mardi 7 avril 2009

Law, Madoff, quel rapport ?


1720, écroulement de la fiction monétaire de Law. Vous vous rappelez ce banquier véreux qui avait remplacé l'or et l'argent par la monnaie de papier durant la Régence. Le Duc d'Orléans a succédé au règne de Louis XIV en attendant que le petit Louis XV ait l'âge de monter sur le trône. Pris à la gorge par les dettes, désireux de marquer son passage par le faste et les libéralités, il a cédé aux discours de Law économiste écossais, bonimenteur sans vergogne, trader avant l'invention du métier.

Après quelques années de folle spéculation grâce à la Compagnie perpétuelle (ça ne s'invente pas) des Indes, l'économie réelle frappe à la porte et « le rêve américain s'envole ». c'est la banqueroute.

Pierre Lepape y consacre un chapître de son « Pays de la littérature » (277-291). En extrait ci-dessous quelques passages constitués de citations de grands témoins de l'époque.

« On ne donne plus d'argent nulle part. écrit Barbier, on ne veut plus de billets dans le commerce, en sorte que le bourgeois est obligé de perdre la moitié de ses biens et avec l'autre moitié d'acheter tout deux tiers au-dessus de sa valeur. »

(...)

« Buvat raconte que le curé de Saint Eustache, se rendant chez l'un de ses paroissiens qui avait besoin de secours n'obtient pas réponse lorsqu'il frappe à sa porte et fait appel à un commissaire: « Lorsqu'il fut entré dans la chambre, on fut bien étonné d'y trouver le mari pendu et sa femme et ses trois enfants égorgés. Dans la pièce on trouva six sols de monnaie et pour deux cent mille livres de billets de banque que l'on disait provenir du remboursement des rentes sur l' Hôtel de Ville. » Le mirifique enrichissement de quelques-uns a ruiné des milliers de petits rentiers. »

(...)

« Saint Simon a une lecture politique de cette fantasmagorie financière.

« Ce qui hâta la culbute de la Banque et du Système fut l'inconcevable prodigalité de M. le Duc d'Orléans, qui, sans bornes, et, plus s'il se peut, sans choix, ne pouvant résister à l'importunité, jusque de ceux qu'il savait à n'en pouvoir douter lui avoir toujours été et lui être encore des plus contraires, donnait à toutes mains, plus souvent se laissait arracher par des gens qui s'en moquaient, et n'en savaient gré qu'à leur effronterie » Sa conclusion « L'on a peine à croire ce qu' on a vu, et la postérité considérera comme une fable ce que nous-mêmes nous ne nous remettons que comme un songe. »


Montesquieu publie ses Lettres Persanes à Amsterdam, en 1721. « Elles ont été écrites pendant les quelques mois qui marquent l'apothéose et la banqueroute du système. »

Voici ce qu'il fait dire à Usbek, sensible au discrédit des symboles et des valeurs qu'ils représentent. « Quel plus grand crime que celui que commet un ministre, lorsqu'il corrompt les mœurs de toute une nation, dégrade les âmes les plus généreuses ternit l'éclat des dignités, obscurcit la vertu même, et confond la plus haute naissance dans le mépris universel? » (...) Que dira la postérité, lorsqu'il lui faudra rougir de la honte de ses pères? Que dira le peuple naissant, lorsqu'il comparera le fer de ses aïeux avec l' or de ceux à qui il doit immédiatement le jour ? Je ne doute pas que les nobles ne retranchent de leurs quartiers un indigne degré de noblesse qui les déshonore, et ne laissent la génération présente dans l'affreux néant où elle s'est mise. »

Pour conclure cette recension, -toute ressemblance avec la réalité actuelle n'étant que pure coincidence, nous ne vivons pas sous la Régence, n'est-ce pas ? -, cette définition de la liberté du « Président à mortier au parlement de Bordeaux » :

La liberté pure est plutôt un état philosophique qu'un état civil. Ce qui n'empêche pas qu' il n'y ait de très bons et très mauvais gouvernements.[... ] Pour moi, je comparerais les bonnes lois à ces grands filets dans lesquels les poissons sont pris mais se croient libres, et les mauvaises à ces filets dans lesquels ils sont si serrés que d'abord, ils se croient pris »

Vous connaissez un moyen de cisailler les mailles ?

Pierre Lepape. Le pays de la littérature. Des serments de Strasbourg à l'enterrement de Sartre. Seuil 2003

Photo Monnaie de Paris

23 commentaires:

JC a dit…

Il n'y a aucun rapport entre Law et Madoff.
- Law a créé la notion de papier-monnaie transformant définitivement la relation entre le billet de banque et le métal de référence, permettant une progression de la masse monétaire en remplaçant le métal par la confiance ....
- Madoff a escroqué ses meilleurs amis en tirant profit de la nullité des systèmes de régulation aux US ...
Seul point commun (pour vous agréer Zoë...) : la perte de confiance a entrainé l'un à la ruine puis la mort, l'autre à la prison sans la ruine ...!

Zoë a dit…

@JC La relation c'est le décollement entre l'économie réelle et la spéculation financière, la ruine des uns fondée sur l'enrichissement des autres, sans compter l'introduction de l'économiste conseiller du Prince. Madoff est une des boursouflures de ce système. Tirée par les cheveux ma comparaison ?

Dexter a dit…

bonjour,
les gens riches (en argent) que j'ai eu l'occasion de croiser dans ma vie étaient en fait des gens assez pauvres (en esprit).
Alors que les gens qui avaient une grande richesse (en esprit) que j'ai eu la chance de connaitre étaient malheureusement assez pauvres (en argent).
Du coup j'ai bien l'impression qu'il n'y a hélas pas beaucoup de corrélation entre richesse et pauvreté.

JC a dit…

Ce que vous dites est juste, Zoë et la constatation de Dexter se vérifie souvent (je la trouve tout à fait manichéenne, sa réflexion, mais c'est voulu ...)

Cactus , ciné-chineur a dit…

Monnaie de singe !?

Zoë a dit…

@Dexter, même si un peu manichéen, j'approuve l'énoncé. les plus grandes générosités dont j'ai bénéficié étaient celles de gens peu fortunés. Les gens riches quand ils offrent vous donnent l'impression d'acheter votre reconnaissance.
@JC, c'est le système dont parle Saint Simon et c'est le système que je vise ici, soutenu par des régents
@Cactus, auquel on n'apprend pas à faire la grimace

Cactus , ciné-chineur a dit…

C'était juste pour alerter les bébés pas encore mazoutés , Zoë !

Anonyme a dit…

ben, riche, pauvre, ça dépend... Un smicard est riche par rapport à un paysan du Sahel. Mais il est pauvre par rapport, au hasard pouf pouf , à un membre du gouvernement Sarkozy...

Donc, tout est relatif, ma brave damme, nous sommes subordonnés à ce relatif (hihihi), et ce qu'il faut garder à l'esprit, ce sont les écarts. Reprenons comme exemple notre paysan du Sahel. Au début du vingtième siècle, son écart de niveau de vie avec son homologue de la Creuse n'était pas si important que cela. Mais ça s'est "creusé", ahahah. Vous me direz qu'aujourd'hui, en plus, il a le sida, donc il s'en fout d'être pauvre puisqu'il est déjà mort, mais que ça n'a aucune importance parce que s'il croit en dieu sa vie spirituelle va le consoler de n'avoir pas mis de capote, y'a pas que ça la capote dans la vie, y'a l'AmUUUUr. Bref.

Je crois qu'en définitive, outre le fait qu'il faudra peut-être (je dis bien peut-être, faut voir) pendre le dernier spéculateur avec les couilles du dernier sarkozyste, il nous faudra garder à l'esprit qu'on trouve toujours plus pauvre que soi. Et qu'on n'a pas le droit de s'en contenter...

Clopine

Zoë a dit…

@oui ma clopine au grand coeur, mais pendre le dernier des avec les couilles des , si c'est pour repartir comme avant, bof, c'est l'imagination d'un autre système qui est intéressante.

Cactus , ciné-chineur a dit…

Faut relire Truman , Clopine Anonyme , tout y est déjà !

JC a dit…

Reprenons votre saillie en moins macho, Clopine !

"qu'il faudra peut-être (je dis bien peut-être, faut voir) pendre la dernière spéculatrice avec les ... nattes de la dernière sarkozyste"

Mmmh ! Quelque chose ne va pas ...

Anonyme a dit…

Remplaçons la monnaie traditionnelle par des baisers.
Un pain = un baiser
Une voiture = cent baisers
Une maison = mille baisers
Spéculation ? Ah Ah Ah...
Inflation ? Hmmm...

Chr. Borhen a dit…

Vive Lepape !

D. Hasselmann a dit…

Je me souviens des articles du pape dans "Le Monde des livres" : mais tout ceci n'est pas que littérature.

Notre président sait bien que c'est la princesse qui clive et l'argent qui est roi.

La décapitation est pourtant un sort historiquement prouvé.

Zoë a dit…

@Cactus, pourrait-il faire capoter le système?
@JC Petite blague féministe
Lui: Chérie, si on changeait de position ce soir
Elle : D'accord, toi devant l'évier et moi sur le canapé
@Dom A. Je vote pour vous
@Chr. B, sortie de bulle ?
@DH. La princesse clive et nous, on en clève

hortensia a dit…

je reviendrai...

Cactus , ciné-chineur a dit…

du pot , Zoë , même une Hortensia !
un beau bouquet ici encore , tu as !!! ( sans parler de Nonyme )
sinon , monsieur Sauzeau est mort il y a six mois , je ne l'apprends que ce jour :http://jocacponcetus.over-blog.com/article-15742561.html) :-(

Zoë a dit…

@Hortensia, Bienvenue.
@ Cactus, suis allée voir le papy. Il était beau mais ça bouge plus beaucoup chez Joe, why ?

Cactus , ciné-chineur a dit…

comme les ours , moi !
un ours sain de mère porteuse où les ours sont ! tantôt j'hiberne tantôt j'hiverne !

Lavande a dit…

Qu'est-ce que c'est que ce bébé béat?

Anonyme a dit…

Zoë, procurez-vous donc un boursoflomètre et étalonnez-le sur le système des baisers que propose l'un de vos commentateurs.

Armelle D.

Anonyme a dit…

Le lecteur aura peut-être rétabli de lui-même : il fallait lire "boursouflomètre".
A.D.

Zoë a dit…

@Lavande, c'est la pub de "monnaie de Paris", incroyable non ? Dès le berceau on les met à mariner dans le fric.
@ Armelle, vous aussi vous aimez le programme électoral de Dom.A?