lundi 4 mai 2009

La maman des poissons, elle est bien tranquille


Quelle sangsue, ce blog ! Je pars quelques jours et je retrouve tout en chantier. J'ai négligé mon Vent des blogs, forcément. Les stationnaires eux ont poursuivi leurs travaux. Sur chaque site j'ai plusieurs actualités périmées à remettre dans mon goût du jour. Je suis prise en tenaille entre mon désir de fidélité et ma grosse flemme. Sans compter les com sur mon site que je n'aurai pas honorés d'un amical accusé de recevoir. Il me faut choisir les sacrifiés et me ruer sur les incontournables. Et vous savez quoi ? Dieu reconnaîtra les siens.
Paris ! Quelle invraisemblable familiarité me lie à ce lieu. Je remets mes pas sans surprise dans les couloirs gavés d'affiches de deux mêtres de haut avec des images plus grandes que moi qui toutes m'exhortent à acheter quelque partie du microcosme (cinéma, théâtre, vêtements, meubles, cours d'Anglais...) comment fais-je pour vivre sans ces merveilles, d'ordinaire ? Je slalomme entre des êtres obstinés à rejoindre leur propre destination, des quémandeurs de toute espèce. La grande innovation depuis ma fuite (15 ans déjà) et qui n'est pas récente mais a rattrapé nos congénères d'autres capitales : je sais combien de minutes je vais attendre le prochain métro et même le second !
Je suis arrivée jeudi soir, sans encombres, accueillie par mon amie américaine (adaptée francophone depuis trente ans).

Mon amie habite au dessus de la gare Montparnasse. Les sons ordinaires des déplacements ferroviaires nous parviennent assourdis, comme transposés symphoniques. Au dixième étage, la vie ordinaire s'éthérise. Les immeubles sont de clignotantes répliques des forêts de Max Ernst.
Le chien Saxo,un Golden Retriever d'une grande douceur, inscrit de l'organique dans cet univers, en venant humblement mendier son lot de caresse.

Je ne ferai aucun commentaire sur le premier mai. Voir le numéro spécial du Chasse clou, il résume à sa manière ce que je pourrai en dire.

Mon amie souhaitait voir Gran Torino. Clint Eastwood, ça ne se refuse pas. Je l'ai volontiers accompagnée en ignorant que le titre était en fait le nom d'une voiture, objet symbole d'une transaction délictueuse puis aimante, je vous laisse découvrir. Il n'empêche, le fond de l'histoire, c'est le retournement d'un vieux réactionnaire qui a décimé du "Niakoué" (guerre de Corée) et voit son quartier envahi par les Jaunes, singulièrement des Hmongs, contraints à l'exil pour avoir été partisans des Américains pendant la guerre du Vietnam. Sacs de noeuds gordiens dont l'histoire mondiale regorge. On assiste à la conversion du vieil acariâtre sous l'effet conjugué de deux adolescents, l'une, jeune fille pleine de pugnacité et d'humour, l'autre, le frère, un garçon efféminé au regard des codes de sa culture et de la culture américaine (un mec ça cogne, voire ça bute). On a droit au ballet des flingues. C'est terriblement inscrit dans la dramaturgie yankee.
Clint est un vieillard (79ans ) qui a toujours fière allure. Ses films sont profonds et efficaces.

Ma fille voulait voir Welcome. Son chéri le lui avait conseillé. Bien-sur, un Philippe Lioret / Vincent Lindon, c'est un bon ticket, allons-y. Eprouvant. On a beau savoir à l'avance de quoi il s'agit, voir les types s'enfiler des sacs plastiques sur la tronche pour éviter de se faire repérer par le taux de CO2 lié à leurs échanges pulmonaires, ça étouffe. Tout le film nous travaille au remords d'appartenir à cette "civilisation" qui croit se protéger en éliminant de la façon la plus épouvantable quelques surnuméraires, au prétexte qu"il faut éviter d'encourager l'immigration clandestine, quand les conditions de vie à l'origine de ces transhumances sont telles que rien ne peut empêcher ces damnés de tenter d'accéder à un Eldorado, quelles que soient les épreuves qui les attendent. Tout plutôt que la mort lente. L'histoire en l'occurrence est sublimée par la quête amoureuse du jeune héros, prêt à franchir le Channel à la nage.

Calder, oui mais à quel prix (12 euros, by the way), mais le coût le plus lourd à mes yeux reste le temps passé dans les queues. Pour entrer dans l'usine culturelle (examen des sacs 20mn), puis acquérir le billet (15mn), puis accéder au sixième étage, le nez sur l'arrière-train de qui nous précède, puis présenter son ticket avant de franchir la porte de l'expo. Une fois à l'intérieur se démancher le cou (tellement le monde se presse) pour admirer ce qu'il y a à. Et il y a c'est un fait. Le petit cirque accompagné de la célèbre vidéo où on voit Calder animer ses animaux miniatures en produisant des sons curieux ouvre l'exposition. Les portraits en fil de fer, si bien éclairés que la lecture de leur projection d'ombre se transformant pendant que la sculpture tourne sur elle-même, nous offre pour chaque visage une panoplie étonnante d'expressions. L'exposition est surtout intéressante pour ces oeuvres, dont toute la série de Joséphine Baker, la technique du métal, idéale pour transposer la souplesse du corps de la danseuse. Quelques peintures du temps de sa fascination pour Mondrian (très en-deça d'icelui), quelques stabiles dont La baleine et le requin. Au total , un moment de jubilation plein d'humour, si on fait abstraction de l'irritation éventuelle procurée par le congénère qui commente à haute voix ou les mômes qui se font tartir et l'expriment bruyamment.

Je vous fais grâce de la série Kandinsky (deux expos pour le même prix, au pas de course pour cause de train à prendre de ma chérie). J'ai particulièrement aimé les séries d'aquarelles, formats plus réduits et les dessins. Kandinsky ou la couleur orgiaque.

Le soir, j'allais à la fête d'anniversaire de mes deux amis. Elle, j'ai travaillé de conserve pendant dix ans. Nous avons été comme les deux bras d'un même corps (sic) et nous avons ensemble soulevé pas mal de vieilles montagnes miteuses qu'il s'agissait de transformer en plaines fertiles . D'origine slovène, elle a bénéficié fort heureusement, au même titre que son mari, d'origine turque, de la vague de naturalisation initiée par Mitterrand . Deux magnifiques personnes dont la France n'a eu qu'à se féliciter, qui ont eu un fils brillant, appartenant désormais à l'élite intellectuelle. Lui, excellent bassiste, avec ses acolytes dont une chanteuse qui n'a rien a envier à Kate Bush, nous ont régalés de oldies but goodies. J'ai un peu mal aux mollets.

Raconter ces quelques péripéties, c'était une façon de me remettre sous le vent.

Illustration Calder Goldfishbowl

18 commentaires:

D. Hasselmann a dit…

Vous me faites penser à l'expo De Chirico que je n'ai toujours pas été voir (je croyais même qu'elle était terminée, mais j'ai vu une affiche indiquant 24 mai).

I y aura peut-être moins de monde... C'est la plaie du succès, ces files d'attente, parfois il vaut mieux regarder un livre de reproductions !

"Welcome" quand même, a posteriori, à Paris ! Vous n'avez pas perdu votre temps, semble-t-il.

Cactus , ciné-chineur a dit…

Merci pour votre prose si élégante , nourrissante , enrichissante , sauce piquante et reposante !

Chr. Borhen a dit…

Vive le vent.

Loïs de Murphy a dit…

Merci pour le chien organique, belle phrase.

JEA a dit…

A propos de Clint, une biographie "non autorisée" :
http://www.lemonde.fr/livres/article/2009/04/23/clint-eastwood-une-legende-de-patrick-mcgilligan_1184274_3260.html

Zoë a dit…

@DH, J'aime Paris au mois de mai
@Cactus, votre commentaire me hante.

Zoë a dit…

Le temps que je réplique aux dux premiers compères les trois suivants s'affichaient !
@Chr. de la tempête par chez vous
@Loïs, toi tu aimes les grosses bêtes
@JEA, Merci. De lien en lien, la vie
des uns tranfuse celle des autres

clopine Trouillefou a dit…

mais vous avez une de ces énergies, Zoë ! Le quart de vos occupations parisiennes m'aurait déjà épuisée, et vous "enchaînez", ainsi, avec toujours autant de curiosité, films, expositions, amis, arpentage parisien... Sans même oublier la caresse au chien ! Vous m'épatez, positivement. J'ai moi aussi, me semble-t-il, les dents bien accrochées à la vie, mais je crois bien n'avoir pas vos mâchoires. N'empêche que l'avidité, à travers vous, devient définitivement une vertu. Et merci pour le partage !

Clo

Tania a dit…

Chouette aquarium, ce Paris, ce Calder.
C'est ça, le mal de Paris, trop à voir, trop à faire, et tout de même la jubilation, comme des poissons dans l'air de Mai, mai, mai, Paris, mai...

Zoë a dit…

@Clo
Pas d'avidité ni de machoires. Une prédisposition à accepter les propositions qui s'offrent,des jambes pour marcher, des yeux pour voir puis un ou deux neurones pour traduire sur ce blog.
@Tania
Et que dire de Bruxelles !

Cactus , ciné-chineur a dit…

un jour l'enfant mal armé devient mâle armé , Zoë , ne soyez pas inquiète ! ( comme lu chez Copine ) ; de plus si lui Stéphane de son prénom alors là ...
bien à vous !

madame de K a dit…

J'adore cette chanson ! (la maman des poissons)
Oui, je sais, je suis (presque) hors sujet, mais on saura être indulgent avec les vieilles folles ;-)

Cactus , ciné-chineur a dit…

non non madame de , elle est intemporelle et tourne en boucles blondes chez moult !

L...................uC a dit…

... GENTILLE!!! elle est bien gentille! et Zoë aussi de faire un billet aussi circonstancié;0)

Zoë a dit…

@Cactus Merci Cactus, le mâle armé pour l'instant de patience
@Mame K Oui, nous la chantions avec les enfants et de temps en temps ils me chambraient
@L.....c, on peut se permettre des assonnances ou quoi, tu ne te prives pas hein ?

Zoë a dit…

@Cactus Merci Cactus, le mâle armé pour l'instant de patience
@Mame K Oui, nous la chantions avec les enfants et de temps en temps ils me chambraient
@L.....c, on peut se permettre des assonnances ou quoi, tu ne te prives pas hein ?

Cactus , ciné-chineur a dit…

je vois double , suis-je sénile : sénile il tait là le Cactus ? :-(

Zoë a dit…

Non Cactus, c'est mon vieil ordi qui bégaye. Je vais laisser ce doublon, sinon je devrais te rayer et ça c'est trop dur!