mâchoires de fer, la drogue. Très rares sont ceux qui s'en sortent, hélas.

piedssurterre a dit…

Lorsque nos proches rongés par la drogue disparaissent, la colère et le manque nous envahissent, parce que nous constatons le gâchis et devons vivre momentanément avec les fantômes de ceux que nous avons appris à aimer, oui, c'est vrai, mais pour l'enfant de Carole,il y a eu un avenir préservé de la dope auprès de son père.Et passé le premier moment de révolte, la nécessaire prise de conscience que c'est mieux ainsi, car tous les drogués souffrent terriblement et c'est la fin de leur souffrance, une libération, j'en suis convaincue.

Anonyme a dit…

La libération est une chose très complexe qui nécessite l'intervention de plusieurs acteurs à des moments bien précis, si j'en crois la vie. Dans ces conditions, l'issue construite est rare, et précieuse évidemment.

patrick.verroust a dit…

Zoë:

Les éphémères, les lucioles, vivent leur éternité avec un sens du "no future" sur aigu.
Le constat de nos impuissances est urticante. je suis ulcéré quand nos adulations immatures, nos besoins de
fantasmer en transes s'associent aux fabriques à fric, préparent le terrain de ces sacrifices humains dans les temples de nos idolâtries.

Le mot de passe est "butin"

Depluloin a dit…

Si! Les héros peuvent vieillir, j'en suis la preuve vivante - pour l'instant!!

(Votre pauvre amie... On ne sauve personne. Jamais, ou presque jamais.)

Zoë Lucider a dit…

@Sofka, mâchoires de fer, belle expression, rares sont ceux, en effet qui se tirent de la prise en tenaille.
@piedssurterre, fin de souffrance sans doute, mais pourquoi tant de souffrance? Un absolu inaccessible, il me semble et que la drogue prétend prposer pour u instant seulement.
@Dom A o' combien précieuse.
@PV, le mot de passe aurait dû être butiner pour un fabricant de miel.
@Depluloin, Pluplu, ce héros au regard si doux...

Frédérique M a dit…

Une évocation sobre et émouvante. L'autre soir, je pensais moi aussi à une jeune femme que j'ai bien connue, disparue voici des années après une vie jalonnée de tragédies. Elle s'appelait Murièle. Je me demande souvent pourquoi certains sont épargnés, semblent échapper à tout, tandis que d'autres.

madame de Keravel a dit…

la drogue je connais pas trop (tant mieux !) mais j'ai eu des amis brûlés par l'alcool, un y est resté, c'est pas terrible non plus...
oh merdum mââme Zoë ! pas de pensées tristes l'été, c'est pas de saison !

Zoë Lucider a dit…

@Fredaime, pourquoi certains farcis de handicaps sont joyeux, actifs, conquérants et pourquoi d'autres, beaux, bourrés de talents sont dépressifs et suicidaires, c'est un mystère en effet.
@Mâme K, Roooh, la légèreté à tout prix, ça m'ennuie autant que le pathos permanent. Je suis les fluctuations du temps (pourri par ici d'ailleurs, c'est pas l'été mais novembre, alors hein...)

Vinosse a dit…

Je trouve ce climat merveilleux, ce qui ne semble pas le cas des "certifiés bio" !!!
J'ai vu ce tantôt des veaux se rouler dans l'herbe verte d'une prairie en pleine résurrection ...
je les aurais envié presque ...
Bon, ils n'en seront que meilleurs ... car même beaux les veaux ne dépriment pas vu qu'ils ne se prennent pas encore pour des bœufs ...

Anonyme a dit…

moi je détiens un bar à vains !!!!
Sissi !

Anonyme a dit…

toujours la belle sarabande là et jamais mou , bravo Zoé ! détournée de bises !

Zoë Lucider a dit…

@Vinosse, on peut être heureux de voir reverdir la prairie (c'est mon cas) sans trouver folichon de se cailler sous un ciel de plomb pendant huit jours en juillet. Eh oui, l'être humain même certifié bio est paradoxal. Ceci dit, je me demande quand tu es au beau fixe touâ!
@Nonyme, hé hé je reconnais la papatte de mon cher cactée. Que tu deviens vieux frère ?

Frasby a dit…

Comme si tout débat autour du gâchis s'avérait intenable... Il y a un moment où notre présence afin d'essayer d'empêcher un proche de "sombrer" n'est peut être qu'une suite de maladresses, où cette amitié qu'on voudrait bienveillante pour "accompagner" semble accélérer le gâchis. (Ce n'est qu'une impression, je suppose, face à la révolte impuissante (?) Difficile de savoir... J'apprécie la façon bien dosée dont vous avez traité ce sujet. Merci Zoé.

Stéphane Berney a dit…

Partir à la recherche des paradis perdus, pieds nus, ça fait mal. Mais ils ne sont pas nombreux à indiquer un magasin de chaussures. Merci pour ce texte, Zoë.

Zoë Lucider a dit…

@Frasby, on ne peut rien pour personne et pourtant on doit faire comme si on était celui ou celle qui va ouvrir un chemin de traverse.
@Etienne de L'Abbaye, bienvenue sous l'arbre. Il faudrait des bottes de sept lieues.

Lavande a dit…

Bonjour Zoë. Très émue par l'histoire de votre amie.
Je suis en retard sur la lecture de vos posts: je rentre juste du rituel d'Avignon, un peu plus tard que les années précédentes. Belle moisson, dans le IN et dans le OFF. Superbe "Jeanne et Gilles" dans la cour du Palais des papes. Belle découverte d'un spectacle séduisant sur "mademoiselle Julie" vue du point de vue de Christine, la cuisinière qui se fait piquer son fiancé, après avoir vu la veille la "vraie" version avec la superbe Juliette Binoche.
Pour le OFF je suis moins enthousiaste que vous pour Motobécane. Mais j'ai vu de très belles choses et de très beaux lieux: merveille des petits jardins avignonnais où il fait bon flâner! Mais il est trop tard pour vous inciter à voir quoi que ce soit: ite missa est !

Zoë Lucider a dit…

@Lavande, il faut donc Avignon pour vous retrouver sous l'arbre. Enthousiaste pour Motobécane, le mot est trop fort. L'histoire est touchante, (comme celle de mon amie) et le parler du Nord, étrange, lui donne une couleur singulière. La prochaine fois, donnons-nous rendez-vous dans un de ces petits jardins...

patrick.verroust a dit…

je ne pense pas qu'on ne puisse rien pour personne Il y a,probablement des cas et des situations inextricables. Les espoirs de succès sont en amont, dans une attention qui vaut bien des préventions."faire comme si"...hum! Il faut au contraire de l'authenticité, du naturel, de la confiance, de l'affection, il faut,aussi, savoir donner,prendre des risques, tendre,véritablement, la main,se remettre en cause.
Ce n'est pas facile, certains peuvent y être aptes et en situation. Ils peuvent être le roc auquel peuvent se raccrocher les dérives. Question de chance!
Nous vivons dans une société qui crée plus de fractures que de solidarité, qui se soucie de moins en moins des individus.La vie peut être un long fleuve, trop,tranquille ou un torrent en furie La noyade est possible dans les deux cas, plus probable dans le second. Si les hérauts du verbe commençaient à balayer tous les poncifs qui "déresponsabilisent"à moindre frais une partie du chemin serait débroussaillée. Je le pense mais je n'ai pas de leçon à donner.

Frederique a dit…

On est seul, toujours seul...

patrick.verroust a dit…

"On est seul, toujours seul", je trouve cette assertion parcellaire. Il y a des contingences existentielles qu'on affronte, avec un sentiment de solitude. Il devrait y avoir d'autres aspects fondamentaux qui caractérisent la vie sociale qui donnent une place à l'individu et rompt sa solitude. le modèle occidental détruit les fonctions de l'individu,ses repères,l'être, lui même.

Zoë Lucider a dit…

@PV, faire comme si n'est pas faire semblant mais refuser la résignation et y croire, malgré tout. Sur ces sujets, il est difficile de donner quelque leçon que ce soit.
@Frédérique, on est toujours seul en effet mais il est doux de fréquenter les autres pour faire "comme si".
@PV, c'est bien le paradoxe qu'un modèle aussi individualiste détruise à ce point la personne. Je crois que c'est parce que nous évoluons entre les deux pôles de l'unicité et de la multiplicité et que c'est dans une recherche d'équilibre que nous pouvons essayer de vivre.

patrick.verroust a dit…

Zoë:

Je crois, profondément, que ce n'est pas un paradoxe. Si l'épanouissement individuel ne trouve pas de limites dans un épanouissement collectif inscrit dans un inconscient collectif au sens jungien du terme, la folie pointe au bout autant ceux qui peuvent satisfaire leurs courses frénétiques après des besoins sans fin que ceux qui n'en peuvent satisfaire aucun.

Zoë Lucider a dit…

@PV, nous sommes d'accord.

mon ouah-ouah itou a dit…

AW, belle et talentueuse ? Bon, le talent, faut avoir du goût pour la non-création et le repiquage... encore que ça peut se discuter...
Mais belle, là, désolé, elle était tout sauf belle... En même temps, c'est pas grave... les gens beaux sont rares et j'en fais pas partie mais je les reconnais quand j'en croise. :)

Stéphanie a dit…

Les drogues sont avant tout du plaisir trés intense mais il ne faut pas le dire , même pas le penser . Plaisir si intense qu'il peut en devenir dévorant et suicidaire . Cependant il conviend de dire : "OH ! LALA ! LA DROGUE quel fléau !"... "ON"est colléctivement incapable de comprendre que la drogue c'est avant tout du plaisir , donc à partir de là "ON" se condamne à la répression , à la prohibition et à l'impuissance parcequ'on est incapable de comprendre donc tout action sera fausse dés le départ .
Pour une personne toxicomane renoncer à ses drogues c'est renoncer au bonheur . Qui se sent prêt à renoncer au bonheur ? ...
La toxicomanie c'est vouloir du bonheur jusqu'à en crever .
Alors , pour occulter cela "ON" dit tous en coeur : "OH LALA ! La drogue quelle horreur !" parceque c'est cela qu'il faut dire parceque c'est socialement correcte ... et "ON" continue de ne rien comprendre .