dimanche 26 avril 2009

Vent des blogs 10. Météo pourrie ? Lisons !



Ce sera un tout petit vent, tout doux. Notre Cactus s'est enfin décidé à ranger un peu son foutoir en un lieu accessible à ses visiteurs où il ne se prendront plus les pieds dans les tapis. C'est très aéré, de bon goût, bref n'hésitez pas, la République des Ivres n'est pas morte. A votre santé !

Comme si je n'avais pas assez des piles de livres qui s'entassent à mon chevet (oui ce sont eux qui me veillent), hier, j'ai passé mon après-midi au Salon du livre et du Vin (ça va ensemble non ?) de Balma. , et j'ai envie de passer en revue mes recrues des derniers jours, tous ne relevant pas de cette dernière expédition.

Lepape, j'avance lentement en alternant avec d'autres. Actuellement (469 /702), Girardin (1806 -1881) invente "La Presse", ancêtre de nos médias, avec financement via la publicité et inaugure l'ère des écrivains tâcherons qui se crèvent à pisser de la ligne de feuilleton pour survivre. Balzac, Dumas et beaucoup d'autres vont tirer subsistance de ce qui fournira par la suite les romans de ce XIXème où le genre va devenir florissant. Première littérature populaire et premier capitalisme de presse.

"Le prof de philo nous a demandé de lire un livre de Schopenhauer qui s'appelle esthétique et je sais plus quoi. Puisque tu vas à Ombres Blanches*, tu peux me le ramener, maman s'il te plait (oui ma fille s'adresse à moi en termes délicats, surtout dans ce genre d'occurence). J'ai donc adjoint à Esthétique et Métaphysique, le petit traité L'art d'avoir toujours raison, dédié à mon usage personnel et dont j'extraies ce passage de l'ultime stratagème (38 en tout) [...]de cent hommes, on en trouvera à peine un seul qui soit digne qu'on discute avec lui. Quant aux autres, qu'on les laisse dire ce qui leur passe par la tête, car desipere est juris gentium (c'est un droit de l'homme que d'être idiot), et qu'on médite ce conseil de Voltaire: La paix vaut encore mieux que la vérité. Méditons.

Au Salon, Bernard Maris (Oncle Bernard à Charlie Hebdo) présentait son dernier opus Capitalisme et pulsion de mort (Albin Michel) écrit en collaboration avec Gilles Dostaler. En 1930 Freud (Malaise dans la culture) et Keynes (Perspectives économiques pour nos petits enfants) font la même analyse. Le capitalisme et l'obsession de l'accumulation relèvent de ce que Freud a nommé la pulsion de mort et dont il pronostiquait les pires conséquences. Freud était pessimiste : Les hommes sont maintenant parvenus si loin dans la domination des forces de la nature qu'avec l'aide de ces dernières il leur est facile de s'exterminer les uns les autres jusqu'au dernier. Keynes espère encore que le pire peut être évité : Nous honorerons ceux qui sauront nous enseigner à cueillir chaque heure et chaque jour de façon vertueuse et bonne, ces gens merveilleux qui savent jouir immédiatement des choses, les lys des champs qui ne peinent ni ne filent. Freud va mourir à Londres en 1939 au pire moment du délire hitlérien et Keynes en 1946 après avoir été un des principaux artisans des Accords de Bretton Woods qui ont permis la mise en oeuvre des Etats providence de l'après guerre, mais avant la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Je reviendrai sur ce livre lorsque je l'aurai lu.

Pour la littérature, écouté hier débattre Régine Detambel (Noces de chêne, Gallimard) et Pascale Kramer (L'implacable brutalité du réveil, Mercure de France). Aux deux bouts de la vie, les tabous ligotent les êtres dans un mutisme contraint. Les amoureux octogénaires doivent affronter le scandale que suscite leur passion jugée indécente. Les jeunes parents ne peuvent exprimer la terreur qui les assaille, dès la naissance de l'enfant, à l'idée qu'ils ont peut-être commis une erreur en s'accouplant et plus encore en faisant naître de cette union une nouvelle vie. Les livres sont les seuls instruments pour se débarasser de ces alliénations.

J'ai bavardé avec plaisir avec Pia Petersen dont j'avais apprécié la pugnacité du discours au cours d'une table ronde où elle avait clairement positionné l'Art comme nécessairement politique. Son héros Iouri dans son livre éponyme (Actes Sud) pousse l'engagement politique de son art au point que sa compagne finit par craindre qu'il ne franchisse le cap de la criminalité. Pia Petersen est Danoise et s'est "enfuie" (ce sont ses termes) du Danemark à l'âge de 16 ans pour échapper à l'anesthésie d'une société où le tout sécuritaire enferme chaque geste sous la chappe du contrôle social. Le modèle scandinave dit'elle tant vanté pour ses vertus est en fait basé sur la mise sous tutelle des citoyens par la mise en oeuvre du tout sécuritaire. Pour elle la France est un pays où on respire encore un air de liberté mais pour combien de temps. Ce fut le sujet de notre échange.

Anne-Christine Tinel (Tunis par hasard, Editions elysad) a vécu sept ans en Tunisie. Dans son roman édité par une petite maison tunisienne, elle entremèle une histoire de vie et la description de ce pays qu'elle a rencontré, elle aussi pour fuir une situation douloureuse. Elle avait auparavant vécu en Algérie, puis en France et dit se sentir essentiellement méditéranéenne. Nous avons parlé de ces doubles appartenances lient en nous nos origines et un pays de coeur, de la difficulté de se réacclimater après une longue absence et de la difficulté d'écrire tout en travaillant et élevant des enfants. Rien d'original, mais un vrai plaisir d'échange. J'attends de la lecture de son livre une immersion en terre d'Afrique du Nord.

Je me suis dévoilée (ah bon c'est Zoë ? quelle surprise ! bonne ou mauvaise, ils ne l'ont pas dit) à Manu Causse et Emmanuelle Urien, dont j'avais déjà lu les livres et avec qui je causais de temps à autre par blog interposé. Deux belles personnes que j'espère revoir, puisque nous sommes toulousains, eux permanents et moi intermittente.

Il y avait tant d'autres à rencontrer, Jean Rouaud par exemple, mais je parlai avec Régine Detambel quand il présentait son dernier livre La femme promise. Mabanckou dont on lisait aujourd'hui, en sa présence Mémoire de Porc-épic et je n'y suis pas revenue. Temps pourri (40km sous la pluie) et mille autres choses à faire dont ce billet n'en est qu'une.

Emmanuelle Pagano (Le tiroir à cheveux ) n'était pas à Balma, mais son livre est en cours. A la page 20. J'espère qu'à la page 40 je serais plus séduite, on m'en a dit si grand bien.

Pour conclure ce patchwork un peu foutraque, un article dans Politis de cette semaine Mensonges et infantilisation (p 26, 27). Olivier Doubre s'entretient avec Michela Marzano, à propos de l'ouvrage qu'elle vient de publier Le fascisme, un encombrant retour ? (Larousse "Philosopher"). Elle s'alarme des signes qui montrent en France et en Italie que nous sommes entrés dans un régime autoritaire, antichambre éventuelle d'un nouveau fascisme.
Philosophe italienne vivant en France, chercheuse au CNRS elle est convaincue que les intellectuels et en particulier les philosophes doivent assumer leur rôle et dénoncer de risque d'un "encombrant retour" et considère en s'appuyant sur l'apport de la pensée critique de l'Ecole de Francfort, notamment celle d'Adorno "qu'au moment où l'on a encore la possibilité de s'exprimer, ce qui est le cas (elle se doit de s') engager pour permettre à la pensée de rester vivante.

Restons vivants !
Celle-ci, ci-dessous, l'air de rien, est enceinte. Encore une portée qu'il faudra distribuer auprès de parents adoptifs. Si ça vous tente, n'hésitez pas à passer commande

Et pour être absolument complète: Fronton Château Bouissel et Corbières Château Serres Hauterive Le Vieux Salon du Livre et du Vin.

*Pub gratuite pour ma librairie chérie sise à Toulouse
Photos ZL

16 commentaires:

Chr. Borhen a dit…

"Salon du Livre et du Vin" et, juste après, "recrues" ; ça ne s'invente pas.

Oui, Freud est mort à Londres, tout comme Marx (ça ne s'invente pas non plus) - les anglais décidément...

D'accord avec vous, Zoë, s'agissant des bonnes résolutions de Cactus.

Zoë a dit…

@Chr. Vous avez remarqué. L'ile terre de refuge. Nos afghans calaisiens le savent bien. J'ai beaucoup aimé votre "Odieux"

Eric Poindron a dit…

Plutôt que sur le chemin de Stevenson, chère Zoé, lisez plutôt Belles Étoiles,avec Stevenson dans les Cévennes (Flammarion) de Eric Poindron (votre serviteur), il paraît que c'est un très beau livre, même si ce n'est pas à moi de le dire, et encore moins de l'écrire...

Amitiés voyageuses

Eric Poindron

Loïs de Murphy a dit…

Ah flûte ! Il y avait un salon du livre à Toulouse et j'ai raté Détembel, Rouaud et cie ? (oqp me suicider par ingestion massive d'encre Waterman).
Et oui, ancienne toulousaine d'adoption, je vis pas loin dans le Gers.
Et Poindron a sorti un bouquin ? Je me le note, Poindron est un garçon délicieux et cultivé comme une pivoine nomade.

Loïs de Murphy a dit…

Au fait, je te recommande, en plus de celle d'OB, la fréquentation de la librairie des frères Floury rue de la Colombette.
Ta tricolore est magnifique mais j'ai déjà deux minettes... Argh !

D. Hasselmann a dit…

Mêler littérature et vin, Baudelaire l'avait déjà tenté : l'interdiction de l'un, un de ces quatre, amènera-t-elle la prohibition de l'autre ?

Oui, parallélisme de plus en plus étroit entre les politiques française et italienne : il s'en faut de quelques cheveux !

Zoë a dit…

@ Eric Poindron, je sais que votre livre est très beau, La feuille en a parlé et je ne manquerai pas de l'ajouter sur cette pile vacillante qui menace de m'assommer, non par son contenu mais par le poids des contenants
@Loïs, merci, je suis preneuse de ce genre de tuyau, j'irai visiter. Alors, pas un chat de ma chatte ? Et comment va Seccotine ?
@DH, Mélangeons les genres, nous ne prenons de leçons de personne.

Cactus , ciné-chineur a dit…

Content d'être cité en météo pourrie , moi ; sissi !
pour un hiiii je donne presque tout , je mets mes hoooo enlève le bahhh au choix ! je continue les décos chez moi et cherche de la substantifique moelle épinière !
merci à toi et à vous ! méfiez vous de la grippe du net , ok !

JEA a dit…

Météo pourrie ? Elisons quelques livres...

Clo a dit…

J'attends avec fermeté un salon du livre à Beaubec (pays de Bray ; seule certitude : Emmanuelle Pagano connaît....

(Zoé, plutôt que le tiroir à cheveux, agrippez-vous aux adolescents troglodytes...)

Clopine

Phildo a dit…

Chère Zoë, je vous imagine toute excitée naviguant entre les étals d'un salon du livre pour accoster dans les Corbières comme je pourrais m'imaginer salivant dans les travées d'un salon du vin pour m'échouer chez Kate Atkinson, et alors la tête me tourne !

Zoë a dit…

@Cactus, tu es mon soleil
@JEA. Elisons les liserons qui s'enroulent auprès de mon arbre
@Clo Pas déjà la saudade j'espère. Pas eu le temps encore de lire ton retour de Lisboa, vais y aller plus tard.
@Phildo, bonheur du jour, quand dégustons nous ensemble ?

Cactus , ciné-chineur a dit…

please please please Zoë , de nouveaux écrits , ratelier d'écritures ou pas , ok ?
Sissi , un festin point nu du tout !

Chr. Borhen a dit…

Un cactus qui se meurt dans le "désert" (supposé).
On aura tout vu.

Cactus , ciné-chineur a dit…

@ Ch.Bohren : bien vu :-)))))))) ( alors manque Miou-Miou aussi ! :-)

Loïs a dit…

Seccotine fait ses nuits depuis trois jours, allez loups ja !