vendredi 27 février 2009

D'un jardin l'autre



J'ai déjà évoqué l'écriture de Régine Detambel. (Le syndrome de Diogène, 4 février). Loïs de Murphy, dans un commentaire recommandait "Le jardin clos". J'ai dû le commander. Même à Ombres Blanches, la place manque et on ne trouve que les derniers ouvrages, sauf évidemment pour les grands classiques.
J'ai pu en attendant découvrir "Petit éloge de la peau" une merveille paru chez Folio (2 euros). "L'écriture aujourd'hui, moderne poétique de la peau, n'écorche plus le papier. Fi des parois scarifiées. Elle se tient loin du manuscrit, du parchemin, de cette peau de veau mort, encore sanguinolente, dont le vélin tira sa palpitante origine. Elle n'est plus une écriture mordeuse de chair, qui tatoue le texte sur la peau des livres - et c'est pourquoi d'ailleurs elle se mémorise si mal.

J'ai pris conscience depuis que je tiens ce blog et alors que je manie le clavier depuis longtemps désormais que j'ai tendance à faire plus de fautes d'orthographe au clavier qu'à la main. J'ai la mémoire orthographique dans le jeu du poignet tenant un crayon, pas au bout de mes doigts pressant les touches.

Le jardin clos Gallimard 1994. Le jardin, théâtre d'un traumatisme initial, devient le cocon d'un homme qui a renoncé à vivre au dehors. Les limites de ce jardin public sont celles de son nouveau monde qu'il partage avec quelques frères de dilection, des êtres repoussants pour tous les autres mais qui s'aiment les uns les autres et se roulent et s'enroulent ensemble sous leurs cartons ondulés, accompagnés de leurs chiens. Régine Detambel nous donne à connaître un autre visage de ces marginaux qu'on croise tous les jours, dont le dénuement nous semble un archarnement à se tenir en dehors des règles minimales d'obédience. Confusément, nous leur en voulons de la crudité de leur démonstration de mépris pour nos univers de confort chèrement gagné au prix de la laisse et de ses traces douloureuses à notre cou. (voir Portrait de l'écrivain en animal domestique, Lydie Salvayre)
Le personnage (le héros ?) aime profondément sa chienne qui permettra à son corps défendant (c'est absolument le terme) la catharsis, lui redonnant la force qui lui avait manqué et l'avait installé dans le remords du lâche. On ne résume pas un livre dont la puissance tient au sujet (on n'a jamais aussi bien parlé des SDF) mais plus encore au style, à la broderie élégante de Detambel. Et là on doit s'effacer :
J'ai renoncé, pour une raison, une seule, intense et passionnée, à poursuivre la vie réelle que je menais, un peu plus bas, dans la rue bruyante qu'on voit par la lucarne du mur. Je suis maintenant un personnage anecdotique et pittoresque qui a appris tout seul la marche du soleil. J'en imposerais aux chasseurs, pour les traces que je reconnais, aux horticulteurs pour les miracles que j'ai accomplis, aux astronomes pour les éphémérides que j'ai moi-même calculées, aux mathématiciens. J'en remontrerais aux zoologues pour mes observations, même aux apiculteurs. Je suis un vieux sage qui a la patience de suivre le soleil avec la pointe du pied.(46).
Je suis un bateau qui se construit dans une bouteille (60)
Sandrine est émouvante de force. Tout sur elle est déjà animal. Sa peau ondule à la base des poils quand elle frissonne, ses seins durcissent et se mettent en boule avec lenteur comme de petits hérissons (75).

Pour conclure, un bel oxymore rencontré en visitant les emplacements à louer, recueil de Nouvelles de Manu Causse, dont Chasse à l'homme, un bijou.
Au moment où on s'engouffre sous l'arche, le soleil est en train de sortir des nuages, derrière le merisier, j'ai l'impression de plonger dans un tunnel de lumière . (51). Visitez le purgatoire (emplacements à louer). D'un Noir si Bleu 2008.

Je retourne tailler les branches mortes, il fait si beau.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pas facile de se punir au futur simple quand le recours au conditionnel par Régine D. sème la zizanie... Courage !