samedi 14 mars 2009

Délivrez nous de Marcel


Télérama cette semaine nous livre les résultats d'une enquête: l'exercice consistait à demander à un écrivain homme ou femme, ( mais ça marche moins bien, la preuve Télérama n'affiche aucune femme dans sa sélection de happy few à l'image et leur nombre m'a semblé peu paritaire parmi les consulté(e)s) quelles sont vos dix livres préférés. Une telle question provoque chez celui qui se trouve sur la sellette une petite tempête intime: 1 choisir, 2 montrer.
Dans son article, Nathalie Crom relève la grande diversité des auteurs cités que l'exercice statistique aplatit au profit des grands. Les consultés mentionnent la difficulté de s'en tenir à une sélection aussi mince et que leur liste aurait pu être tout autre le jour suivant.

Sans surprise, dans notre bel hexagone qui entame sa conquête du troisième millénaire, Marcel et Gustave tiennent le haut du pavé respectivement cités 33 et 23 fois talonnés par l'américain William Faulkner 24 ( Shakespeare 9) et Fiodor Dostoïeski 16. Une femme, " la femme écrivain" Virginia W 15. On notera pour conjoncturelle la présence de Madame de La Fayette qui n'avait aucune change de figurer au palmarès sans la publicité récente que lui a faite de façon involontaire notre très Haut. La Princesse de Clèves avant Don Quichotte !!! La Bible n'apparaît qu'à la dixième place. Est-ce sa valeur littéraire ou spirituelle qui est ainsi récompensée ?

Il se trouve qu'aujourd'hui j'écoutais une enseignante exposer les menaces qui pèsent sur la filière littéraire et je l'entendais déplorer la disparition des humanités et l'absence de courants littéraires (sic). Ces deux actualités, font pour moi un précipité.

En France la littérature est tombée en catalepsie après la mort du grand Marcel. Tous ses successeurs se sont vu ajuster l'étalon et rien n'y a fait, après lui, la littérature s'est étiolée. On ne saura jamais le nombre d'écrivains potentiels que le lourd héritage aura découragés. De même comment écrire hors du gueuloir de Flaubert.
Alors que la profusion de l'écrit est proprement suffocante,- entrer dans une librairie c'est s'exposer au découragement, comment espérer rattraper le retard inéluctable ? - quelle merveilleuse échappatoire, il suffit de lire et relire la Recherche ou L'éducation sentimentale (heureusement le meilleur de Flaubert, parce que lire et relire Bovary, ouf!)
J'ai consulté les listes, il y a de grands absents ou à peine cités. Un Moravagine pour sauver Cendrars (quid de Bourlinguer ), peu de Miller, Albert Cohen Belle du Seigneur( ?), Kundera Le livre du rire et de l'oubli (?), Vian cité par Chloé Delaume, Le Clézio, (trop proche ?), pas de Sud Américain sauf les incontournables Borgès et Garcia Marquez.
A quoi servent ces listes ? A déclencher le goût de lire chez ceux qui seraient passés à côté des chefs d'oeuvre ?
Seul Pierre Assouline cite une BD et encore ultra classique, Tintin.
Nous voilà donc servis d'une petite couche supplémentaire de doxa.
Une question : peut-on être écrivain si on n'a jamais pu aller au bout de La Recherche, si on trouve la lecture de Flaubert un rien surrannée, si la Princesse appartient au passé enfoui d'élève et qu'on n'a nulle intention de l'exhumer et si plutôt que ces vénérables momies on aime les écrivains vivants qui parlent d'aujourd'hui en se souciant comme d'une guigne de leurs illustres prédécesseurs. Peut-on échapper au regard profond et doux de Marcel dans les siècles et les siècles.
Je m'interroge.

10 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui, on peut tout faire quand on le fait.

Anonyme a dit…

Je retiendrais le terme de "précipité" au sens chimique du terme... quand deux ou plusieurs articles ou infos se télescopent.

Ceci dit, je suis tombée dans la marmite proustienne il y a trop d'années pour que je les évoque... mais serait-ce une raison pour oublier tout le reste ? Nous avons la chance d'avoir une littérature riche depuis des siècles.

Je ne pense pas que les "modernes" doivent écliper les "anciens"... Mais Télérama, comme d'autres titres, sacrifie à la mode des classements et autres... Plus les "effets de mode" comme la "Princesse de Clève" que dans doute la plupart n'ont jamais lu !

Tout à fait d'accord pour "Madame Bovary"... J'ai dû l'étudier par le menu... le même effet de satiété qu'un peu plus tard "le médecin de campagne" de Balzac ! "L'Education sentimentale" est autrement riche et dresse de surcroît un tableau intéressant de la politique en 1848.

Comment savoir aujourd'hui qui seront les écrivains du XXe siècle qui resteront dans la postérité ?


C'est une question que j'ai déjà posée dans mon blog et je ne pense pas vivre assez longtemps pour y répondre... mais ce qui me semble certain, c'est qu'à côté d'un certain nombre qu'il faut faire connaître, beaucoup ne méritent guère mieux que les "oubliettes" !

Anonyme a dit…

je crois qu'on peut vivre sans proust, ceci dit sans méchanceté : qd j'étais en terminale (littéraire) j'ai fait un blocage vis à vis de lui. j'avoue le regretter maintenant et espérer vivre assez longtemps pour le découvrir. d'un autre côté, j'ai pris beaucoup de plaisir à découvrir des auteurs nouveaux, ou peu connus au hasard de mes promenades dans les librairies et bibliothèques.les réponses au questionnaire type télérama sont destinées le plus souvent à "étaler" à donner à voir; vous imaginez un écrivain célèbre qui oserait dire qu'il aime harry potter ou milenium ? snobisme ...

Anonyme a dit…

@ Chr, on le fait, mais il y a loin du tapuscrit aux rayons de la TGB
@Kamizole. C'est tout à fait ça. J'ai lu les grands classiques (pas tous)mais je n'y reviens plus, à part quelques grands poètes qui me servent de calmant ou d'excitant selon les jours. Ce texte n'est pas contre M. Proust mais contre tout un discours et comme le dit
@Zigmund, qui oserait avouer ses goûts dits "vulgaires" et pourquoi se retourner sans cesse vers la littérature du temps passé, comme si après Marcel ...

Anonyme a dit…

Rabelais, Molière, Voltaire et Rimbaud n'ont jamais lu Proust - les cons !

Anonyme a dit…

Il y a chez les litterateurs autant d'idées reçues et de snobisme qu'ailleurs, sinon plus ! L'emballage est souvent de bien meilleure qualité ... cela ne rend pas le contenu plus estimable.

Anonyme a dit…

Comment écrire, comment peindre, comment sculpter à l'ombre des artistes admirés? En écrivant, en peignant, en sculptant - en travaillant.
Le débat jouissif sur les classiques à La Grande Librairie montrait que certains livres attendent leur heure, que d'autres n'auront jamais rendez-vous avec nous, que des rencontres ont lieu et d'autres pas.
Les listes n'ont d'intérêt que de dire un peu quel lecteur vous êtes, avec qui vous avez des affinités, sans plus.
Un billet qui suscite une réflexion, c'est bon à prendre, merci.

Anonyme a dit…

Un questionnement qui rend compte également du formatage intellectuel à une époque donnée. Difficile de s'y soustraire à moins de se mettre à distance...en allant voir ailleurs, ce que lisent les gorilles par exemple!

Anonyme a dit…

Ce qui est quand même très étrange c'est qu'aucun n'a cité Madame de K...
;-D

Tellinestory a dit…

Yapaperec.
Nikeno.

pffff.