vendredi 9 octobre 2009

Hommage aux moines soldats de la littérature




Bob est mort ce lundi. Voici ce que j'écrivais en août, de retour du Banquet du livre de Lagrasse

"Cette année, l'ambiance du Banquet était plombée par l'absence de son initiateur Gérard Bobillier dit Bob pour cause de crabe récidivant. Le directeur (avec Colette Olive) des Editions Verdier qui sont à l'initiative en partenariat avec la librairie Ombres Blanches de Toulouse de ce rendez-vous annuel définit
dans un entretien la ligne éditoriale de son équipe de la façon suivante : "des textes où la promesse de la langue ne s'énonce jamais qu'en tension avec celle de la conscience".

Bob ne grincera plus
écrit François Bon. Gérard Bobillier a été un de ses éditeurs et un ami.
Voici mon commentaire à la suite de quelques autres

J’étais une fidèle du Banquet depuis quelques années. Cette année son absence avait pesé lourd, une mélancolie voilait l’habituelle convivialité du lieu. C’était étrange de ne plus le voir dans le petit cloître ou dans le jardin, un verre à la main. Par hasard, j’ai parlé avec Christian Thorel vendredi dernier qui avait un pronostic très pessimiste, confirmé ce lundi donc. Avec lui, qui meurt et Bernard Wallet qui se retire, l’édition libre et exigeante prend un sale coup.

En effet, vendredi 2 octobre, Lydie Salvayre présentait son livre à Ombres Blanches, la librairie, à juste titre réputée, de Toulouse. Je ne manque jamais un rendez-vous avec Lydie. J'aime l'écrivain mais plus encore la personne qui me fait l'amitié de passer une heure à boire un verre en échangeant des nouvelles de nos vies. Nous avons parlé du milieu de l'édition, de la santé de BW qui allait bien, se baguenaudant, à l'heure où nous buvions un verre Place du Capitole, à Beyrouth, et de mille autres choses. Christian Thorel nous a rejointes et nous avons reparlé de l'édition (eux du moins). Thorel n'est pas tendre non plus avec le milieu. Comme je lui demandais des nouvelles de Bob, il n' a eu qu'un visage des plus désolés pour me répondre. Il fait partie des intimes, ils ont mené l'aventure du Banquet ensemble. Verdier et Ombres Blanches ont cheminé de conserve.
Ce sont des "moines soldats" me confiait la compagne de l'un d'entre eux cet été.
Une vie totalement dédiée corps et âme à la littérature, pas n'importe laquelle, celle qui n'a pas vocation à nous distraire, au contraire doit nous déménager vers "l'intranquillité" .

Celle que le "guerrier" BW a défendu de toutes ses forces dans sa maison d'édition et qui ne devrait plus s'appeler Verticales, comme le dit François Bon, après son départ.
"Il sait reconnaître dès la première page les livres guerriers : autrement dit les livres de littérature et guerrièrement les défendre.
Combattre c'est aussi remercier.
Mais cet esprit guerrier ne lui sert à rien, dit-il, face aux manoeuvres éditoriales qui sont en cours aujourd'hui.
A rien de rien.
Pourquoi?
Parce que la guerre y est indéclarée.
Parce que l'ennemi (le système) y est sans visage et qu'on ne sait vers quoi pointer ses larmes, ses armes.
Parce que les grandes boites d'édition pourvoyeuses de gros titres, je schématise exprès, disposent de moyens avec lesquels les petites, plus braves et culottées, plus libres et inventives, ne peuvent en aucune manière rivaliser.
Parce que celles là, à plus ou moins long terme, dévoreront celles-ci (et n'en feront qu'une bouchée).
Parce qu'il faudrait pour refaire l'édition (ces derniers mots prononcés avec lassitude) refaire tout simplement le monde.
Conclusion :
Les forces en présence étant trop inégales, BW, de guerre lasse, baisse les bras." (BW, page 149).

BW est en colère, sa colère que Lydie Salvayre nous décrit avec l'humour dont elle possède une poche spéciale comme les seiches leur encre de défense, me fait du bien. Je m'y reconnais en soeur de combat même si nous ne nous sommes pas engagés dans le même bataillon. J'ai lu le livre la gorge serrée, les larmes au bord des yeux tout en m'esclaffant d'une page l'autre.
Je ne saurais trop vous conseiller d'aller vous ressourcer auprès de BW et LS, ce n'est pas si souvent qu'on approche d'aussi près de vrais humains.

Pour en savoir un peu plus lisez François Bon B W. Salvayre contre Wallet et regardez la vidéo chez Médiapart.

Photos Le cloître et l'ombre. ZL.
Cet arbre vénérable (un mélèze je crois ) dispense son ombre généreuse et cependant insuffisante au sein du petit cloître où se déroulent les lectures l'après-midi, quand le soleil d'août des Corbières est impitoyable.
Je m'associe de tout coeur à la peine de l'équipe du Banquet.

Dernière minute : Obama prix Nobel de la Paix pour ses efforts vers moins de nucléaire et plus de multilatéralisme. Encore un effort Barack, on est très très loin de la fin sans les sales moyens.

31 commentaires:

Cactus , ciné-chineur a dit…

c'est bien un mélèze balaise ; j'en suis fort aise ; sissi !
on oublie trop souvent les moines ; merci ! ( Clopine vous parlerait de leurs chats , elle )

Anna de Sandre a dit…

Pardon pour le HS mais y'a blogger qui me dit que JEA et son blog Mo(t)saïques n'existent pas ? C'est quoi ce bordel ?

Zoë Lucider a dit…

@Cactus, merci homme de science!
@Anna, parait qu'il veut plus publier, sais pas pourquoi...

D. Hasselmann a dit…

Lydie Salvayre, oui, femme de coeur et de lettres au coeur.

Editions Verdier : fidèles à leur naissance (malgré la mort de leur directeur).

mon chien aussi a dit…

Lydie Salvayre ? mouais...
Editions Verdier ? une vraie politique éditoriale.
Ombres blanches ? Très bien. D'abord, j' m'aperçois qu'ils reçoivent un copain à moi, et en plus ils suivent les auteurs... Je l' sais...

Zoë a dit…

@DH Sa partenaire Colette Olive est une femme formidable et toute l'équipe aussi.
@Mon chien t'aimes pas Lydie, t'as tort épicétou. C'est qui ton copain Fred Bernard ? Il a une tête à être ton copain.

Sophie K. a dit…

Désolée pour cette nouvelle.
Mais je crois profondément qu'aucun combat, quand il est juste, n'est vain, et c'est ce dont il faut, à mon avis, toujours se souvenir.
Toutes mes pensées vont vers toi, et vers les compagnons, proches et amis de Bob.

mon chien aussi a dit…

@Zoë. Bon, je me l' tiens pour dit : j'ai tort et pissez tout ! :)

Dexter a dit…

bonsoir Zoë, il est très bien votre article, l'interview de Salvayre est très bien aussi, des fois je me dis qu'il faudrait enregistrer les interviews d'écrivains et les recopier mots pour mot dans les livres, sinon son livre je le lirai, comme tous les autres.

si vous voulez vous et vos lucideriens vous pouvez vous faire refaire votre portrait sur mon blog,
c'est le principe du photomaton, il faut rester devant l'écran et hop je prends une photo.

Lavande a dit…

Dexter vous ne seriez pas un peu un caméléon? Chez Clopine vous dites que les auteurs les plus récents que vous lisez sont morts depuis 50 ans et ici, pour faire plaisir à Zoë, vous annoncez que vous allez lire le dernier bouquin de sa copine qui n'était peut-être pas née il y a 50 ans?
A part ça je me suis fait photomater (!) chez vous. Au suivant!

Brigitte giraud a dit…

Celles qu'on dit petites éditent des trésors et occupent leur place dans le paysage. Combien de livres (de poésie par exemple) ne seraient pas publiés si elles n'existaient pas... L'engagement de ces éditeurs est entier, tenace pourtant... Bon, je sens que ça m'agace tout ça !
A bientôt te lire encore.

Dexter a dit…

Lavande, non, Salvayre je l'ai croisée à plusieurs reprise, à la villa Gillet, au salon du livre de Bron et à chaque fois je suis allé la voir pour papoter avec elle,
ces derniers livres ne sont pas d'une qualité toujours égale, mais c'est vrai pour tous les écrivains,
j'aimais bien l'époque de la compagnie des spectres, après je ne sais pas, c'est peut-être moi qui ai changé, où l'époque qui n'était plus adaptée, j'ai un peu moins aimé,

sinon, c'est vrai, je sais pas vous mais je n'achète presque plus de livres récents, à une époque je me précipitais, je réservais toutes les nouveautés à la médiathèque, maintenant ça me donne moins envie, je préfère retrouver la compagnie des vieux livres que j'ai déjà lus, et relus, cent fois, ça crée une espèce d'intimité, c'est peut-être l'âge, en vieillissant on a peur de l'inconnu,

par contre Lavande, je vous cours derrière depuis des lustres pour vous parler d'un livre où il est question de F Burnett ! et des princesses qui princesses parce que c'est le regard de leur papa qui les fait être des princesses.

c'est bien vous qui m'avait parlé de Burnett ?
votre filel est à Londres ? elle n'a pas eu trop de mal pour trouver à se loger ?

Dexter a dit…

désolé de m'incruster mais Lavande je repense à votre histoire de caméléon,
c'était un reproche n'est-ce pas ?
en général, c'est vrai, je suis caméléon pour me mettre en désaccord avec ce que les gens disent, j'essaie de trouver une brèche, même si je ne pense pas ce que je dis, mais rarement pour l'inverse, pour faire plaisir, sauf si la personne est malheureuse, auquel cas je peux mentir pour dire des choses qui lui font plaisir.
mais ce n'est pas le cas de Zoë, n'est-ce pas Zoë que vous n'êtes pas malheureuse ?

Zoë a dit…

@Sophie, ce n'était pas un intime, juste uncercle que j'aime retrouver tous les ans et dont j'apprécie l'engagement?
@ Mon chien, gentil
@Dexter, irai voir ça de près demain
@Lavande, je verrai ainsi votre bobine,c'est ça ? Elle va bien votre fille à Londres ? La mienne va si bien que j(ai du mal à lui parler au téléphone, trop occupée...
@Brigitte Giraud oui ça énerve restons zen
@Dexter, vous connaissez un peu cette femme charmante. Pas lu la méthode Mila par exemple, àa devrait vous plaire.

Dominique Boudou a dit…

Un moine soldat de la littérature s'éteint, un autre se lève. Allez, un peu d'espoir aujourd'hui et vive Obama.

Chr. Borhen a dit…

Merci Zoë.

Dexter a dit…

Zoë, non je ne la connais pas... c'est juste que j'ai été lui parler 2 fois, 3 minutes, peut pas m'en empêcher de brancher les écrivains, leur parler, ou leur écrire, la plupart ne sont plus de ce monde, un peu comme ce type dans le bouquin de Saul Bellow, Herzog (?).
la méthode Mila ? connais pas. vous êtes sur que c'est pas une méthode de danse, un truc d'i am ? je danse le Mila ?

Anonyme a dit…

Odradek, le Vrai, déboule dans un escalier et surprend Kafka...

C'est tout ce que le faux (voir plus haut) a retenu pour se personnifier...

L'affabulateur! L'insignifiant! Le plongeur de salle de bains! L'araignée des beaux quartiers! La puce sur le chien pelé! L'eczéma de la jambe de bois! Le cancer des ongles de pieds! La braguette du curé! Le trou du cul d'un trop vieux thaïlandais!

J'en ai d'autres....

Zoë a dit…

@Dexter, bien-sûr que sije suis malheureuse Dexter, certains jours, comme tout le monde, puisque le monde n'est pas si heureux.
@Dominique Boudou,oui gracias a la vida!
@Chr. B. pareil
@Anonyme, je n'aime pas beaucoup ceux qui avancent masqués pour déverser une logorrhée agressive et incompréhensible, de surcroit.

Lavande a dit…

Pas un reproche Dexter, tout au plus une petite taquinerie. Là, vous êtes plutôt un caméléon gentil parce que vous les aimez bien Clo et Zoë.
Frances Burnett et sa petite princesse c'est un livre que j'aimais beaucoup quand j'étais enfant. Peut-être que c'est moi qui vous en ai parlé lorsque vous aviez conseillé Kenneth Grahame et son "vent dans les saules" que j'ai beaucoup aimé.
Sinon effectivement ma fille est à Londres où elle fait une école de théâtre. C'est un de nos points communs à Zoë et moi: nous sommes mamans de futures stars (!). Le logement à Londres coûte une fortune: deux à trois fois les prix parisiens! Par chance on a trouvé (merci internet) une chambre dans une résidence privée à un prix pas trop délirant.

Dexter a dit…

Lavande, le livre en question s'appelle éloge des petites filles, c'est un petit folio à 2 euros.

oui Londres est une ville réputée chère, par contre Madrid aussi, chose que je n'imaginais pas,
actrice, mazette ! faudra nous prévenir quand elle fera une tournée, je m'imagine bien, moi, dans la salle, ce serait un truc du genre : "c'est ma fille !" je ferais le tour des spectateurs : "au fait vous ai-je dit que cette jeune personne sur la scène est ma fille ?", les autres "chuuut !" "sortez-le !", ma fille interrompant son rôle : "arrêtes papa tu déranges tout le monde !", moi : "c'est bon je me tais", 10 mn plus tard, s'adressant à ses voisins : "au fait, je ne souviens plus si je vous avais dit que...' les autres : "chuuuuut!".

Dexter a dit…

non c'est pas éloge, c'est petit éloge des petites filles,
folio font une série à 2 euros sur petit éloge de...
j'ai lu le petit éloge de la rupture, c'est nettement moins bien.

Frédérique M a dit…

Je regrette pour Gérard Bobillier. Je me souviens de sa voix quand il m'a demandé : "Avez-vous commis un texte long?" Oui, mais trop tard, apparemment. Mauvaise journée, on est content d'avoir des amis à appeler.

Dexter a dit…

merci Zoë.

Zoë a dit…

@Dexter, vous ne lisez plus mais relisez ? Ma foi aucune obligation en la matière, chacun fait c'qui lui plait
@Frédérique M, chez Christophe Bohren, compte-rendu d'hécatombe.

Dexter a dit…

non Zoë, chacun fait pas comme ça lui plait, chacun fait comme il peut, avec ses moyens.

si vous voyez Lavande, dites lui que pour le A des portraits de A à Z j'avais bien pensé à Annibal mais le problème est qu'il ne peut pas m'écrire !

Frédérique M a dit…

Oui, j'avais lu, d'ailleurs je me suis retirée sans bruit et sans voix.

Vinosse a dit…

c

Vinosse a dit…

Ah tiens....ça remarche...

Vinosse a dit…

J'en r'mets un aut coup pour voir...

DEB a dit…

Un éditeur comme lui qui se tire, et moi je me sens un peu plus orphelin. On devait se ressembler, mais on ne se connaissait pas. Mais on faisait le même métier. Pareil peut-être.